Intro - Libre.

«  Stickle brick, tickle quick, laugh at the beautiful
It's just a nod to the canon
Hustle over hot muscle shower, twitch off the beautiful
It's just a nod to the canon now »

[ Champs Mystiques - Frontière Nord, en suivant le fleuve depuis les Plaies du Monde. ]

—  Stop.

Huit pattes s'arrêtent à l'unisson.

Le museau de l'adulte se baisse et frôle les graminées pour y confirmer présence d'une frontière invisible.
Grimalk attend immobile, ses yeux rivés sur le loup à la face balafrée.

Quelques secondes passent avant qu'il ne relève l'encolure pour le regarder puis acquiescer d'un geste lent.
C'est ici.

Son visage est solennel. Il l'a toujours été -  mais ce matin froid est différent des autres.
Peut-être est-ce à cause du soleil qui ne brille pas ici bas, des vastes plaines vertes et nimbées de brume qui les enveloppent de couleurs différentes et teintent son expression d'une morosité inconnue à leurs steppes arides.

—  Azar-reïsh...

—  Tu vas attendre ici. Quelqu'un viendra.

Il marque une pause.

—  Tu auras un autre reïsh.

Azar se penche sur son poitrail et attrape des lanières de cuir entre ses crocs, tire dessus d'un geste sec.
Son harnais reste en place mais un autre se détache et glisse de ses épaules, tombe au sol dans un bruissement de cuir épais et le tintement familier du métal qui s'entrechoque.

Il est toujours un peu trop grand pour lui, même en resserrant les sangles il lui faudra attendre plusieurs mois pour pouvoir le porter ajusté.
Il n'y a que la lame de corps pour trouver déjà place à son antérieur gauche, là où la brassière entoure sans laisser de jeu une patte assez épaisse.

Le loup sombre passe le harnais autour du cou du plus jeune et l'y laisse pendre, recule d'un pas.
Il le contemple et il y a encore ce chagrin qui revient.
Quelque chose se serre dans sa poitrine à lui aussi, mais il se trouve angoissé plutôt que vraiment triste.

—  Et s'ils ne veulent pas de moi, eux non plus ?

Le Balafré reste silencieux quelques moments, une expression indéchiffrable gelée sur ses traits.

—  Ton sang venait d'ici, il y a très longtemps. Ils t'accepteront.

Il s'approche d'un pas, appose leurs fronts l'un contre l'autre.

—  Souviens-toi de ce que je t'ai appris et ça ira. Ne les laisse pas t'intimider. N'oublie pas que tu seras Hàrif, quoi qu'il arrive.

Grimalk acquiesce en silence.
Ils en ont déjà parlé : quoi que lui enseigne son nouveau reïsh, il n'abandonnerait pas l'apprentissage des sept lames.
Le contact se rompt et Azar recule. Tout dans l'inclinaison de ses épaules et la tension de ses articulations lui indique qu'il va se retourner d'ici quelques instants-
C'est fait.
Le pan d'un tissu coloré cingle les airs à la suite de son corps comme un oiseau affolé qui s'envole.
L'image se grave dans sa mémoire comme un cliché automatique.
De ses hautes pattes il commence à s'éloigner avant de s'arrêter un peu plus loin, comme s'il hésitait sur la direction à suivre.

Azar-reïsh a pourtant toujours eu un sens de l'orientation aiguisé.

Plus que de chercher sa route il cherchait plutôt sa voix et le dernier brin de courage nécessaire à trancher pour de bon les liens qui unissaient encore leurs chemins.
Sa nuque se plie vers l'arrière et de sa gueule ouverte sur le ciel s'échappe un bref mais puissant hurlement, rauque et impérieux.

Le son bondit entre les collines et se jette dans les vallées en contrebas, résonne sur les contrées vertes et part se mêler au brouillard.
Grimalk croise le regard d'Azar.

Il n'y a plus besoin de parler et aucun des deux n'en a envie.
Dans le dernier signe de tête qu'ils échangent tout est déjà dit.

Adieu, Azar-reïsh.

Bon courage, petit.

Sa haute silhouette s'éloigne d'un trot vif et lui, exilé qui cherchait nouveau foyer, s'assoit sur cette ligne invisible.

Et il attend.

[ Libre pour 1 - 2 personnages max svp ! ]

La différence entre ces terres et celles qu'il a connues prend le temps de s'installer en lui.
La sensation de l'herbe haute entoure ses pattes, cent fois plus riche et grasse que les brins qui luttent en touffes éparses sur un sol de terre sèche. L'air est frais et bien plus humide, il provoque à l'inspiration une irritation bien particulière au fond de ses narines.

Les courbes du paysage qui se dessinent avec ou plus ou moins de clarté dans le brouillard laissent deviner des collines et des vallons, la montée progressive en altitude vers des montagnes aux bords escarpés.
Ils ont traversé bien des territoires en venant jusqu'ici. Tous ont eu des formes et des palettes variées, peu se sont-ils laissés le temps de les observer.
Si celui-ci doit devenir le sien, il veut pouvoir commencer à le connaître.

Il se demande combien de temps il faudra à un des loups de cet endroit pour entendre l'appel d'Azar et venir voir.
À quoi ressembleront-ils ?

Ils ont vu moins de peuples que de paysages : ils évitèrent de croiser leurs routes.
Mais ceux qu'ils aperçurent quand même étaient aussi variés que leurs habitats.

Quelles seront leurs coutumes ?

Azar lui a dit qu'il ne savait pas grand chose du lieu dans lequel il l'amenait, cet endroit d'où venait son sang.
Il lui a aussi dit que le peu qu'il en connaissait avait sans doute trop changé pour être valable, car les civilisations étaient promptes à évoluer, naître ou disparaître.

Grimalk soupire.
Une de ses pattes se lève et gratte la terre meuble dans une pulsion qu'il n'a pas senti arriver.
Il veut les voir maintenant et en oublie temporairement l'odeur du vent sur laquelle il s'était concentrée.

Mais il reste assis malgré le spasme nerveux qui agite son échine.

Car d'un peu plus loin vient quelqu'un.

Il tire un peu sur ses paupières pour agrandir encore ses yeux, les cligne une fois ou deux pour les nettoyer de toute impureté qui aurait pu perturber la mise au point.

La silhouette se précise et se bousculent immédiatement trop d'informations dans son esprit.
Tout chez cet individu est si éloigné de ce qu'il a connu que rien ne sait prendre le dessus dans la lutte de remarques et d'adjectifs qui s'engage alors, tumultueuse et désordonnée.
Il est si clair de pelage ! Mais bariolé aussi-
Avec des ailes-
Les couleurs des plumes du dessous ne sont pas les mêmes que celles tournées vers le ciel-
Ses yeux sont de la même couleur que-
Qu'est-ce qu'il est grand et massif-
Peut-il vraiment voler comme ça ? Il n'a jamais vu d'oiseau faire cette taille-
Ses cheveux n'en sont pas vraiment, on dirait encore des plumes-

Entre temps il s'est approché, ce loup, et c'est à peine si Grimalk le remarque.
Ses pupilles sont trop occupées à bondir d'un élément à un autre dans un quadrillage complet de l'inconnu.
Et les mots qu'il lui adresse sont eux aussi relégués en arrière plan, le temps qu'il termine de le cribler de regards.
Quand c'est chose faite, il décroche enfin ses prunelles des oreilles épaisses du mâle clair, dernier élément à l'avoir intrigué, pour les poser dans les siennes.

— Non. Azar ne se perd jamais.

Il s'arrête là - il estime avoir répondu à la question - puis se rappelle qu'il lui a aussi demandé son nom.
Ah ! Il avait failli en oublier la procédure.
C'est le bon moment pour l'enclencher, il en est certain.
Alors il se redresse pour s'asseoir plus droit, le dos tendu et la tête haute, de sorte que son jeune corps soit présenté de toute son actuelle hauteur.

— Mon nom est Grimalk et ma tribu, Tsaâl Midbar, m'envoie à la votre pour y retrouver dévolution de mon ancêtre, Zah'ayïn, dont je porte les marques.
Tsaâl Midbar envoie ses respects à votre Kaâl ainsi que ses Kazin et Säar, et pense que ma place est sur ces terres qui virent naître racines de mon sang plus qu'à Arabahos.
Tsaâl Midbar espère me voir m'intégrer auprès d'un reïsh de votre clan pour en apprendre les coutumes et succéder à son grade, et vous fait dire qu'en tant que Hàrif-rëk mes lames seront à votre service.

Quand la tirade se clôt enfin et le laisse presque vidé de son souffle, Grimalk inspire un long trait de l'air froid qui irrite.
Il sait ne pas s'être trompé, ils ont beaucoup répété le texte sur la route.

Les quelques premières fois avaient suffit à ce qu'il le retienne, même s'il y a des mots qu'il ne connaît pas, mais il joua le jeu toutes les autres fois suivantes et le répéta en y plaçant des fautes volontaires, simplement parce qu'il aima parler avec Azar et qu'il craignit que ne s'arrête le dialogue une fois qu'il l'eut maîtrisé.
Azar avait dit que ce serait très important, et clé de réussite à son intégration.
Azar avait aussi dit que cela importait peu qu'un mot sur deux fusse un mensonge dont le fil déroulé servait à ne pas prononcer le mot exil, puisque de toute façon personne n'irait vérifier.

Il lui suffisait de bien répéter les phrases qu'il avait choisies et tout irait pour le mieux.

Alors il le fit.

Et il attend maintenant le verdict, suspendu au visage de cet inconnu ailé, sans pouvoir nier une forme d'angoisse qui se mêle dans l'excitation anticipatrice.

Est-ce qu'il a réussi ?

Son anticipation dégonfle peu à peu quand s'installent un silence et la confusion dans les yeux du géant de plumes.
Grimalk ne sait comment interpréter ce flottement.
Est-ce positif ou négatif ?
L'inconnu n'a peut-être pas assez d'informations et il lui faudra en trouver d'autres. Il peut improviser, mais les mots ne seront pas aussi bien faits que ceux d'Azar.

Ses réflexions sont coupées courtes quand il parle à nouveau.
Si lentement.
Ses oreilles noires se redressent au milieu des cheveux drus, pointées vers lui quand ses iris se suspendent à ses lèvres.
Il ne comprend pas pourquoi les mots s'enchaînent avec tant de difficulté chez lui. C'est comme s'il est essoufflé en permanence et qu'il ne parvient pas à reprendre une bonne respiration, pourtant il est immobile -  et personne ne perd son souffle en restant sans bouger.
C'est peut-être parce qu'il est lourd, se dit-il. Parce qu'il est grand et touffu et que tout chez lui semble trop épais, encore plus que sur son corps à lui qui était déjà plus robuste que bon nombre de ceux de sa tribu.
De ses oreilles à ses cheveux-plumes en passant par ses grandes ailes, il ne voit pas d'autre explication : il pèse trop pour avoir assez de souffle pour animer son corps et utiliser sa voix en même temps.
Grimalk comprend mieux pourquoi il n'en a jamais vu de comme lui, alors, ni chez lui ni ailleurs.
Ce n'est pas très pratique et c'est mal fait.

Avec ses mots traînants il explique qu'il n'a pas tout compris et l'adolescent comprend mieux l'air un peu vague qu'il a vu dans ses yeux.
Il parle de dialecte et Grimalk plisse le museau.
C'est un terme qu'il connaît, un terme qu'il a toujours associé comme péjoratif.

C'est un mot d'adulte que par chez lui l'on réserve aux tribus inférieures, quand leurs balbutiements et leurs façons de s'exprimer ne méritent pas même qu'on les qualifie de langage.

Il estime pourtant qu'il a été clair et qu'il a bien tout expliqué et tout répété.
Si l'inconnu ne le comprend pas, est-ce que ça veut dire qu'il a raté et qu'il ne sera pas accepté ? Ce n'est pas une solution acceptable.
Il sait qu'il ne peut pas retourner en arrière.
Il réalise alors, en écoutant le loup ailé continuer de lui poser des questions sur son introduction, que peut-être Azar n'avait pas pensé à une chose.
Que si leur tribu était nomade et renommée, que dans les vastes étendues d'Arabahos personne ne les ignorait... Ils avaient marché plus loin encore, à un endroit où les distinctions, les grades et les titres qu'ils portaient n'avaient pas de résonance.

Son regard s'éclaire à cette compréhension subite de la situation, confirmée peu après par la progression pénible du discours de l'inconnu blanc qui revient sur beaucoup des mots pour lui demander clarification.
Sa gueule s'entrouvre chaque fois qu'il pense que l'autre a fini mais il la referme aussitôt quand ce n'est qu'une énième pause dans ses paroles.

Sa queue s'agite de petits mouvements nerveux.
Il a envie de le presser et de le forcer à aller plus vite, mais il ne le peut et canalise l'énergie qui se retrouve coincée dans son corps en agitant le bout des doigts. Il presse sur chaque griffe, remue la terre et se focalise sur cette sensation qui l'empêche d'aboyer d'impatience.

Et quand enfin, enfin il termine de parler -  du moins s'interrompt assez longtemps pour lui laisser un créneau de réponse -  Grimalk a déjà pris suffisamment d'avance dans la réponse mentale qu'il façonne, point par point, pour se lancer sans délai dans l'enchaînement de ses mots à lui.
Fluide et efficace, comme on lui a appris à être.

—  Non, un reïsh est maître de sa discipline qu'il accepte d'apprendre à un plus jeune comme moi. Un chef peut être reïsh mais un reïsh n'est pas obligé d'être un chef.

À cela il marque une brève pause le temps qu'un sourire amusé vienne sur ses lèvres  -  Azar n'est pas chef en effet, et les choses seraient différentes s'il s'était imposé pour l'être ; c'était certain.

L'expression disparut de son visage aussi vite qu'elle est apparue et il reprend le fil, cette fois fronce un peu les sourcils comme il avait vu des plus âgés le faire pour réprimander en silence les plus jeunes.
Parce qu'il est sûr d'avoir déjà précisé ce qu'est Tsâal Midbar et que ce loup épais n'écoute pas très bien.

—  Tsâal Midbar est ma tribu. C'est bien plus qu'une meute. C'est plus complexe.

Mille façons différentes de rentrer dans les détails et de développer affluent en même temps dans sa gueule et se bloquent, laissent une bouche ouverte et soudainement muette.
Il la referme et se lèche les babines d'une langue qui ravale tous les mots par la même occasion.
S'il le perd dans toutes ces informations, il peut toujours rater le test.
Alors il reprend au plus simple, là où les wagons de leurs deux mondes différents pouvaient se raccrocher.

—  C'est le Kaâl qui se rapproche de ce que tu appeles chef de meute, je pense ? Le Kaâl connaît tous les chemins d'Arabahos et mène la tribu à travers les sarshana tant qu'il vit ou que personne ne conteste sa place. Mais il y a aussi d'autres chefs.

Il n'est pas sûr de devoir élaborer sur les rôles de chacun, par crainte de perdre davantage le loup épais.
Tout ce qu'il espère est de créer suffisamment de liens entre ce que l'un et l'autre connaissent pour se faire comprendre.
Quant à ses lames...
Si Azar avait tant insisté à continuer son apprentissage même lors des semaines de voyage, c'est parce qu'il était certain qu'il s'agirait du meilleur argument pour le vendre.
Et l'intérêt qu'il a fini par porter en la discipline transparaît dans ses mots plus mordants et dans son regard plus vif quand il explique.

—  Les lames c'est pour devenir Hàrif, comme mon reïsh avant moi. Il m'a appris. Je n'ai pas fini, mais il a dit que j'étais jeune mais prometteur. Le Hàrif sait manier sept lames pour défendre sa tribu, je serai régulier dans l'entraînement pour le devenir... Tout en restant attentif à ce qu'un nouveau reïsh m'apprendra, bien sûr.

Il se racle un peu la gorge et prend enfin une pause, estime s'en être assez bien sorti et avoir été convaincant.
Et compréhensible.

Puis quand le loup épais lui propose de venir sous ses ailes...
Il s'avance sans hésiter plus d'une seconde ou deux.
Pas tellement parce qu'il a froid, plutôt parce qu'il veut les toucher, ces plumes, et voir de plus près ce qu'elles ont de semblable ou de différent avec celles d'un oiseau.
Aussi parce que c'est sûrement un peu un signe d'acceptation, non ? Il l'autorise à venir plus près. À traverser la frontière pour aller du bon côté.

Ça ne peut qu'être un pas dans la bonne direction.

Alors il marche d'un pas convaincu et rejoint l'abri des ailes qui lui rappelle un peu la sécurité des tentes, même si le tissu en est bien différent. Du bout du museau il touche la douceur des larges plumes colorées, en voit de plus près les barbes qui s'étendent de chaque côté du rachis.
Leur taille démesurée lui permet d'en voir la structure avec bien plus de précision que sur tous les oiseaux morts qu'il a pu voir et il en est satisfait.

La situation se rappelle à lui quand le vent passe entre les rémiges pour le chatouiller et il se dit qu'il a oublié quelque chose.
Son museau quitte les plumes pour retourner vers le visage du loup touffu.

—  Il faudra que je vois votre Kaâl pour lui présenter mes serments.

Il fronce les sourcils une seconde.

—  Je veux dire, votre chef de meute.

Rectifié.
Son visage se lisse à nouveau et il tente un sourire assuré vers son interlocuteur.

J'ai compris.
Deux mots et demi qui lui font l'effet d'un compliment. Il en est satisfait autant que soulagé - parce qu'il s'est débrouillé sans les conseils d'Azar et que ça a suffit pour que cet inconnu de ce peuple étranger le comprenne enfin.
Parce qu'il n'aura pas à répéter encore une fois en cherchant des formules différentes, prenant le risque de s'agacer et de mettre en colère le mâle blanc.
Il attend la suite ; toujours logé sous les immenses ailes, un peu moins impatient et nerveux maintenant qu'il sait que le temps que prend l'inconnu pour lui répondre est désormais un temps de réflexion et non d'incompréhension. Et il a accumulé suffisamment d'éléments prometteurs à ses yeux pour tolérer ce flottement avec davantage d'assurance, pratiquement convaincu qu'il est d'avoir trois pattes sur quatre dans leur meute.

L'ailé reprend la parole - il a vu une émotion flotter un instant sur le visage qu'il scrute et est un peu embêté de n'avoir eu le temps de mieux la lire avant qu'elle ne se mue en sourire - et lui apprend plusieurs choses de valeur.
Que leur Kaâl se fait appeler Oracle, et qu'il est le fils de celui-ci.

À ça son cœur s'accélère un peu, parce que le respect dû au fils d'un Kaâl est bien différent de celui qui est attribué à des rangs plus banals, et la manière de s'exprimer est différemment codifiée.
Grimalk avait eu une paire d'ennuis - au milieu de tous les autres problèmes - en ne se conformant pas assez bien à ce sujet.
Il craint un instant avoir finalement fauté et ce fragment de moment suffit à envoyer une vague de chaleur le long de son échine et une impulsion jusqu'au bout de ses griffes qu'il resserre contre la terre. Le spasme rigidifie tous ses muscles, raccourcit son souffle, dresse les poils de son dos - puis se dissipe aussi vite qu'il est apparu aux mots suivants.

Son regard se débarrasse de l'ombre venue l'assombrir et redevient curieux et limpide quand il quitte le vague dans lequel il s'est perdu pour de repositionner sur le visage du Fils de l'Oracle.
Le cours de ses pensées s'apaise, reprend un fil plus fluide.
C'est on ne peut plus clair, sans erreur d'interprétation possible, sans si ni peut-être. Il est accepté et cette confirmation envoie sa queue dans d'amples mouvements fluides.

Il reste mille questions dans son esprit mais il s'efforce de les ordonner et de se focaliser sur l'élément prioritaire.
Son museau s'incline brièvement et il attrape quelques souvenirs à la volée pour s'adresser correctement - il l'espère - au Fils de l'Oracle.

— Merci, Oracle-rëk.

Il est peut-être Säar, mais c'est trop tôt pour le dire.
Dans tous les cas, se tromper ne lui fait plus autant peur. Au mieux il ne dira rien, au pire il le corrigera.
Mais il est quand même accepté dans tous les cas.
Il penche la tête sur le côté.

— Va-t-on voir Kerguelen, maintenant ?

Ne plus être en évaluation d'entrée ne l'empêche pas de toujours faire attention à bien parler et formuler ses phrases, comme il y a été éduqué.
Il brûle d'une envie croissante de rencontrer cette Kerguelen qui remplace leur Oracle.
C'est une femelle et il n'a jamais encore vu de louve occuper le titre de Kazin.

Il se demande s'il devra lui présenter ses serments, à elle ; mais range cette interrogation pour plus tard.

Ses yeux cerclés d'or en deux teintes suivent chaque mouvement du gros loup blanc et les ondulations des plumes molles qui tombent en touffe depuis sa tête.
Il ne tarde pas trop à lui répondre, même si la phrase, encore, s'étire et se perd dans chaque lente inspiration qu'il entend gonfler les poumons avant d'être repoussée dans l'air frais.

Un spasme agite ses arcades et fronce un instant ses sourcils.

— Non, je veux- J'aimerais y aller maintenant.

Les mots sont sortis en coupant presque ceux d'Oracle-Rëk, vifs et impérieux, quand bien même il s'est repris pour être plus poli.
Il teste encore ses limites, les explore du bout d'une langue prompte à se délier et s'adapter, cherche la frontière qu'il ne peut franchir.
Mais pour l'instant, c'est comme si tout est sa portée.

Et maintenant, ce qu'il veut, c'est de voir cette Kerguelen. Il est intrigué, excité, impatient de voir autre natif que lui, surtout une comme elle qui remplace l'équivalent de leur Kaâl - il sait de toute manière qu'il ne saurait se reposer tant qu'il n'a pas accédé à cette envie venue se graver en priorité de l'instant.

Il suppose donc qu'il n'à qu'à insister auprès de ce loup qui a l'air d'être prêt à bien des choses pour le satisfaire sans qu'il ne comprenne encore bien pourquoi, et ce malgré son origine hiérarchique qui le place au-dessus - bien au-dessus - de lui, jeune arriviste.
Il se demande si c'est là partie d'une coutume de ce peuple étrange autant qu'etranger, ou si l'Oracle est similaire dans une bienveillance excessive qu'il transmet à ceux issus de lui.

A Arabahos, pareil chef n'aurait su mener de tribu pendant plus d'un sarshana.

Grimalk s'égare en pensées et s'en rend compte, entre temps Oracle-rëk s'est baissé pour lui offrir son dos et lui propose d'y monter pour soulager ses pattes fatiguées.
Il est un peu confus de ce comportement de soumission mêlé à des allégations qui ne peuvent que lui déplaire.

Il n'est pas fatigué, non, pas de cette vraie fatigue qu'il a déjà pu ressentir et déjà son museau s'agite de droite à gauche.
Cela ne se voit-il pas dans la stature déjà solide de son corps juvénile ? A t-il laissé paraître une faiblesse ?

— De là où je viens, on marche beaucoup. Presque tout le temps. Je peux marcher jusqu'à Kerguelen.

Et au-delà encore.
Azar l'a parfois porté sur ce voyage trop long pour des muscles immatures, quand certains jours les étapes s'espaçaient trop entre elles.

Mais leur arrêt de la nuit ne fut pas loin d'ici et ce loup n'est pas Azar.
Il n'arriverait pas face à haute hiérarchie de ce clan sur le dos de l'un des leurs, assisté sans en avoir besoin.

Alors Grimalk fait un pas mais vers l'inconnu qui s'étend dans les formes et les couleurs de ces plaines verdoyantes plutôt que vers le Fils de l'Oracle, ne laisse sur lui que des yeux qui ne clignent pas.