Survivre [Prudence]

Au fil des semaines, Prudence avait trouvé ses marques. Elle s’était installée un petit coin de couverture et de coussins dans le sanctuaire. Ne parvenant pas à se reposer, elle se rendit dans la pièce centrale du sanctuaire, détournant son regard des différentes prises Nakhus (ça la mettait mal à l’aise, cette envie de toute enterrer pour respecter les êtres vivants, de vomir car c’était contre sa nature de Licorne) pour se concentrer sur les groupes qui discutaient entre eux.
Finalement le regard se pose sur Kerguelen installée. De dos, Prudence ne voyait pas ce que la louve faisait, elle s’approcha discrètement, ses pattes avants enlaçant le corps de la louve, alors que son museau vient se coller à la joue de la grise.

« — Kerguelennnnnnnn ! Je suis contente de te voir ! »

Une pause, alors que la disciple de Moiro relâche son emprise pour faire face à la Nakhus.

« — Que fais-tu de beau ? »

Prudence fut ravie de voir son amie lui rende son étreinte.
Sans perdre son sourire et sa bonne humeur elle répondit à la question de la louve.

« — Hum… Je ne sais pas… c’est compliqué de se mélanger mais je dois encore avoir quelques réflexes de ma vie de solitaire… »

Bon d’accord lorsqu’elle était solitaire Prudence avait toujours été le genre de louve hyper sociable, mais maintenant qu’elle appartenait à une meute. Elle remarquait les p’tits groupes d’amis de longues dates, se contenait d’observer lorsqu’elle était au camp… mais au final, elle passait pas mal de temps à explorer le territoire Nakhus pour découvrir des espèces encore inconnues ou continuer ses recherches à la bibliothèque. Ce genre de choses qui l’occupait la plupart du temps.
Whouah, c’était un projet ambitieux qu’elle avait là Kerguelen.

« — Un bracelet de survie ? Tu as prévu de partir en exploration dans de lointaines contrées sans même m’inviter ? »

La Licorne prit un air faussement offensé, bien que sa queue nattée qui remuait doucement trahissait son amusement.

La queue nattée se balance doucement dans le vide. Prudence était heureuse de pouvoir compter sur quelqu’un comme la Nakhus. Une amie loyale, une amie chère.

« — Avec toi à mes côtés, ma chère Kergu, rien ne saurait me résister ! »

Prudence glisse une patte sous la gueule de son amie, avec un sourire taquin.
C’était le genre de contact que la Licorne aimait bien chercher et vu que la grise ne la repoussait pas… Aux explications de sa camarade, Prudy observa le bracelet, il est vrai que ce genre d’accessoire serait utile, pour les solitaires de passage ou même tout simplement pour les leurs.

« — Veux-tu que je t’aide ? Je suis plus habilitée à l’observation des grands méchants prédateurs, mais ça ne doit pas être compliqué à apprendre ! »

Un petit haussement d’épaule théâtrale, un sourire joyeux aux babines, la disciple de Moiro est prête à filer un coup de patte.
Elle en profite pour se rapprocher, épaule contre épaule, afin de mieux observer les gestes de conception.

« — Dis-moi, Kerguelen, m’emmèneras-tu un jour les voir pour de vrai ces dinosaures ? »

Ce serait drôle, de partir là-bas dans les terres froides.

Oui, il faut dire qu’à elles deux, elles formeraient un duo plutôt atypique. M’enfin avec deux cerveaux comme les leurs… rien ne saurait leur résister de toute évidence.
Ah oui le Spinosaure des plaines. Prudence l’avait presque oublié celui-ci, pourtant elle avait aidé à construire la barque supposée l’emmener ailleurs avec le système de flotteurs. Bien sûr, elle aurait été ravie de voir si tout le projet réussissait… mais…

« — Si tu me promets qu’il n’en mourra pas. »

Une lueur soucieuse dans le regard, mais c’est le côté Licorne qui parle.
Si les choses tournaient mal… elle ne pourrait pas se battre. Pire encore… Prudence pourrait mettre les autres en danger en voulant aider le Spinosaure. Son empathie pouvait la conduire loin et pas forcément sur le meilleur des chemins. Cette garantie… c’était pour se rassurer, mais aussi être sûr de ne mettre quiconque en danger.
L’attention de la disciple de Moiro se porte sur la méthode employée par son amie pour la conception de bracelets. Un sourire aux babines, alors qu’elle étudie chaque mouvement et les mémorise.
Un clin d’oeil lorsqu’elle évoque le tressage. Pour sur que tout ce qui était coiffure, rien n’avait de secrets.
D’accord après la théorie la pratique !

Étape par étape, Prudence appliqua méthodiquement les consignes de Kerguelen. Concentrée, elle prit soin de faire attention à la taille, de passer telle extrémité dans telle boucle. De petits mouvements de la patte pour vérifier que ce ne soit pas gênant. Ni trop serré, ni trop lâche. La bonne taille retenue, elle coince comme conseiller un brin d’herbe pour garder les dimensions et tresse.
Et c’était terminé.
La disciple de Moiro noua le bracelet à sa patte pour observer le résultat. Ça rendait plutôt bien (même si bon c’était pas tout à fait sa couleur).

« — Tadam ! »

Hum… ça manquait un peu de couleurs… Prudence retira une des pierres de son bracelet (qu’elle avait juste récupéré quand celle-ci était tombée de son corps avant de repousser) et la tendit à Kerguelen.

« — Tiens pour ton bracelet, ça ajoutera un peu de couleur ! Ça peut être utile et joli à la fois ! »

Donc le risque était bien là… bien sûr, Prudence s’en était doutée, une bête de cette taille demandait une quantité de somnifère impressionnante, avec les risques qui allaient avec. Son amie proposa toutefois une alternative, l’appeler quand le dinosaure sera endormi. C’était une solution en effet… qui comportait toujours un risque, mais au moins…

« — Faisons ça alors ! »

Un sourire au compliment.
L’ancienne solitaire observe la réaction de son amie face au cadeau, secouant négativement sa tête à la question.

« — Ne t’en fais pas, ce genre de pierre pousse sur mon corps, sur ma queue… on en trouve facilement aussi, ce n’est pas grave. » Une petite pause. « Puis j’avais l’intention de me séparer de ce bracelet, donc autant que les pierres qui le compose servent à quelque chose, de préférence à une amie. »

C’était aussi une manière de remercier la Nakhus de l’avoir accueilli dans la meute.  Du bout de la griffe, Prudence toucha la truffe de son amie.

« — Fais attention avec le spinosaure, je m’en voudrais que mon amie me revienne avec une égratignure. »