D’accord Nirvana avait filé un peu plus loin que le grand castel. Beaucoup plus loin. Faut dire que ça l’avait tellement remonté cette nouvelle. Dire que sa mère voulait encore lui en imposer un… ENCORE ! Comme si deux c’était pas suffisant. Et déjà qu’elle devait diviser son temps par trois… qu’est-ce que ce serait par quatre ? Avec un tout petit en plus qui demandait encore plus de temps ? Non…
Bon Nirvana n’avait pas trop su où aller, elle voulait voir la mer, entendre le son des vagues… puis y’avait le temple de Dairo sur le chemin. La sirène pénétra dans le temple en courant (un peu beaucoup essoufflée).

« — Dairo ! »

Une petite pointe de panique mêlée à l’excitation aussi de voir la Renarde.
Nirvana s’approche de la fontaine, faisant les cents pas devant la statue.

« — Iberis et Iris boudent parce que maman veut ramener un autre petit insecte, j’avoue que moi aussi, mais du coup tout le monde est occupé… »

À s’occuper de « ça. » Tss. La Sirène lève sa tête vers la statue, sa petite queue remuant.

« — Dis, joues avec moi ! »

Tout pour ce qu’elle se change les idées Nirvana.

« — … s’il te plaît ? »

Oups elle avait failli oublier la formule de politesse.

Ok, Dairo elle était trop trop cool. Genre, elle compatissait vachement à la situation. Par contre… elle ne voulait pas jouer… Hum… c’est sûr que la sirène aurait pu trouvé de quoi s’occuper avec Moustique et Puceron, mais vu leur humeur… Pas sûr qu’Iris soit tentée pour une aventure ou Iberis pour une chasse aux dents de requins.
Non… mais elle trouverait bien de quoi s’occuper seule en bas.

« — Hum… certes… mais ça aurait été plus drôle avec toi ! »

Malgré la déception de la louvette, la petite queue remue.

« — D’accord Dairo ! La prochaine fois je t’apporterai même des coquillages ! »

Un sourire aux babines, l’idée plait à Nirvana. Plein de coquillages pour décorer ce temple, avec la lumière orangée ce serait grave cool ça donnerait des petits reflets ! Un petit mouvement de la patte quand la Renarde disparaît. La petite Etelkrus reste un petit moment dans le temple, à observer les dessins peints aux murs, avant de finalement descendre jusqu’à la plage.
Si Dairo n’avait pas pu jouer avec elle, la gamine trouverait bien de quoi s’occuper ici… du moment qu’elle oubliait le gamin que sa mère voulait greffer.

L’Etelkrus met le bout de ses pattes dans l’eau, les sentant se couvrir d’écailles. C’était dangereux de s’immerger totalement… si jamais un autre Etelkrus la surprenait… surtout que y’avait l’île des méchants pirates là-bas…

Profitant de l'agitation et du fait que sa mère soit, très certainement, en train de s'occuper du louveteau moche et débile, Iberis avait pris la poudre d'escampette.
Ca ne durerait pas longtemps, il le savait : Maman aurait tôt fait de les rattraper, avec ses grandes pattes lorsque les leurs étaient toutes petites.
Les leurs, par ce que, au lieu de bouder tout seul dans son coin, il avait décidé de suivre la piste de sa grande-sœur, jusqu'aux falaises littorales. Pour finalement la retrouver à barboter dans l'eau.

- Nini !

Il courut vers elle.
... Mais, elle avait quoi à ses pattes, là ?

- NINI TES PATTES REGARDE !!

On dirait.. Il ne savait pas vraiment ce qu'on dirait, mais ne s'y attendait franchement pas.

C’était agréable, d’inspirer l’air marin, d’entendre le chant des mouettes au loin. S’imaginer que là un peu plus loin dans l’eau il y avait plein de poissons et des merveilles. Peut-être de superbes coquillages cachés sous des rochers ? Ou des perles précieuses ?
Et à la voix de Puceron, un sursaut.
Les oreilles se couchent sur son crâne, alors que son corps s’incline légèrement. Merde ! N’importe qui, ça aurait pu être n’importe qui… mais c’était tombé sur Puceron. Celui qui avait tant critiqué les poissons-loups…

« — Je… »

Vite une excuse. Un échappatoire.
Et puis…
Pourquoi ? Après tout… elle était en colère contre sa mère, contre ce morveux qu’elle voulait absolument greffer à leur famille. C’était comme une trahison. Elle n’était plus à ça près… alors si Puceron voulait tant savoir.

« — Je suis comme les autres. »

Les poissons-loups.
Ceux qui habitent dans les îles là-bas, la solitaire m’a dit qu’eux aussi ils étaient des poissons.
Et Nirvana s’enfoncent un peu plus dans l’eau, jusqu’à ce que son corps adopte totalement cette apparence aquatique, fixant son frère avec défi et… un peu de tristesse aussi.

Alors tu les trouves toujours aussi bêtes et méchants ? Suis-je de la vermine comme eux, hein Iberis ?

Oh.
Les yeux écarquillés, il ne put que voir le corps de sa sœur changer au contact de l'eau. Lui parvint aussi tous ses sentiments négatifs, la peine et le goût de la trahison.
Elle n'allait pas très bien, Nini.

Comme les autres, ça voulait dire quoi, comme les autres ?
Comme les poissons loups qui ne parlaient pas et que les grands -et surtout la grosse Alexandrine- tuaient ? Comme la vermine dont parlait maman, celle qui se terrait sur une île, et dont lui ne pensait pas grand chose ?
Ca changeait quoi, qu'elle puisse avoir une queue de poisson, quand elle allait dans l'eau ? Lui, ne pensait pas vraiment à ces choses là.
Il s'en foutait, en fait.

- Il est TROP BIEN ton super pouvoir de poisson !

Iberis avait piaillé cette remarque, avant de sauter dans l'eau pour rejoindre son ainée.
Il y avait, dans son regard, de la convoitise, et des étoiles aussi.

- Tu l'as eu où ?

Il voulait le même.

La louve bouge doucement ses nageoires, laissant sa queue onduler dans l’eau. Ça faisait du bien de se remouiller complètement… même si ça aurait été préférable en d’autres circonstances. Nirvana observa un moment Iberis, fronçant les sourcils.
Elle se sentait un peu perdue.
Au point de ne pas être certaine qu’il lui dise la vérité.

« — Te sens pas obligé de mentir. »

Un mouvement de recul quand Iberis s’approche. Parce qu’il ne voyait pas tout et que si il s’approchait encore… alors Nirvana serait totalement un monstre à ses yeux.
Jusqu’aux griffes.

« — Je suis née comme ça… »

Parce qu’elle l’avait toujours eu cette apparence.

Il haussa les sourcils, l'expression sérieuse.

- Je ne mens pas.

Jamais. Du moins, pas dans ses souvenirs.
Combien de fois avait-il fait ses remarques ? Se pourrait-il que le fait de ne pas mentir s'ancre dans ses valeurs ? C'était une remarque, une demande, que lui avait faite un jour Maman, celle de toujours être honnête.
Alors, il le serait.

Iberis observa sa sœur, curieux.

- Oh. Alors il y a peut-être d'autres loups comme toi, dans la mer.

C'était un constat sans jugement.
Il savait bien que Nirvana n'avait pas, contrairement à lui, été portée dans le ventre de Maman, mais trouvée sur les terres Etelkrus alors qu'elle n'était qu'un bébé. Si ça ne changeait rien dans leur relation -il se disputait autant avec elle qu'avec Iris et l'aimait, malgré tout, tout autant- ça expliquait sûrement son super pouvoir.

- C'est pour ça, que tu veux aider les poissons-loups ?

La louvette conserva le silence. Donc… il trouvait ça vraiment cool qu’elle puisse se transformer à moitié en poisson ? C’était bizarre et… ça avait quelque chose de soulageant. De savoir que malgré cette apparence elle ne devenait pas un monstre aux yeux de Puceron.
Il évoque la possibilité que d’autres comme Nirvana vivent dans l’océan. Oui, elle y avait pensé, sans pour autant songé à les chercher, parce que ça voudrait dire partir… pour ne peut-être pas revenir. Et cet autre monde n’était pas encore assez important à ses yeux pour qu’elle abandonne sa vie ici.

« — Peut-être… j’ai rencontré une solitaire qui m’a parlé des Raeders… elle m’a dit qu’ils avaient une apparence de poisson et qu’ils se transformaient complètement au fil des années… »

Si ça se trouve elle aussi deviendrait complètement un poisson un jour… même si sa mère pensait qu’elle n’avait rien à voir avec les pirates. Nirvana l’espérait… sincèrement.
Quand aux poissons-loups…

« — Je ne sais pas… je sais juste que je veux les aider à rentrer chez eux. Parce que personne ne semble les aimer et que les nôtres leur font du mal… »

Nirvana s’approcha d’Iberis.

« — Tu ne dois pas leur dire aux autres, d’accord ? Y’a que maman et toi qui connaissiez la vérité… je n’ai pas envie de finir au-dessus d’un feu et de terminer dans l’estomac d’une prêtresse d’Aka. »

Un brin de plaisanterie… non sans une certaine inquiétude.

Lorsque sa sœur prononça son dernier mot, Iberis secoua doucement la tête.

- Ne t'inquiètes pas, ce sera notre secret.

Il n'avait aucun intérêt à propager l'information dans le clan : il savait que certains loups, et peut-être même la plupart, pouvaient-être cruels envers ce qui était différent.
Lui, n'avait pas envie que l'on peine sa soeur.

Le louveteau bondit, soudainement, sourire aux babines. Cette discussion devenait bien trop sérieuse et ils restaient des enfants.

- Viens, on va jouer !

Nirvana s’approcha de son frère lorsqu’il parla de jouer. Ils avaient toute la plage comme terrain de jeu et personne pour les surveiller… ils pouvaient faire absolument tout ce qu’ils voulaient, sans aucune limite.
Un sourire qui étira les babines, alors qu’elle arrosa son frère.

Ils n’étaient que des enfants après tout.