Présence vitale [Ted]

Ennui. Voilà le sentiment qui l'habitait. Il passait ses journées à couver l’œuf. Sans jamais bouger de sa grotte. Comme une femelle Dinosaure bien attentionnée. Il ne s'autorisait à quitter sa position qu'uniquement pour ses besoins primaires. Ce n'était pas assez pour son corps de combattant. Il le savait. Il sentait que ses muscles se ramollissaient. Il allait devenir tout mou. Il loupait tellement de séances d'entrainement ! Mais c'était pour le bien de l’œuf. Fallait pas qu'il chopa un coup de froid. Fallait endurer pour lui assurer la meilleure chance de survie. Même si sa vie actuelle était tout ce qu'il détestait. Quelle horrible chose que la monotonie ! Tout était si plat ! A force de chercher une occupation du regard, il connaissait même chaque aspérité de la grotte. Misérable existence.

Il en était arrivé à un point où il guettait avec presque impatience les venues de Ted. Parce que le loup bleu n'était pas parti définitivement. Il était revenu plusieurs fois. Pour lui apporter de quoi manger. Quelle surprise cela avait été fait pour Fenouil. Au début, il avait fermement refusé. Question de fierté. Il n'était pas un bébé à qui on donnait la becquée. Il savait se débrouiller tout seul. Il n'avait pas survécu jusqu'à cet âge en étant dépendant des autres. Mais manger tous les jours de la mousse avait fini par l’écœurer. Alors, de temps à autre, il acceptait de planter ses crocs dans ce que lui rapportait l'autre mâle. Pour varier les goûts. Pour que sa langue n'oublie pas la saveur de la viande. Pour entrainer ses crocs. Fausses excuses. Il n'assumait tout simplement pas.

Tout comme il n'assumait pas que ses yeux bleu guettaient régulièrement l'entrée de l'abri. Cherchant à voir apparaitre la silhouette devenue familière de Ted. Pour oublier pendant quelques instants la solitude, pour apporter un peu de vitalité à son morne quotidien. En plus, lors de sa dernière visite, il lui avait demandé de lui trouver de l'argile orangée. Avec un cours d'eau à ses côtés, faire quelques peintures pourraient être à la fois distrayant et utile. Mais pas d'allié en vue. Il poussa un bref soupir avant de décaler doucement ses pattes. C'était pas agréable de ne plus sentir ses membres ou de trop les sentir d'ailleurs.

3 an (30/03/2024) Yeux fait de feu I | E | F | A 1 | 1 | 0 | 2

-Ted-

La vie de Ted avait doucement changée après sa rencontre avec Fenouil. Lui qui passait son temps plongé dans des livres, avec l'incendie de la bibliothèque et la fermeture des frontières nakhus, il avait bien été obligé de sortir un peu explorer le monde. Il avait passé beaucoup de temps à la sylve, même après leur aventure avec Fenouil, pour y observer les nids et essayer de toute faire pour que l'oeuf du loup-dino ne meurt pas. Il ne savait pas vraiment pourquoi le sort de Fenouil lui importait autant, probablement à cause de la solitude qu'il avait ressenti venant du mâle, ou peut-être que c'était plus pour l'enfant, qu'ils avaient enlevé à ses parents.

Suite à sa décision, il avait continué à aider Fenouil en lui rapportant régulièrement de quoi manger. De la viande, qu'il chassait lui-même, des légumes et baies qu'il ramassait comme sa maman lui avait appris. Ses passages dans la petite grotte humide que Fenouil avait choisi étaient reposant, contrairement à la plupart de ses interactions sociales : le loup-dinosaure ne parlait pas beaucoup, et comprenait facilement la communication corporelle. Ted avait fini par n'utiliser presque que celle-ci, sauf quand un mot ou une phrase était trop complexe pour être exprimée seulement avec son corps.

Durant son dernier passage, Fenouil lui avait demandé de l'argile orange. Ted était allé en chercher près du refuge, ou l'eau était plus abondante. Il avait également chassé un lièvre, qu'il ramenait en même temps qu'une feuille contenant l'argile. Il entra dans la grotte, déposant son butin devant le loup qui couvait l'oeuf. Cela faisait un moment, maintenant, qu'il restait là. Il n'y avait aucun moyen de savoir si leur plan avait fonctionné, ce qui angoissait un peu Ted au début, mais il avait finit par s'y faire. Du museau, il pointa légèrement le ventre de Fenouil ou était enfermé l'oeuf : des nouvelles ?

Ses oreilles se dressèrent soudainement avant de se tourner vers l'entrée. Son ouïe l'avait prévenu. Quelqu'un approchait. Un pas reconnaissable entre tous. Celui de l'être attendu. Celui qui venait briser son ennui. Son regard, d'habitude blasé, s'illumina d'un éclat plus vif. Il fut content de ne plus avoir de queue. Elle ne pourrait pas trahir sa satisfaction de voir Ted.

A la question de celui-ci, il répondit par la négative. Rien n'avait changé depuis sa dernière visite. Il n'y avait pas d'odeur de pourriture, donc c'était pas mort. Un plutôt bon signe. Ses yeux bleu se posèrent sur le butin rapporté. Il observa le lièvre. Allait-il faire le difficile aujourd'hui ? Il n'eut pas le temps d'y réfléchir. Déjà, il vit la feuille d'où émanait un effluve familier. Son allié avait trouvé ce qu'il voulait !

Avec précaution, il descendit du nid. Nid qui n'était plus tout à fait le même que lors de la fin de leur construction. Depuis, de légères modifications avaient été apportées. En effet, Ted était retourné à la Sylve. Il avait pu observer longuement les nids présents là-bas. Il avait capté des détails impossibles à repérer sans une analyse minutieuse. Et ces petits détails, il les avait rapportés à Fenouil. Ils avaient été ajoutés au nid, comme ces ronces par exemple. Fallait juste faire gaffe à ne pas s'accrocher dessus.

Son œil d'expert examina l'argile. Elle était belle. Orange comme il fallait. Il offrit un signe approbateur à son congénère. Bon boulot. C'était à son tour de jouer maintenant. Il plia légèrement les bords de la feuille. Il ne voulait pas en foutre partout. Un abri devait rester propre. Puis, il partit récupérer quelques goulées d'eau dans sa gueule. Moyen de transport primitif. Mais c'était mieux que sa bave, moins collant. Il revint se placer au-dessus de la feuille et entrouvrit légèrement ses babines. Il laissa s'écouler le liquide sur l'argile. Fallait pas déborder, ni trop en mettre. Son instinct guida ses gestes. Quand ce fut suffisant, il avala l'eau restant dans sa gueule. Il plongea sa patte et mélangea l'eau et l'argile ensemble. Jusqu'à obtenir une mixture assez fluide mais pas trop. Sa peinture était prête. Il l'admira quelques secondes. Rempli de la fierté de sa Tribu.

Ensuite, vint l'étape la plus délicate. Il n'avait jamais peint sur un œuf. Sur des poils oui. Sur des écailles aussi. Mais là, c'était tout nouveau. Il voulait partager les pouvoirs offerts à cet œuf. Pour assurer sa survie. Croyance primitive. Alors, il commença. Il utilisa son autre patte pour ce travail. Il trempa ses coussinets dans l'orange. Son art serait grossier. La surface n'était ni plate ni grande. Mais il s'appliquerait le plus possible. Il traça une chaine de triangles. Des Montagnes. Pour leur Force. Il dessina une feuille entre chaque montagne. Pour la Forêt. Il termina par des points au-dessus et en-dessous des montagnes. Pour l'Eau.

L’œuvre était terminée. Ou plutôt la protection, car telle était son rôle. Protéger l'être caché sous cette coquille et lui insuffler la force nécessaire à sa survie. Le loup-dino jeta un coup d’œil à Ted. Mmmh, il pouvait lui donnait quelques explications sur ce qu'il venait de faire. Il porta une patte à son poitrail, laissant une empreinte orange sur le pelage bleu.

"Vitalité."

Vos efforts sont bons, l’œuf, chaud, humide, commence à se craqueler. Une nouvelle vie semble pulser. Doucement, la coquille se fend. Lentement, il suinte d'un vert putride.
Et il éclate soudainement, dans une gerbe putride.

Vos efforts sont bons.
Mais il est difficile de s'occuper d'un œuf qui n'est pas sien ; qui n'est pas d'une espèce commune.

Il a pourri.

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3 an (30/03/2024) Yeux fait de feu I | E | F | A 1 | 1 | 0 | 2

-Ted-

Le mâle dinosaure semblait heureux de ce que le loup cendré avait trouvé. Ce dernier s'écarta, le laissant faire mais ne manquant aucun de ses gestes, le couvrant d'un regard curieux d'ou pointait un peu de douceur. A force, il s'était tissé une sorte de lien entre les deux loups, un lien qui se passait de parole, une sorte de confiance. Alors, il se tut, comme souvent avec le loup dino, et le regarda faire : d'abord, prendre de l'eau dans sa gueule, puis la mixer avec l'argile sèche. La couleur obtenue était belle, vive, et Ted se surprit à s'imaginer en train de l'utiliser pour colorer sa tanière. Puis, le dinosaure se mit à peindre, d'une patte étonnemment précise pour son grand corps. Avec douceur et concentration, il traçait des traits qui devenait des montagnes, des courbes qui devenaient des feuilles, puis des points dont Ted ne saurait définir la sgnification, si elle en avait une.

Vitalité.

C'est magnifique.

Les mots chuchotés lui avaient échappés sans qu'il ne cherche à les retenir. En soit, ce n'était pas la chose la plus belle que Ted ai jamais vu, mais il y avait cette douceur, cet espoir dans le tracé qui rendait toute l'oeuvre, oeuf et nid compris, assez émouvante. Avec tout ça, le loup cendré ne pouvait vraiment imaginer d'autre issue que la Vie. Comme en réponse à Fenouil, soudain, l'oeuf se craquela. Ted se tendit, sentant son coeur plonger dans sa poitrine : il l'avait cassé ? Il y était allé trop fort ? Non, si tous leurs efforts étaient ruinés en un geste ... Ou alors, il était en train d'éclore ? Le mâle resta immobile, attendant. Un nouveau craquement, et soudain, l'odeur le pris : une odeur de pourri. Tout sauf celle de la vie.

Ted fixa l'oeuf, sans rien dire, puis releva les yeux vers Fenouil. Il avait peut-être mal compris, il avait peut-être mal sentit. Il cherchait sur le visage habituellement inexpressif de son compagnon une trace, un indice, refusant d'abandonner, d'accepter que l'espoir mourrait de manière aussi terne.

ʊ Présence vitale

Ses oreilles se dressèrent aux paroles de son partenaire. Un compliment sincère. Depuis combien de temps n'en avait-il pas reçu ? Des années. Et celui-là n'était pas sur sa force ni sur son endurance, mais sur quelque chose qui comptait tout autant. Sur ses précieuses mœurs, sur ce qui le rattachait à cette Tribu qu'il n'arrivait pas à rejoindre. Un air surpris s'afficha sur son visage. Rapidement remplacé par un vrai sourire. Le premier.

Mais l’œuf brisa cette parenthèse. Il produisait des craquements ! Fenouil reprit son sérieux et abaissa rapidement le museau. Ses yeux se fixèrent sur la coquille. Avec tellement d'intensité. Il suivait les craquelures et leur cheminement. Les battements de son cœur s'accélèrent. Avec Ted, ils avaient fourni tant d'efforts. Ils étaient si déterminés à réussir. Ils ne s'étaient jamais relâchés malgré les longues journées de boulot ou d'attente.

Alors, oui, il était plein d'espoir notre loup-dino. Pour lui, ils ne pouvaient qu'assister au spectacle de la naissance d'une nouvelle vie. Vie qui changerait la sienne et qui lui apporterait la présence nécessaire pour enfin connaitre un certain apaisement.

Il ne lâchait pas du regard cet.. non.. Leur œuf. Le résultat de sa collaboration avec un congénère. Un essai si concluant qui pourrait peut être bien lui faire comprendre que tous n'étaient pas si dangereux ou inutiles. Que l'entraide pouvait parfois être bénéfique. Et qu'ensemble, ils pouvaient faire des choses impossibles à un loup tout seul.

Il attendit durant ces secondes qui lui parurent des heures. Il était si pressé de découvrir son nouveau ami à écailles.

Jamais il n'aurait pu envisager que ce serait un échec. Et pourtant...

Pourtant l’œuf éclata. Ne libérant que de la pourriture. Brisant impitoyablement tous les espoirs comme de vulgaires os.

Les morceaux de coquille s'enfoncèrent profondément dans le cœur du loup-dino. Fini. Plus de vie. Échec.

Tu seras toujours seul, Fenouil. Pas d'ami à écailles pour toi, aujourd'hui.

Un gémissement s'échappa de sa gorge. Le masque d'indifférence ne fonctionnait plus face à ce sentiment auquel il n'était pas préparé. Chagrin. Désillusion.

"Non...Non...Non !"

De simples murmures adressés à qui voudraient bien les entendre. Une maigre tentative de refuser la réalité éclatée. Mais il n'était pas un utopique. Il ne vivait pas pour des rêves. Ou plutôt, le seul qu'il s'était autorisé à espérer se retrouvait pourri.

Il fixa ce vert immonde se mélanger à l'orange de la Vitalité. Et il se prit d'une immense haine pour cette couleur. Vert de l'échec. Vert du Raptor qui l'avait rendu malade. Toujours ce foutu Vert. Il le détestait.

D'un geste violent, il envoya hors du nid les fragments de son espoir. Il les piétina. Il ne voulait plus les voir. Tout n'était que gâchis.

Son museau se redressa et il porta sur Ted un regard brouillé de larmes.

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Sujet: Re: Présence vitale [Ted] Jeu 23 Sep 2021, 18:50

-Ted-

Le silence est déchiré d'un murmure, presque un gémissement douloureux de Fenouil. Un mot, qui tue les derniers espoirs de Ted : ils avaient échoué. Et si, pour Ted, tout cette aventure n'avait été qu'une expérience, qu'un moyen de se rapprocher peut-être un peu du loup-dinosaure, il voyait maintenant à quel point l'espoir avait été fort pour Fenouil. Et combien la chute était violente.

D'un geste violent, il balaye leur ouvrage. Ted se fige, rentre sa tête dans ses épaule, attend que la tempête de violence passe devant lui. L'expression de la tristesse la plus pure, la plus brute est belle et bien la colère. Et soudain, l'orage se calme, pour laisser place à bien pire : des larmes. Ted croise le regard du loup dinosaure, et son coeur se serre impitoyablement. Une punition pour être aussi empathique, peut-être. La culpabilité se mélange à la tristesse qui lui serre le ventre : où est-ce qu'ils s'étaient trompés ? Pourtant, il avait tout fait pour que le projet réussisse, Fenouil aussi, et ...

C'était trop tard. Ted renifle, sent les larmes emplir ses yeux à son tour, autant pas tristesse et déception que par empathie. Fenouil, celui qui voulait tant un ami semblable, restera seul. Mais pourtant, il ne l'est pas, seul. Ted relève les yeux, et dans un souffle s'approche pour enlacer l'épais loup dinosaure de ses pattes. Il le serre un peu contre son torse secoué de légers tremblements, et gémit, incapable de parler, comme bien trop souvent.

Pourtant, il voudrait lui dire, qu'il est désolé. Lui répéter, encore et encore, lui dire que c'est pas sa faute, qu'ils pourraient réessayer plus tard. Mais comme d'habitude, il en est incapable. Alors, il ferme les yeux, et espère que l'autre ne lui en voudra pas pour cet échec.

Sujet: Re: Présence vitale [Ted] Sam 25 Sep 2021, 16:56

ʊ Présence vitale

Regard en miroir. Car les yeux de son allié étaient aussi brouillés que les siens. Il ne voulut plus voir ses larmes. Ses preuves de faiblesse. Alors, il ferma les siens. Pour tenter de garder les larmes cachées. Mais la désillusion était un ennemi trop puissant. Un ennemi impossible à abattre d'un coup de crocs. Petite rivière sur son museau se forma.

Soudainement un étau se fit autour de son cou. Il était attrapé. On avait profité de sa vulnérabilité pour l'immobiliser. Sa vie allait-elle se terminer sur cet échec ? Sa gueule dans un réflexe s'ouvrit et happa la première chose qui passa à sa portée. Crocs qui serrèrent. Prêts à emporter un morceau du Prédateur dans sa tombe.

Son regard bleu se rouvrit au monde pour lancer un dernier regard combattif. A travers sa vision floue, ce fut un pelage familier qu'il reconnut entre ses dents. Du bleu orné de la couleur de la Vitalité. Ce n'était pas un ennemi. C'était Ted. Un Ted qui pleurait et gémissait contre lui. Si inoffensif. Aussi vulnérable que lui. Si ressemblant. Et qui partageait sa souffrance.

Ses crocs cessèrent précipitamment toute pression. Et un sentiment nouveau l'envahit. La honte. La honte d'avoir porté les dents sur un être qui lui avait apporté tant. Sans aucune contre-partie. Juste comme çà. Il ne pouvait nier le lien qui s'était créé entre eux au fil des jours passés. Il ne pouvait le nommer, mais il était bien là. Qu'il le voulut ou non.

Il ne bougea plus. Pour ne plus risquer de faire du mal. Il ne savait que faire de son museau aux crocs meurtriers. Il finit par le poser délicatement sur l'épaule de son ... ami ?

Codage par Libella sur Graphiorum