Un rêve (Hedwige, Freya, Miraj)

Le rêve était plaisant jusque là, bien que surréaliste.  Monde renversé, plein de fantaisie, sans gravité et sans ordre constitué d’îlots  séparés les uns les autres de quelques foulées, franchissable d’un simple bon. Louve béate d’admiration et d’amusement fut tiré de sa rêverie par les paroles de l’autre arrivé à ses oreilles. La louve perdit aussitôt son sourire prêtant oreille attentive à l’annonce qui suivit, tout en se bouchant à moitié les oreilles. Tanit que ce qui semble être une aurore arc-en-ciel gravite dans l’espace.

La voix horripilante grésille comme un vieux poste  de radio de mots en écho, disharmonie – à croire qu’il le faisait exprès rien que pour son agacement. La louve brune grommela, jusqu’ici, il semblait vouloir la surprendre. Faisant vriller musique à ses oreilles chaque fois qu’elle avait le dos tournée, chaque fois qu’elle cherchait repos. C’était un cauchemar pour elle, à n’en pas douter. Pourtant lui semblait enjoué d’être ainsi porteur de si bonne nouvelle, elle s’en serait certainement réjouie à son tour s’il n’avait cette fâcheuse habitude de tout rendre plus compliqué. Mieux valait être prudente avec l’individu plein de farces et de vices, indigne de toute confiance selon elle.

Contre toute attente, l’échange fut de courte durée, bientôt le rêve courra à son tour. L’espace disparut dans un clignement de paupière encore chargée de sommeil. La louve bailla à s’en décrocher la mâchoire, le poil encore tout ébouriffé par une nuit agitée. Elle s’était assoupie, plutôt que de monter la garde cette nuit, le petit jour semblait avancé quand elle daigna étirer ses muscles et se mettre en quête des autres, les paroles restèrent gravé dans sa mémoire tandis que toute trace de rêve s’évaporèrent.

S’il n’avait pas mentit, s’il avait vraiment décidé de leur rendre liberté d’autre soucis traversait les pensées de la louve. Il fallait décider, trouver solution, choisir une voie à suivre, un chemin à emprunter. Elle déglutit, prenant garde à dissimuler ses doutes. Se retrouverait-elle seule à continuer son voyage ou bien était-il plus sage de retourner d’où ils venaient chacun ? Et Miraj dans tout cela, avant-elle quelque part où aller ? Quelque part où elle serait reçue comme étant chez elle ?

Elle doutait prise d’une angoisse  nouvelle, celle de perdre une famille qu’elle s’était construite par hasard. Pour la première fois, elle se surprit à craindre le changement, l’incertitude de demain plus qu’elle ne l’aurait cru. Elle croise la silhouette de Miraj en approchant des habitations, vint se poser à ses côtés, appuyant son flanc contre le sien cherchant chaleur et réconfort à ses côtés.

« Ici est notre foyer depuis si longtemps. J’ai fini par m’y habituer » Avoua la louve au côté de la plus jeune. Elle avait presque oublié quelle était ma véritable place parmi les siens, les promesses d’un retour, l’inquiétude qui pouvait naître parfois chez ses proches, aujourd’hui c’était elle qui baignait dans ces mêmes inquiétudes, les comprenant subitement.

D’une patte, elle monte la plage, la jungle, les habitations qui sont les leurs. « Je suis certaine qu’avec quelques décorations et un peu d’imagination, nous pourrions rendre cet endroit bien plus beau encore. Bien plus chaleureux qu’il ne l’est déjà, comme ça chacun y trouvera sa place. »

C’est vrai, ça, c’était un bel endroit qu’ils pouvaient personnaliser à souhait, adapter et transformer pour qu’il ressemble à chacun. C’était une idée qui lui avait traversé l’esprit, les garder tous ici, former une famille à l’autre bout du continent, mais qui dirait la meute et son oncle, cela  allait lui briser le cœur.

Elle soupire, enfin libre, c’était une drôle de sensation qu’elle retrouvait. L’envie de la garder près d’elle demeure, mais elle doit s’y résoudre, elle n’est plus une petite fille. Désormais, elle est libre d’aller où elle le souhaite. Toute fois demeure l’espoir qu’elle veuille continuer à vivre à ses côtés, ici ou ailleurs.

« Cela n’a pas vraiment d’importance si tu ne souhaites pas rester ici, tu peux choisir une vie de nomade. Rien ne t’obligera à partir seule. Où tu voudras j’irais. » La louve haussa les épaules, enfonçant sa tête entre celle-ci. Une promesse, elle s’y était engagée, c’était son devoir depuis qu’elle l’avait recueillit. Et il restait tellement de chose qu’elles pourraient faire ensemble.