"Mon copain" · Ted, libre

Elle l'a appelé "mon copain".
C'est peut-être bête, mais ça lui a fait plaisir, qu'une personne à peine rencontrée l'appelle comme ça. Très décalé aussi. Mais pour lui ça n'a témoigné que d'une chose : la générosité relationnelle de Thorn. Il n'en a pas croisé beaucoup, des comme ça, pendant son voyage. Peut-il même dire que ça a été la première à ainsi l'affubler d'un tel surnom peu de temps après l'avoir rencontré ? Oui. Peut-être même la seule personne à l'avoir appelé ainsi ? Peut-être aussi.

D'aussi loin qu'il se souvienne, il a toujours eu du mal à se faire des amis.
Il y en a peut-être certains, de là d'où il vient, qu'ils l'ont considéré comme tel, sans pour autant le lui dire. Il a bien eu quelques choses offertes sans attendre en retour, des regards qu'il pense étaient compatissants, parfois un sourire. Dur à dire pourtant pour lui, parce que quelques fois ces mêmes personnes ignoraient, ne répondaient pas à ses tentatives de discussion ou d'interactions. Il essayait une histoire, parfois, même si c'était pas vrai, pour juste avoir une réponse. Se sentir... entouré. Faire partie du groupe, un peu ? Des tentatives souvent vaines, ou démasquées.

Sa mère était son amie.
Pas considéré bavard par les autres, elle était bien la seule à dire ça de lui. Son petit "moulin à parole". Peut-être parce que la seule à écouter ses longs monologues sur sa passion du jour. Ou au moins faire semblant d'écouter peut-être, mais qu'est-ce que ça change ? Toute son âme absorbée à raconter la vie des fourmis ou la découverte du dieu dont il tient son nom ne s'était pas aperçu de la différence. Elle l'aimait, elle l'écoutait, elle était sa première amie.

Et Thorn, sa première rencontre très positive ici... avant que tout ne tourne à très négatif.
Il se souvient du loup avec lequel il a croisé la fée, il était sympathique aussi, très calme et poli. Agréable. Pourtant Thorn l'a un peu plus marqué avec sa joie de vivre. C'est peut-être bête, mais ça lui a fait plaisir. Et c'est peut-être encore idiot au possible, mais Ted, derrière lui... est peut-être le second qu'il va pouvoir appeler ainsi. Un autre loup qui aide sans attendre en retour. Ils balbutient beaucoup entre eux, hésitent et doutent. Et pourtant ils accomplissent.

Il jette un coup d'oeil vers le gris, devant la forêt.
On y est.

Ses pas le mènent un petit peu plus loin dans la brume que dégage l'endroit. Il s'y fond de plus en plus avec ses couleurs claires. Il accueille presque ces bras vaporeux comme une entité en elle-même. Une amie qui protège mais nimbe aussi de mystère l'endroit. Augmente son anxiété mais l'entoure tel un parent. Un double tranchant, tout comme la situation qui va pouvoir donner deux chemins.

"THORN ?"

L'écho de son aboiement ricoche dans les arbres et la pierre qui entoure toute cette forêt. Il entends des oiseaux s'envoler au loin. Il répète son nom plusieurs fois, et se confronte au silence dévastateur. Même pas le rugissement de la cockatrice qui vient prendre sa revanche. Pas le moindre son d'une proie. Pas le chuintement d'une petite fée comme il a pu voir ici.

Les minutes s'égrainent.
Ses épaules s'abaissent au fur et à mesure qu'il se vide d'espoir. Il frotte ses pattes entre elles et pousse, remet sa capuche plusieurs fois.

"Je... je connais son odeur, je ne suis pas grand pisteur mais on peut essayer ?"

Il regarde à nouveau Ted.

Avec l'accord de son camarade, Lùgh baisse la tête.

Il n'a pas beaucoup d'expérience pour ça, il se juge dans la moyenne basse des traqueurs. Se retrouver le nez près du sol est aussi une façon de s'occuper la tête et de ne pas laisser la spirale le hanter comme il a pu avoir quelques heures plus tôt. Aussi courte a-t-elle été, il sent aussi que la sieste lui a fait du bien. Il se lance avec assez d'espoir pour compenser son manque de conviction, et retrace comme il peut la piste. Il essaye aussi de se souvenir vaguement de l'endroit grâce aux repères visuels.

ING 1, pour retrouver Thorn avec ses souvenirs/la piste.
La brume a l'air de rendre ça plus difficile, et la trace est froide froide froide. Au final avoir la tête au sol c'est bien, il peut aussi cacher son visage déconfis, comme ça. Sa gorge menace d'à nouveau avoir des nœuds, comme son estomac. Il déglutit une, deux fois, avant de réussir à sortir sa pathétique conclusion.

"Je trouve pas..."

Le temps presse et il est peut-être le seul à avoir les moyens de la retrouver et- il ne peut qu'imaginer face au reptile et- Ah. À moins de chercher la cockarice. Ça... ils peuvent le faire tous les deux. Mais c'est bien plus risqué. Quoi que si Thorn a survécut peut-être que le prédateur tourne encore autour d'elle. Ils ont déjà pénétré la Sylve de toutes manières, il y a déjà une chance.

Il inspire.

"Il faudrait peut-être trouver les traces de... la créature."

Et expire, avec un tremblement dans le souffle.

Il sent une aura de soulagement.
Le contact contre son épaule ne le dérange pas. Au contraire, il dispense un peu plus de chaleur en lui ; un geste amical ! Il voit bien que l'autre mâle n'est ni plus assuré, ni plus rassuré que lui. Mais Lùgh, lui, le croit quand il dit qu'il s'en occupe, il a l'impression qu'ils vont pouvoir avancer un peu sans trop s'approcher du danger.

Ou... peut-être pas.
Il a influencé le tout avec sa croyance, sinon. Peu après alors que lui a remis son nez sur le sol, Ted murmure qu'il a sentit quelque chose. Et vu comment sa grande taille égale presque la sienne désormais, ce n'est pas de bonne augure. Il doit se forcer à prendre une autre inspiration, comme si souvent. Il ferme les paupières.

Il essaye de piocher dans ses souvenirs, à nouveau, pour reconnaître s'il s'agit de la créature effrayante qu'ils ont croisé... Ou même s'il voit une emprunte sur le sol, qui sait ! Un cheveux de Thorn pris dans une branche, long et ondulé, en désespoir d'autre chose ? Il prie, fort.

ING 1, pour voir s'il reconnait l'odeur comme celle de la cockatrice.

Sa prière est entendue.
Enfin en partie, pas de la manière qu'il aurait voulu. Ses sens en tout cas, il en est certain désormais, lui crient qu'il s'agit du reptile, c'est la même pestilence. Il ne sait pas dire par contre si c'est la même. C'est quand même très proche, alors il adopte une position basse pour espérer se fondre dans la brume.

"C'est la bête, je reconnais aussi."

Il regarde Ted dans les yeux et murmure.

"Pas le choix de la remonter je crois, mais on peut se camoufler pour avancer ?"

Tout d'abord, se camoufler.
Lùgh espère sincèrement que la couleur de son pelage blanc va l'aider parce qu'outre se mettre un peu de boue pour coller de l'humus  et cacher un peu son odeur, il ne sait trop quoi faire. Il n'a jamais été un pro du déguisement, un tord sans doutes, au vu du nombre de fois qu'il a été repéré dans le passé... Il faudra qu'il y pense. Dans tous les cas, il se tapisse comme il peut de feuilles de l'endroit pour prendre un peu plus la teinte des environs. De même qu'il quitte ses bois.
C'est... assez. Même pas mal.
Satisfait, la route est reprise ensuite.

La piste est un peu plus simple à suivre maintenant qu'ils ont tous les deux l'odeur de la créature. Quand ils s'approchent par contre, Ted pose la question fatidique : est-ce la même ? Lùgh s'aplatit sur le sol et observe. L'image lui fait tourner la tête, et son sang se glace. Avec difficulté il passe ses yeux sur elle. Chanceux au moins, il n'y a pas besoin de beaucoup d'ingéniosité pour voir une chose.

"Je crois pas... elle n'a pas de marques de blessures."

Les oreilles baissées, il ne peut proposer qu'une seule solution.

"On la contourne par la forêt ? Jusqu'à trouver la bonne, ou retomber sur l'odeur de Thorn."

Il tremble, quand il dit ça. Parce que face à ce reptile, il est à deux doigts de se faire dessus. Tout son instinct lui dit de faire demi-tour, ou d'hurler. Il peut presque entendre la voix de la louve brune qui lui a sommé de fuir. Ironique, c'est cette même voix qui fait couler de l'inquiétude, de la culpabilité, et du regret. Donc le pousse à continuer cette quête folle.

Il tente se de faufiler parmi les feuillages en se tortillant pour n'en agiter aucune. La souplesse est son seul atout dans cette folle aventure. Ou même dans la vie depuis qu'il est ici. Il s'en sort bien, trouve-t-il. S'il avait été chez lui... Et bien, chez lui, il aurait détesté et pleuré, craché, en se jetant dans la gueule du prédateur pour offrir une distraction.

Il n'est pas chez lui.
Alors il contourne.

Il inspire et expire autant de fois que nécessaire en contrôlant son volume. Il ne veut pas produire le moindre son. Toute sa concentration passe dans ses mouvements. Ne rien toucher, ne rien perturber, ne pas tomber, ne pas s'écorcher encore une fois. Il a l'impression de consommer dix calories avec son cerveau par minute où il prête attention à tout ça, quand bien même ça les vaut.

Ted le délivre de cet état quand il estime qu'ils sont assez loin. Lùgh soupire jusqu'à vider ses poumons alors, et se redresse assez pour ne plus être droit comme un prédateur à l'affut. Juste le bon petit gars habituel. Enfin bon petit gars qui va sûrement rester grimé, ça peut toujours être utile pour plus tard. Il se remet à avancer avec une normalité relative, se cogne à une branche une fois, c'est déjà plus ça pour lui.

Il oublie aussi en partie quand il voit son camarade s'éloigner, pour revenir avec un champignon.
Un peu confus, le loup gris annonce cependant qu'il devrait l'aider. C'est le loup qui l'a autorisé à dormir dans sa propre couche et l'accompagne vers des reptiles géants... Qui l'a soigné. Il est loin d'être malhonnête. Il ne questionne donc pas ses paroles. Ses propres pattes se saisissent du petit chapeau bleu et il le gobe aussi sec. Il n'aime pas la texture, alors moins de temps il le mâche mieux c'est.

Il se sent... Il se sent à peu près pareil.
Pas qu'il se soit attendu à quelque chose d'immédiat ou à se mettre à voir double ou décoloré comme certaines plantes qu'on trouve par chez lui et. Oh. Si ! Il a l'impression que ses pensées vont un peu plus vites, le monde semble soudain avoir plus de détails à sa portée.

"Tu as raison, ça aide. Je suis plus concentré-"

Il se tourne et renifle sur le sol, peut-être qu'il va réussir à différencier les odeurs maintenant ? Des subtilités, il cherche. Ou même s'il parvient à retrouver enfin l'odeur de Thorn. Et... Et oui. Il sent, c'est l'odeur d'une louve, c'est un peu piquant. C'est comme des petites explosions en lui, tout se connecte. C'est un drôle d'état, à la fois content et à la fois apeuré.

"J'ai. Merci Ted, merci-"

Il lui lance un regard, et se met à avancer plus vite. Il remonte la piste.
Sans savoir encore ce qu'il va bien pouvoir trouver au bout. Juste qu'il se doit d'avancer tant que ce champignon salvateur fait effet sur lui. Les arbres passent autour, la brume est un peu perturbatrice avec son humidité. Chaque fois pourtant il parvient à raccrocher le trajet qu'elle a fait ici, et la piste se réchauffe jusqu'à ce qu'il sente sa propre odeur.

"C'est là."

Il y a aussi le parfum de la créature qui traîne.
Un peu de picotement dans le bout de ses coussinets, sa cadence est désormais la plus lente possible. Il ne veut pas réattirer le reptile géant. Il regarde partout, hume tout autant. Le monde se charge de l'odeur du sang, qui fait filer le sien vers ses pattes et vide un peu sa tête. Une sueur froide, il continue. il en voit désormais qui tapisse l'herbe. Il continue.

Il s'arrête.
Plus qu'une touffe de cheveux laissée dans la brume.
Le silence. La confirmation.

Les oreilles basses, il détourne le regard.

Est-ce la brume qui est plus présente, ou l'effet du champignon qui s'en va, pour ainsi décolorer le monde ? Le vent doit pousser les arbres, ils sont un peu plus proches, pas tout à fait au même endroit que quelques minutes plus tôt. Il ne reconnaît pas bien ses cicatrices, ont-elles toujours été dans cette position ?

La voix de Ted est un peu plus éloignée.
Son cou se redresse d'un mouvement automatique, croise son regard orange qui n'est plus aussi familier qu'avant. Il lui sert un maigre sourire avant que ses yeux à lui ne retombent vers le sol. L'herbe est bancale, c'est difficile à décrire, elle a une direction bizarre.

"Pas ta faute. Merci, plutôt, d'être venu m'aider."

Le monde est lourd, diagonale, changeant.
Cette sensation si bizarre que son corps flotte, il croit la connaître. Il s'est vaguement sentit comme ça la première fois qu'il est mort. C'est désagréable. Son esprit est cotonneux. C'est très désagréable, il n'a plus envie d'être ici, face à ça, face aux reptiles géants. Tout cet endroit est dangereux, et il se tord de secondes en secondes.

"Partons de la forêt."

Il flotte, marche, dans la direction de sa propre odeur, celle de sa fuite d'avant.
Ses paupières clignent et déjà il se retrouve au bord de la forêt. Une inspiration, deux, ses poumons se gonflent mais il n'est pas sûr. Il est vivant, il doit bien respirer. Ou peut-être que tout ça est faux. Hm... Il dort encore dans la tanière, et se réveillera bientôt. Oui, il se sent comme dans un rêve, la mauvaise version de la sensation.
Il ne peut pas y rester.

Il regarde Ted.

"Je te rejoins plus tard."

Quand il se réveillera, en attendant il doit être seul sûrement, s'il veut ouvrir les yeux.
Il le salue, et se met à trotter avec peine, même s'il flotte.