La décade danse † Libre

Elle avait surprise son odeur si particulière sur son chemin.
La truffe au sol et le pas rapide, Onyx n'avait pas hésité une seule seconde, tant la volonté de retrouver la jeune louve était évidente.

Ca faisait combien de temps, qu'elle parcourait les terres en songeant à bien peu de choses, tant elle occupait ses pensées, tant elle voulait la protéger de tout ce qui pourrait lui être néfaste ? Même ses moments plus légers lui étaient offerts, dans la quête, celle qu'elle lui avait donné, Miraj, des pierres précieuses et semi-précieuses.
Toutes rassemblées dans un petit sac de toile, puisqu'elle n'avait plus de cape.

Elle n'était pas bien avancée, cependant, dans sa quête principale : le sauvetage. Pire que ça, Onyx stagnait, faute d'informations suffisantes et peut-être faute d'une meute avec qui partager ses observations.
Elle aurait pu, aurait sûrement du se tourner vers les Nakhus. Mais comment leur faire confiance, alors que ceux ci les avaient jetés dehors ?
La licorne souffla et accéléra, jusqu'à la vasque.

La vasque, vraiment ?
Elle pensa aux recherches brûlées, près du lac, plus loin, et un frisson courut le long de son dos.

Ce n'était pas sans surprise qu'elle se retrouvait ici, Onyx. Surprise, par ce qu'elle n'avait jamais envisagé de sentir Miraj ailleurs que sur son petit Atoll. Peut-être avait-elle trouvé un moyen de s'évader, sans qu'elle ne le sache, ou alors la louve brune...?
Malgré l'odeur plus présente, elle ne se sentait, pour sa part, prise d'aucun effet du chaos.
Mais décida, tout de même, de rester méfiante.

Le son horrible et soudain d'un violon que l'on maltraitait la fit bondir, effrayée, alors que, dans sa poitrine, son coeur s'emballait.
Ah.
Sûrement le violon de l'antre.

La distance restante fut parcourue au pas de course : elle ne s'arrêta qu'à l'entrée de la demeure qui fut autrefois, celle d'Isrâ et qui abritait encore tant de souvenirs, tous ses espoirs, aussi.
Silencieuse, elle n'osa pas troubler Miraj, par sa présence, la laissant jouer de son violon.

Onyx souriait, rassurée de la voir, encore, aller bien.

Silencieuse, elle se tenait à l'entrée de l'antre, le souffle retenu pour ne pas manifester trop tôt sa présence.
La découverte de cet endroit, de tout ce qu'Isrâ avait construit ici, et des poèmes qu'iel avait écrit pour sa fille étaient un instant qui n'appartenait à cette dernière.

Mais l'enfant, qui devait la dépasser, en taille, désormais, finit, pourtant, par remarquer sa présence et se retourna vers elle. Le visage d'Onyx s'illumina d'un sourire plus grand et ce fut avec plaisir qu'elle accueilli, contre elle, la petite-plus-si-petite Miraj. Une patte vint se poser dans son dos, pour lui rendre cette étreinte, un instant.
Puis rit, à la remarque de la jeune louve.

- Trop forte ! Tu devines bien.

Elle n'avait pas oublié, surtout.
Onyx posa, devant Miraj, le petit sac, la laissant y plonger les pattes pour découvrir les trésors qu'ils contenaient : Des pierres de toutes les couleurs et de toutes les formes, une diversité qu'elle avait voulu grande pour espérer découvrir celles qu'elle préférait, entre elles toutes.

La laissant faire ce qu'elle désirait de ces présents, la licorne se redressa pour faire quelques pas dans l'antre, le cœur un peu serré face à tout ce qui y régnait.
Il y avait eu tant d'espoirs, nés ici, couchés sur le papier ou visible à travers ces décorations placées là. Tout ce dont Miraj n'avait pas pu profiter, avant ce jour.

Onyx se félicita d'avoir détruit les recherches plus tôt.

- C'est Isrâ, qui t'a emmenée jusqu'ici ?

La voir là, à jouer du violon et explorer la pièce comme si elle se trouvait chez elle, ce qui était le cas, en vérité, lui avait rappelé les mots prononcés par le monstre, la nuit de l'enlèvement.
Ca ne pouvait pas être lié au hasard, la présence de Miraj ici, et il lui semblait mieux comprendre, à présent, ou peut-être pas, dans toute cette confusion, par ce que c'était dingue, tout ça.

Mais le monstre avait voulu débarrasser Miraj d'Isrâ, c'était ce qu'il avait dit.
Alors, est ce qu'il avait échoué ? Est-ce qu'iel était encore là, quelque part, terré•e au fin fond de son esprit ? Est-ce que Miraj avait la possibilité de communiquer avec son parent ?

Où n'était-ce qu'un hasard un peu dingue ?

Si Onyx avait retrouvé sa voix, depuis leur dernière rencontre, les paroles de la petite manquèrent, de peu, de l'en priver à nouveau.
Alors, elle était consciente d'avoir été morte ? Est-ce qu'elle les avait vues, depuis les recherches ? Etait-ce lié à autre chose, à la présence d'Isrâ ?
Elle observa la petite louve, pensive.

- C'est ouf !

Ses réactions restaient spontanées.

- Les impressions... C'est ptet par ce que j'ai connu Isrâ, de son vivant. J'savais pour toi, aussi. On était pas nombreux, à savoir. Y'avait ton oncle aussi, Méridor. Mais il s'est comporté comme un gros con. Il savait qu'Isrâ souffrait mais n'a pas voulu lui venir en aide. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'on le plaigne, lui.

Elle fit la moue, face à ce souvenir.

- Mais y'avait pas moyen qu'Isrâ reste à porter ça seul•e ! Alors j'l'ai aidé•e pour les recherches, avant ça, même. Ces recherches qui ont permis de te ramener. J'pensais pas, qu'iel y passerait... J'comprend pas pourquoi. Isrâ voulait vivre avec toi.

Elle pointa les décorations de la patte. A aucun moment, Isrâ n'avait prémédité son suicide, cette nuit là. Quelque chose n'avait pas du se passer comme prévu.
C'était un fait auquel elle croyait dur comme faire et qu'elle avait ressassé un long moment, sans trouver de réponse exacte.
Mais elle savait, également, que ce qui avait été fait ne pourrait être modifié, même si c'était triste, même si ça serrait douloureusement le coeur, parfois : l'avenir primait.

Et elle était l'avenir, Miraj.

- J'avais super hâte de te rencontrer aussi. Les jouets, j'les avais fait avant que tu reviennes. Te rencontrer... J'l'ai fait dans des conditions un peu spéciales, t'étais un tout p'tit lardon embarqué par les Nakhus, puis embarquée tout court. Depuis ce jour, je t'ai cherchée sur toutes les terres, c'est ce qui m'a conduite sur l'Atoll, la première fois. Et même si cette rencontre était pas celle que j'avais imaginée à la base, j'suis vraiment contente de te connaître. Si t'as besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi, tant que ça implique pas de buter quelqu'un ou un être vivant ~. Si t'as des questions, aussi !

Les mots lui brûlaient la langue : y'avait tant de choses qu'Onyx voulait lui dire. Mais elle prit le parti de se taire, enfin, laissant son interlocutrice apprivoiser ce flux conséquent d'informations.

Une aube grise et foride s'était levée sur le continent ce matin-là, sous les yeux depuis longtemps éveillés du jeune Nakhu. Cette nuit-là avait marqué sa première année révolue dans ce monde. Un an exactement écoulé depuis qu'il avait respiré sa première bouffée d'air, eut sa première étincelle de conscience. Il n'aurait sans doute pas connu exactement le jour que l'on était si son sommeil n'avait pas été habité d'une étrange vision, d'un étrange... pressentiment ? Non, non, c'était plus fort que ce là. Une certitude, inscrite dans son esprit en lettres émeraudes et dont il savait l'origine parce qu'on avait bien voulu la lui révéler. Une certitude qui l'avait tenu éveillé, parce qu'il ne prenait pas de décisions hâtives. Et qu'il avait fini par accepter de suivre.

Il s'était mis en route juste avant le lever du soleil, vers cette terre qui n'était pas vraiment la leur bien que le dieu qui y régnât fût désormais lié à eux. Un drôle de statut en somme. La curiosité habitait l'esprit du loup aux boucles noires, et comme une sorte d efébrilité aussi. Cette première année de vie avait vu se dessiner en lui une conscience qui ne parvenait à apprécier autour de lui, à respecter que les loups qui étaient des alliés de valeur. Il n'avait jamais rencontré de divinité, mais il était évident qu'elles exerçaient sur lui un attrait et une fascination évidente. Cette facette froide de sa personnalité, ce mépris qu'il exprimait avec plus ou moins de clarté à l'égard de ses congénères, ne pourrait être exprimé devant eux. Et tout particulièrement devant celui-ci.

Arrivé à la Vasque de la Lune, il fit le constat désagréable de la présence d'autres loups. Il ne savait pas exactement où se situait le temple de Mido, mais comptait sur la solitude du petit matin pour explorer les recoins de cet endroit en toute tranquilité afin de s'y rendre. Mais peut-être était-ce là un signe que le moment n'était pas encore venu.

Il n'avait pas fait d'eforts pour arriver silencieusement, et jugea qu'il serait ridicule de le faire maintenant. des deux silhouettes présentes, l'une lui était vaguement familière, parce qu'elle ressemblait à Prudence et parce qu'on lui avait déjà parlé d'elle. Elle s'appelait Onyx, et c'était une solitaire. L'autre, de loin, il ne put la reconnaître.
En revanche en s'approchant, ce fut une autre affaire.
Alors qu'il descendait dans la direction des deux louves d'un pas nonchalant, le vent tourna et plaqua contre ses narines leurs odeurs entremêlées. Ainsi que d'autres, qui elles étaient terriblement familières. Ses oreilles tressaillirent et il s'immobilisa durant quelques secondes, une patte à peine posée sur le sol, analysant les parfums qui se mêlaient à celui de l'inconnu. Freya ? Hedwige ? Des odeurs qu'il connaissait car elles habitaient le dédale, elles habitaient son quotidien, et peut-être aussi parce qu'il faisait rapidement le tri dans ce que sa mémoire avait enregistré ou non. Son regard se fit un peu moins froid, un peu plus interrogatif. Cette inconnue gagnait soudain de l'intérêt dans son esprit. Il continua sa marche vers elles, sans se presser, intrigué.

Une fois à leur hauteur, ses prunelles de glace s'accrochèrent à l'inconnu et il lança d'une voix neutre :

"Tu n'es pas Nakhu... mais tu portes leur odeur."
Et ça, c'était étrange. Très étrange.

Sans doute avait-elle trop parlé, désireuse de partager tout ce qu'elle savait avec la jeune louve, enthousiaste de cette rencontre.
Certainement.
De deux pattes, elle vint doucement serrer la petite louve contre elle, se voulant réconfortante, lorsque celle ci vint encore à son contact.

- Pardon, ça doit pas être facile pour toi, tout ça.

Un petit sourire vint pourtant étirer ses babines, par ce qu'elles n'allaient tout de même pas broyer du noir toute la journée, quand bien même Onyx resterait disponible pour répondre aux interrogations de Miraj... qui en avait, et des requêtes aussi.
Elle plissa les yeux.

- Pour certains, oui. Pour moi, non. J'pense comme toi.

Certains considéraient les animaux qui n'étaient pas des loups comme de la bouffe.
Ils étaient même nombreux, en vérité.
La licorne rouvrit la gueule, prête à répondre à la demande de l'adolescente lorsqu'une odeur qui ne lui était pas totalement inconnue vint à ses narines et une voix masculine retentit à ses oreilles.
Elle serra les crocs et se tourna vers lui.

Agacée ?
Agacée.

- Bonjour.

On leur apprenait pas la politesse, chez les Nakhus ?
'Fin, est ce que c'était étonnant, à partir du moment ou leurs dirigeants voyaient pas de problèmes à foutre dehors ceux qui les aidaient.
Mais bon, il y était pour rien c'gus', il y était pas, des dirigeants, de souvenir. C'était juste l'un des gamins du patron, à en juger par sa tignasse et ses marquages. Il prendrait donc pour lui, un peu et par ce qu'il était le premier à qui elle pouvait communiquer le fond de sa pensée. Et par ce qu'il avait l'air con, elle l'aurait sûrement pas fait avec quelqu'un d'avenant, ou pas comme ça.
Onyx se fit taquine et amère, surtout.

- C'est marrant de voir un Nakhu ici. Ca vous gêne pas trop d'vous pavaner en terres libres après nous avoir foutus dehors après qu'on vous ai aidés, comme si on avait la gale ? Tu devrais rester à bonne distance, attention, on pourrait t'refiler nos merdes ~

Ils étaient ptet tous dingues, qui sait. Et ptet qu'en revenant chez lui, il aurait alors envie de cramer à nouveau la bibliothèque par ce qu'elles lui auraient refilé la folie solitaire.
Et dire qu'on lui avait pris la tête pour le refuge, à l'comparer à ce qu'offraient alors les Nakhus. Sauf que le Refuge, lui, ne se retrouverait pas brutalement fermé à ceux qui en avaient besoin par ce qu'une poignée de gus' avaient été blessés par le comportement d'un seul connard.
Enfin, bref.

- Aussi, c'est pas super poli d'interrompre des gens qui parlent... Surtout pour parler d'son odeur à quelqu'un. C'est même sacrément bizarre.

Elle se demandait, tout de même, si il était déjà venu, le moment ou les Nakhus viendraient récupérer Miraj pour l'apporter à leur Déesse ou en faire elle ne savait quoi.
De quel droit, d'ailleurs. Pour qui se prenaient-ils, pour décider de ce qu'il adviendrait-d'elle ? Elle n'était même pas des leurs, et Isrâ non plus.

Son regard se posa vers Miraj.

- Fais gaffe. Y'a des gens bizarres, sur ces terres qui pourraient t'faire du mal. J'ai failli m'faire avoir en manquant de prudence, par ce que, comme toi, j'aime aller à la rencontre des gens.

Ce n'était pas complètement tourné vers le loup sombre qui était p'tet juste impoli, mais vers les loups de façon générale, quel que soit leur clan.
Elle souhaitait pas à Miraj de vivre des expériences aussi désagréables que les siennes et c'était pour cela qu'elle préférait l'avertir.

Il y eut le calme et il y eut la tempête.

D'abord le calme, les vaguelettes, les clapotis amusés.
Il y eut un instant de flottement, durant lequel l'inconnue eut le geste assez étonnant de flairer son propre flanc, comme pour vérifier plus précisément les dires du mâles. Puis elle lui répondit en rectifiant son propos. Cette simple chose suffit à l'intriguer légèrement - ce qui n'était pas une mince affaire, esquiver une première impression qui vous rangeait aussitôt dans la case des gens méprisables étant quelque-chose d'assez complexe face au jeune Nakhu. Les pièces du puzzle s'assemblèrent rapidement dans l'esprit d'Eldunari. Oh. Etait-ce elle, cette louve dont on parlait un peu à la dérobée dans les couloirs du Dédale, dont les adultes et hauts-gradés discutaient en murmures, en conversations inquiètes qui n'étaient pas aussi discrètes qu'ils ne l'auraient souhaités. Celle qui venait du même endroit que celui où avait été emmenée sa grande soeur - terme qui était pour lui strictement biologique puisqu'il n'avait jamais fait l'effort de nouer des liens avec la première portée un peu niaise de ses parents. Hedwieg n'avait pas grand chose pour sortir du lot, à part le fait d'avoir été récemment enlevée.

Il se figea lorsque la louve rose approcha, tendu, alors qu'elle frôlait de son museau ses flancs, son poitrail, la houpette de plumes qui lui coiffait le museau. Il n'aimait pas ça. pas du tout. Mais elle avait gagné avec sa drôle de répons equelques secondes de tolérance de sa part, le temps qu'il continue l'analyse de sa personne. Alors il ne la chassa pas, se contentant de plisser légèrement les yeux alors que ses oreilles tresaillainet à ce qu'elle disait. Le qualificatif ne le heurta pas - il fallait un peu d'égoïsme pour survivre, il ne considérait pas nécessairement cela comme un défaut bien qu'il le soit par la majorité des Nakhus. Mais alors qu'il entrouvrait les babines...

Puis la tempête, les vagues rugissantes et salées, l'ouragan.
Peut-être parce qu'il ne tilta pas à la salutation peu amicale de la solitaire, peut-être juste parce qu'elle n'aimait pas les Nakhus, ou bien que son visage ne lui revenait. Quoi qu'il en soit, contrairement à l'inconnue, celle-ci attaqua de front. A ses premières paroles acerbes, le regard d'Eldunari quitta aussitôt la louve rose pour se planter sur elle. La curiosité disparut de ses prunelles, qui furent brièvement habitées d'un peu de surprise avant de retrouver la froideur méprisante qu'elles affichaient la plupart du temps. Et qui n'allait pas en s'améliorant au fil des mots qui lui étaient jetés à la figure. Les plumes sur son dos et sa tête se dressèrent légèrement à certains instants, comme si son corps prévoyait de devoir réagir à une attaque qui passerait de verbale à physique.

Visiblement, cette Onyx avait une dent contre les Nakhus en général, et le simple fait de porter leur odeur avait sans doute fait de lui une cible sur laquelle passer ses rancoeurs. Une attitude qu'il jugea particulièrement pitoyable et qui reflétait tristement ce qu'il avait compris des paroles qui traînaient ça et là, mais que personne n'osait vraiment dire parce que les Nakhus étaient gentils. Les solitaires à qui l'on retirait un privilège qui leur avait jusque là été accordé venaient grogner et s'insurger comme s'ils étaient supposés avoir le droit absolu de régner eux aussi sur des terres qui n'étaient pas les leurs. Son frère en aurait fait des conclusions plus rapides que lui, plus générales sans doutes aussi. Heureusement - ou malheureusement - il n'était pas Nym.

Elle le coiffa du qualificatif de bizarre, et il se demanda si elle avait conscience elle-même de se rendre ridicule devant son amie, sa fille, sa cousine ou quel que soit le lien qui l'unissait à cette louve rose. Si la première avait attisé ses curiosités, marqué quelques points dans l'immense tableau dans lequel il classait soigneusement tous ceux qu'il côtoyaient, la seconde venait de plonger à une vitesse notable dans les derniers rangs. Si celle qui s'appelait Prudence était pareille, Hedwige avait réellement ou bien une naïveté désolante, ou bien des goûts terribles.

Elle n'arrangea pas son cas à s'adressant d'elle-même à sa comparse avec des propos qui étaient particulièrement déplacés, pour quelqu'un qui venait de lui faire remarquer qu'il était supposé faire montre de politesse. D'autant que l'autre ne paraissait pas du tout avoir interprété la venue du loup noir comme une menace. Voire même complètement l'inverse. Hm. Les oreilles d'Eldunari frémirent alors qu'il redressait légèrement le museau et la jaugeait de ses yeux froids. Alors que la conversation n'avait pas si mal commencé, la solitaire cornue avait décidé qu'il ne devait pas en être ainsi. Il se demanda s'il y avait une sorte de jalousie ou de possessivité là-dessous, si la moindre compagnie l'aurait de toute façon dérangée - et comme c'était tombé sur un Nakhu, c'était encore plus arrangeant car l'angle d'attaque était tout trouvé.

Il finit par tourner la tête pour reposer les yeux sur la louve rose et répondre posément :

"Nous aurons sans doute une autre occasion de faire connaissance."

Il n'ajouta rien de plus comme précision parce qu'il était Nakhu, et sans doute pas si difficile à trouver que cela. Et elle non plus, ne l'était pas, si c'était bien elle qui vivait sur l'îlot avec Hedwige. Puis il redressa la tête et planta son regard dans celui d'Onyx. Il s'écoula un instant durant laquelle ses iris glacés semblèrent entrer en collision avec ceux colorés de la louve, dans une confrontation silencieuse qui ne laissait aucun doute si ce qu'il éprouvait à son égard. Et il finit par répondre aussi froidement :

"Avec une telle... sagesse, vous n'aviez de toute façon rien à y faire, sur les terres Nakhus."

Sur ces paroles et sans attendre, il pivota légèrement et reprit son avancée le long de l'étang argenté. Après tout, il n'était pas venu ici pour perdre son temps à écouter les jérémiades d'une solitaire aigrie. Oh, non, il était là pour quelque-chose, pour quelqu'un, qui avait bien plus de valeur que cela. La simple pensée lui jeta un frisson dans l'échine, alors qu'il disparaissait aux yeux des louves dans les hautes herbes, à la recherche de l'entrée de la Tanière Profonde.

Dans son dos, sa queue fit un mouvement rapide, sec, agacé.
Ses babines se soulevèrent et dévoilèrent ses crocs immaculés : C'était plus que c'qu'elle pouvait accepter, blessée qu'elle était par l'attitude des Nakhus, et ce que confirmait ce mâle là de ses paroles.
Ah ! Ils faisaient les malins, maintenant, ils s'permettaient de les prendre de haut juste par ce qu'ils avaient une terre et des Dieux, les cons. Ils...
Elle souffla.

- Allez dégage.

Ils étaient tellement plus sages, les Nakhus, c'était vrai ! Qu'il était sage de se mettre à discriminer ceux qui n'étaient pas de leurs rangs, comme le faisaient les Etelkrus réputés pour être des idiots.

Onyx tourna la tête vers Miraj.

- Il avait l'air de l'être ?

Elle inspira, révoltée malgré elle.

- J'ai pas toujours été méchante avec eux. Avec ma famille, on les a aidés quand leur bibli' était en feu, avec ma sœur on les a aidés pour le dinosaure présent sur leurs terres tout ça pour... pour être jetés dehors, comme des merdes. Quand j'ai voulu lancer un refuge, avec d'autres, l'une d'elle, une amie, m'a dit que c'était déjà le rôle des Nakhus, de faire ça. Mais quel refuge fout les gens dehors à la première contrariété.

Sa colère se tassa aussi vite qu'elle était venue.
Elle était peinée, en vérité, de ce qui était ressenti comme une trahison et une énième discrimination.

Un nouveau soupir glissa entre ses crocs.

- Pardon. J'voulais pas te faire de la peine. J'leur en veut, mais je peux pas t'empêcher de te faire ta propre idée de ce qu'ils sont.

Ce serait égoïste et malsain, de chercher à l'influencer.

- C'est difficile, de savoir si quelqu'un veut te faire du mal ou pas, au premier regard. J'veux pas avoir l'air d'être une vieille conne moralisatrice mais bon, des mauvaises expériences avec des garçons louches m'ont bien forcée à accepter ce fait : tout le monde n'est pas bien intentionné, t'as des barges partout. J'veux vraiment pas qu'il t'arrive quelque chose.

N'était-elle pas en train de toucher du doigt ce que ressentait ses propres darons à son encontre ? Les inquiétudes qu'elle suscitait chez eux ?
Miraj n'était pas sa fille, mais elle l'aimait tout comme.

Alors c'était ça.
Il suffisait de quelques p'tites plumes ridicules sur le front pour que ce gus' devienne amusant. C'était compréhensible et Onyx se rendit compte de son oubli : Miraj restait une enfant qui découvrait le monde. Alors, évidemment, qu'ce genre de petits détails pouvaient l'amuser.
Ca aurait pu être son cas, aussi, si il n'avait pas été aussi con, et surtout Nakhu.

Cependant, la p'tite avait raison : Elle ne pouvait pas être mauvaise avec tous en faisant des généralités. C'était du racisme pur et simple et elle ne voulait pas tomber dans cet extrême malsain là.

...
Qu'est ce qu'elle lui rappelait Isrâ, lorsqu'elle faisait cette tête. Elle n'était pas sa fille pour rien.
Son coeur se serra un peu, bien malgré elle, lorsqu'elle parla des poules. Sa mission, à iel. Leurs âmes étaient comme liées et elle ignorait si Miraj pouvait confondre les intentions de son parent décédé avec les siennes ou si elles étaient distinctes mais avait à coeur de faire ce qui n'avait pas pu être fait.

- T'as raison. On est bien parti pour faire un truc génial.

Son regard s'illumina.

- M'semble que mon père et mon frère ont trouvé un système pour attirer les oiseaux au Refuge.

En vérité, il ne restait plus grand chose à faire, au Refuge. Ils avaient tous bien travaillé, ne restait donc que des projets entamés à terminer.
Elle pensa au projet de Ted, celui de construire une p'tit bibliothèque. Les connaissances d'Isrâ auraient été parfaites pour ce projet mais... Les avait-elle, Miraj ?
Elle n'était pas Isrâ, de toutes manières et c'était pas ouf, de lea projeter sur elle, malgré la présence évidente des deux âmes dans un même corps.

- On a des abris pour oiseaux, une ruche, consolidé les grottes qui en avaient besoin, certains montent une distillerie, des séchoirs pour les plantes médicinales et un système d'irrigation pour le potager... par ce qu'on à aussi un potager, et des arbres. Mon p'tit frère à aussi envie de faire une p'tite biblio' histoire de rassembler un peu de savoir, vu qu'on en est privés maintenant.

Onyx sourit.

- On avais aussi parlé de relais de cultures avec ma sœur, ça, c'est toujours un projet ! J'sais pas si t'as d'autres idées pour améliorer ce Refuge, ou si un projet t'botte ?

C'était toujours intéressant d'obtenir un avis extérieur et puis, si Mimi acceptait d'y prendre part, ce serait l'occasion pour elle de passer davantage de temps en sa compagnie.
Et ptet lui apprendre quelques trucs, au passage.

Elle avait parlé d'cet Oncle qui la protégeait mais ça n'lui disait trop rien, à Onyx : Le seul Oncle de Miraj qu'elle connaissait, c'était l'autre abruti de Méridor, le couard, et c'était clairement pas lui qui risquerait quelques cicatrices sur son joli pelage pour protéger sa nièce. Alors, p'tet un frère de la louve brune, celle qui l'avait recueillie ? Ouais, mais les Nakhus étaient pas réputés pour savoir se battre non plus.
Puis, il était même pas là.

- Il est où, ton Oncle ?

Sans qu'elle ne veuille les comparer, il y avait, chez Miraj, des choses qui lui rappelaient tant son parent.
Quoi de plus normal, chez les enfants ? Elle même parlait un peu comme son père et partageait, avec lui, des traits de caractères. Alors, c'était évident, qu'il y ai une âme supplémentaire ou pas, dans ce corps, que certains traits du visage de Miraj, que certaines expressions, sur ce même visage et, là, en l'occurrence, l'intelligence.
Y'avait aucun doute : C'était bien sa môme.

Onyx se redressa et tapa dans ses pattes avant, enthousiaste et souriante.

- C'est une super idée !

Louve au poil court, elle ne supportait pas très bien les froides températures du Nord et ne dormait pas très bien, la nuit, lorsqu'il faisait trop frais -Et encore moins depuis qu'elle avait donné sa cape-. Alors, un peu de chaleur dans les grottes, elle crachait clairement pas dessus.
P'tet même qu'elle se ferait plus casanière, durant cette saison là.

Un frisson parcourut cependant son échine, lorsque la jeune louve se mit à parler avec tant d'amour de son oncle, de cet Oncle là qui n'était, finalement, autre que le putain de monstre qui l'avait enlevée, cette nuit là.
C'était vraiment grâce à lui, si elle vivait, alors ? Mais, bordel, qu'est ce qu'il avait à gagner à faire ça ? Qu'est ce qu'il avait à gagner, tout simplement, à s'occuper d'une gosse...

- T'as l'air de beaucoup l'aimer, effectivement.

C'était pas étonnant.
Il avait l'air génial, sur le papier.

Mais n'aimait-elle pas, elle-même, sa déesse pour tout ce qu'elle lui avait apporté ?
Onyx ne l'aimait pas, ce monstre, par ce qu'il troublait sa déesse, par ce qu'il avait enlevé Miraj et par ce que, visiblement, ce qu'il faisait sur son île n'était pas très net.
Au moins, il ne faisait pas de mal à Miraj. C'était déjà ça.

- Mh. Bon, j'peux pas te faire d'amies ou te faire pop de la neige. Mais tu voulais pas des cornes ? J'te les fait avec quelles pierres ?

Valait mieux changer de sujet, pour le moment, par ce qu'elle savait pas quoi trop penser.

Onyx réfléchit.

- Quand tu voudras ! Faudra que j’te montre où est le refuge, du coup. J’aurai qu’à venir te chercher à l’Atoll.

Ainsi, elles feraient la route ensemble, ce qui serait beaucoup plus sympa.
Et puis, elle devait bien l’avouer, l’idée de savoir cette p’tite en train de vadrouiller seule jusqu’au Nord des terres lui plaisait pas trop. Même si ça l’empêcherait pas d’le faire quand même, de vadrouiller, à d’autres occasions.

Pour ce qui était des cornes… Onyx fouilla dans les pierres qu’elle avait rapportées. Il lui fallait des noires, et aussi des rouges, du coup.
Heureusement qu’elle avait tenu à lui en ramener de toutes les couleurs…
Sous ses pattes, les pierres changèrent de forme pour devenir deux paires de petites cornes qui s’attacheraient sur la tête de Miraj.

- Et voilà ! T’auras l’embarras du choix, comme ça.

Ah, qu’est ce qu’elle ferait pas pour cet adorable p’tit bout de louve.
Onyx jeta un coup d’œil vers le ciel.

- Il commence à se faire tard. J’te raccompagne chez toi ?

Elle allait quand même pas vadrouiller pendant la nuit, si ?