Il y avait dans le ciel des étoiles qui brillaient plus fort que d’autres.

Anita avait toujours considéré que ses mères en étaient. Lumineuses, brillantes, persévérantes, et toujours là pour diffuser une lueur d’espoir, toujours un point vers lequel lever la tête, toujours quelque chose pour se retrouver.
L’une d’elle s’était éteinte de ce ciel mais resterait toujours dans ses pensées.
L’autre était en déclin, astre qui clignotait un peu moins fort que par le passé, parfois faiblissait et surtout s’effaçait. Comme les étoiles dérivaient chaque soir dans le ciel, Anette s’était éloignée du feu de l’attention où elle avait tant eu sa place qu’Anita l’y avait cru née. Le Castel délaissé pour n’être plus l’Alpha et la guerrière redoutable qui faisait courber les échines ce fut la plage qu’elle retrouva pour y redevenir la louve qui aimait les embruns et les coquillages, tout simplement.

Pour ses enfants elle avait toujours été une mère aimante et à la douceur insoupçonnée, forte d’un corps large pour y accueillir leurs peurs, leurs doutes, leurs joies et tant d’autres choses encore.
Et toujours il y restait de la place. Peu importe à quel point ils grandiraient : contre les flancs de leurs mères ils pourront toujours s’étaler comme s’ils n’étaient encore que des enfants.

Anita avait lu un jour que les étoiles pouvaient cesser d’exister : qu’un jour en regardant la voûte céleste, elle pouvait ne pas y retrouver celles qui y avaient brillé pendant des milliers d’années durant.
Mais Anita ne voulait pas voir s’éteindre les étoiles. Surtout pas celles qui constituaient son ciel, ses repères, ses mères.
Elle n’avait pourtant pas eu le choix de voir partir Sheina et n’avait pas plus le choix d’assister à la mort prochaine d’Anette. Sa mort. C’était une pensée effrayante, qui la faisait frémir et la bouleversait. Pourtant leur mère prit soin de les y préparer – et Anita avait choisir de poursuivre cette préparation en lui rendant visite presque quotidiennement sur les côtes. Mais était-ce possible de vraiment se préparer à pareille idée ? De se dire qu’un jour prochain – peut-être au prochain soleil, au prochain réveil – elle trouverait les plages vides de sa présence et que peu à peu s’effacerait son odeur comme celle de Pepper s’était effacée du Castel et celle de Sheina s’était effacée de la Moere ?
C’était quelque chose dont elle avait une conscience lucide qui ne l’empêchait pas d’avoir chaque fois mal.

De tout ce qu’elle avait imaginé, cependant, elle n’aurait pas imaginé qu’ainsi se passeraient les choses.

Les images s’invitèrent sans prévenir dans son esprit et c’était comme si elle y était.
Comme si ce dernier combat qu’elles n’avaient pu mener mais qui se déroulait désormais sous ses yeux, une dernière danse, avait été à quelques mètres d’elle.

Et à les voir ainsi se chercher l’une et l’autre, réunies le temps des derniers instants de l’une tout en permettant à l’autre d’en grappiller quelques uns de plus, Anita ne put que sourire.
Quelle autre option que cette joie qui faisait un peu mal devant ce départ bien plus explosif qu’elle ne l’aurait cru ? Elle avait sous estimé sa belle et puissante mère.

Les astres ne mourraient qu’en explosant.

Quand ce fut fini et qu’elle prit par automatisme la route du temple d’Aka pour aller y saluer une dernière fois sa mère, les larmes étaient venues côtoyer un sourire toujours imprimé sur ses lèvres.

Devant le corps étendu elle s’agenouilla, dans le creux de son encolure elle glissa son museau – là où enfant puis adulte encore elle avait pris l’habitude d’apposer leurs têtes l’une contre l’autre.

— Merci pour tout, maman. Je t’aimerai toujours.

Aujourd’hui s’éteignait une étoile.

Mais dans son coeur, pour toujours brillerait.