Potit châto l P.V. Iris

Asclepia se trouve à la frontière Nord de la Rougelande, il joue dans les bras du delta du confluent du Lac Azuré. Peut-être, peut-être que son potit château se trouve sur la frontière.



Quand tu prends des pleines poignées de sable et que tu les empiles, quand tu rajoutes de l'eau pour en faire de la bouillasse, quand tu malaxes bien le résultat... Eh bien...

Ca fait des potits châtos. Des potits châtos de sable. C'est joli, les châteaux de sable, quand tu disposes d'un minimum de talent ! Tu peux empiler des étages, faire des créneaux, et même une petite cour intérieur avec de l'eau stagnante si tu te démerdes bien. Et après tu rajoutes des statues sur les côté, si tu fais des petits motifs, y'a carrément de quoi avoir un résultat royal. Pour un château, c'est bien, non ?

Mais bon.

Ascle ne sait pas faire tout ça. Il ne sait faire qu'un petit pâté ridicule qui penche d'un côté et de l'autre en même temps, 'fin, un pâté qui coule quoi. Mais ça ne semble pas le dépiter, au contraire. A u c o n t r a i r e, mes amis ! Il remet un peu de sable, remet un peu d'eau, un peu de sable, peut-être que tout s'écroule, mais non ! Il sauve un bout de château - de pâté - avec ses pattes, fait monter la sauce - petits coquins - et tourne et tourne un peu ses pattes.

Il recule d'un pas, pose ses pattes sur ses hanches, contemple son oeuvre.

Quelle magnifique... Turgescence boueuse.

Il glousse, observe les environs.

On dirait presque, presque, presque qu'il attend quelque chose. Ou quelqu'un. Comme s'il... Flirtait avec une frontière, par exemple, et attendait son tribut. Sa récompense. Le petit Etelkru qui était sensé venir jouer et discuter avec lui s'il restait là.

Il se mordille la patte pensivement. Est-ce que la grande bleue était toujours là ? Elle était drôle, quoi qu'un peu frigide. Et les autres ? Il secoue la tête, les petites billes d'émeraude s'agitant en couronne tout autour.

-Iris-

Il avait suffit d'un contact ...

Il avait suffit d'un baisers volé pour tout chambouler. Depuis ce matin où une couronne avait été échangée, et où ils étaient descendus sur la plage, Iris ne pouvait l'enlever de ses pensées. Le contact qu'ils avaient partagé dans la grotte, devant les seuls spectateurs qu'étaient les alevins, était différent. Elle l'avait senti, et lui aussi, elle en était convaincue. Sur le moment, elle s'était soustraite au contact, fuyant presque. Elle avait fuit devant ses pensées, ses sentiments tout emmêlés et bien trop grands pour son corps encore frêle. Elle n'avait pas été courageuse.

Pourtant, elle avait pensé le devenir, courageuse. Elle avait combattu, défiant Sakura et son glowstick rouge, elle était partie à l'aventure avec ses frères et sœurs. Elle avait progressé, elle avait grandi. Mais devant quelque chose d'aussi simple qu'un baiser, elle avait fuit.

Ses pas la menait lentement vers la frontière, son regard pensif caché derrière ses cheveux argentés. Seule, elle réfléchissait mieux. Et par Dairo, elle en aurait besoin, de réflexion. D'abord, le pourquoi : pourquoi avait-elle fuit ? La réponse simple était qu'elle avait eu peur. La plus complexe … elle avait eu peur de ce qu'elle ressentait. Elle avait eu peur de blesser Désiré, elle avait surtout eu profondément peur que leur amitié change. Mais se change en quoi ? En quelque chose de plus profond, intime ? Elle relève la tête et expire, sentant l'angoisse la prendre aux tripes. Etait-il amoureux d'elle ? Et elle, qui était-il, pour elle ?

Elle secoue la tête. C'était compliqué. Désiré était son ami, elle en était certaine. Il était doux, sympathique, plein d'énergie et toujours prêt à partir à l'aventure. Il était celui qui emplissait son coeur de joie, et elle se sentait légère lorsqu'elle était avec lui. Mais avec Maps aussi, non ? Les deux amies construisaient des projets, restaient ensemble, malgré les obstacles. Le visage neutre d'Iris se tord en une brève grimace : Désiré ne l'avait jamais vue énervée, ni amère, ni jalouse. Iris savait qu'elle pouvait parfois se montrer moche, possessive et jalouse, colérique et émotionnelle. Elle le savait mais ne pouvait l'en empêcher, bouillonnante parfois de trop d'émotions, blessant les autres. Perdant des amis.

Évidemment, ses pensées se tourne vers Ibéris, celui qui a si sévèrement condamné Désiré. Comme pour lui donner raison, la colère vient gangrener son ventre : était-il incapable de la laisser tranquille ? Est-ce qu'il ne cherchait pas à se venger, face à sa tentative de contrôle plus jeune ? Leur semblant d'amitié enfant avait fini par voler en éclat, et Iris ne pouvait plus considérer son frère comme son ami. Heureusement, Nirvana agissait comme tampon entre eux, raisonnable et moins émotionnelle.

Iris souffle. Elle a du mal à trouver les réponses à ses questions, mais une certitude se dégage : quoi qu'elle et Désiré deviennent, ce n'est pas à Ibéris d'en décider. Elle le chasse de ses pensées, essaye plutôt, alors que soudain un autre problème survient : les chaleurs. Ils sont jeunes, tous les deux, mais si Désiré tentait quelque chose la prochaine fois qu'elles survenaient ? La louve inspire, anxieuse. Il y avait beaucoup trop d'incertitudes. Peut-être qu'au fond …. Peut-être qu'elle voulait essayer, avec Désiré. Du moins, continuer à explorer. Mais tout était encore trop tôt : comment réagirait-il la première fois qu'elle se mettrait en colère contre lui, qu'elle le blesserait ? Elle ne pouvait s'attacher à quelqu'un qui la fuirait immédiatement. Elle refusait de se laisser blesser, vulnérable.

Une odeur lui fait relever la tête : la frontière. Elle était allé bien trop loin, ses pattes foulaient les terres solitaires. Elle s'arrête alors, lève les yeux vers le ciel. Il faudrait qu'elle attende de voir. Qu'elle continue de voir Désiré comme un ami, du moins pour le moment : elle n'était pas prête. Devant elle, la mer s'étend, brillante et paisible. L'hiver est trop froid pour aller se baigner, mais elle a promit à Maps qu'elle y retournerait avec elle. Iris sourit : elle avait hâte. La vie était belle, parfois, lorsqu'on ne réfléchissait pas trop. Alors, elle continue d'avancer, longeant la frontière.

Jusqu'à ce qu'une odeur inconnue la mette en alerte. Un solitaire, sur leur frontière. Il semble que ce n'était pas si habituel que cela … La louve s'avance, curieuse mais attentive, jusqu'à l'apercevoir. Un loup-oiseau, bleu pétant, immobile. Impossible de passer à côté. Elle se rapproche, un peu trop confiante peut-être, alors qu'un rictus suspicieux vient plisser ses yeux.

A force d'observer et d'observer, et de se servir de son nez, Asclepia finit par trouver quelque chose. Bon, peut-être que les heures qu'il a passé à attendre que quelqu'un vienne le cueillir sur la frontière y sont un peu plus pour quelque chose.

Peut-être.

Ses oreilles pivotent à gauche, à droite, alors qu'il fait semblant de ne pas voir l'inconnu approcher. Il hume son odeur toutefois, y reconnaissant l'âcre odeur des Etelkrus - logique - et celle, plus ténue, différente, différente mais similaire... L'odeur de la louve bleue. Une amie, ou... Un enfant ? Le ton de son pelage est d'une teinte similaire, ses cheveux immaculés, il n'est pas difficile de faire le rapprochement - avec des pincettes toutefois.

Lorsqu'elle l'aborde, Asclepia relève la tête et haut les sourcils, gueule à demi ouverte, choqué. Il porte une patte à son poitrail et regarde à droite, à gauche. Cherche.

Puis reporte son attention sur le petit tas de sable boueux à ses pieds.

Des frontières ?

Sa voix est haut perchée, un octave plus aigüe qu'elle ne l'est d'habitude (mais quelle est l'habitude, vraiment ?). Il penche la tête sur le côté, tourne, contourne le tas de boue et le pointe du bout de la patte avec un sourire radieux.

Brillant.

Eclatant.

Authentique et innocent.

Tu parles des frontières de mon château ?

Il s'assoit sur son derrière, se mordille la lèvre inférieure et tourne la tête sur le côté.

Je ne pensais pas que tu y ferais attention... Je suis touché.

Par dessous ses longs cils, il jette un regard appuyé à la louve bleue, cherche une confrontation visuelle.

Je ne pensais pas lui mettre des frontières à proprement parler, des douves peut-être ? Qu'en penses-tu ?



Son pâté pitoyable penche un peu plus sur le côté, menaçant de s'écrouler.

-Iris-

La louve prend le temps de le détailler. Il est plus vieux qu'elle -ce n'était pas difficile- et arborait un pelage mêlé de plumes de paon d'un bleu éclatant. Il était beau, c'était indéniable. Alors qu'elle continue son exploration visuelle, elle remarque son glowstick : rose, évidemment. Elle aurait eu plus peur d'un bleu ou d'un vert, mais le rose n'est pas à prendre à la légère. La couleur de la manipulation. Un frisson lui court sur l'échine, alors qu'il lui semble sentir de nouveau les pattes arachnéennes crisser sur sa peau, la percer pour y planter leurs fils. Elle serait vigilante. La promesse vient chasser les réminiscences cauchemardesques.

Le mâle en face ne semble pas impressionné. Il s'assoit, tourne, lui parle de son chateau avec une gestuelle étrange. Iris en vient même à douter : est-ce qu'il ne serait pas une femelle, simplement avec une odeur masculine ? La frontière se floute, un instant, et elle n'aime pas vraiment ça. Elle fronce les sourcils, les muscles figés. Déjà empreinte de l'attitude bien etelkrus qui rejetaient les étrangers :


Elle lui darde un regard sombre. Il était visiblement inconstant, ayant immédiatement éveillé ses défenses primaires. Il était de ceux dont maman l'avait mise en garde ... Maman qui n'était pas là, aujourd'hui. Ibéris, lui, aurait sûrement eu une tout autre réaction, mais qu'est-ce qu'elle y pouvait ? Elle n'aimait pas ça, c'était tout.

Ah la la, ces Etelkrus. Quelle agressivité ! Ils ne savaient vraiment pas s'amuser - mais c'était aussi ce qui les rendait si... Amusant. Paradoxe dont il se gavait. Il suffisait d'un petit mouvement, d'une petite parole anodine pour qu'ils se fâchent tout rouge (ah !), ne comprennent rien, ou s'émeuvent. Oh, qu'il aimait lorsque les loups s'émouvaient face à lui, oui oui. Asclepia hoche ses hanches d'un côté, de l'autre, et d'yeux et moue de chiot se pare devant la guerrière :

Mais mon château... Tu ne voudrais pas le détruire, n'est-ce pas ?

Ce serait après tout si triste.

J'y ai mis tant d'efforts ! Des heures et des heures à m'entraîner à faire les tours, tant d'autres pour comprendre le volume exact nécessaire pour que s'érigent les galeries sans que tout ne s'écroule...

Il plaide sa cause ! Et son petit château, qui à ses pattes s'effondre tout seul.

Ridicule.

Il prend un air conspirateur :

Si tu veux, je t'apprends à faire des châteaux. Comme ça, tu comprendras mon bonheur à les élever, et peut-être pourrons nous devenir amis ?

-Iris-

La louve ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas le solitaire en face d'elle, n'était même plus sûre qu'il était bien un il : l'effluve qui s'en vient à ses narines la perturbe, l'empêche de se fixer sur un genre précis, la déconcentre de plus en plus. Et lui (elle ?) qui se dandine, qui minaude, qui prend peur pour sa pauvre construction si ostensiblement posée sur leurs frontières … Le poil d'Iris gonfle, de frustration, mais aussi d'un brin de peur. Car l'inconnu l'a toujours inquiétée, elle qui cherche à toujours savoir, comprendre et découvrir. Un paradoxe, en soit. Ou plutôt, une quête de la maîtrise. Et ce solitaire représente tout ce qu'elle ne peut maîtriser, jusqu'à dans son odeur.

Et puis, pouf : le château s'écroule. Et la tension diminue, un peu. Elle aurait presque pu en rire, de son pauvre château qui ne tenait même pas, qui s'écroulait pile poil au pire moment. Mais elle sent bien que lui (elle ??) n'en a rien à foutre. Elle grimace :


Elle jouait, jouait, mais savait pertinemment que la jeune etelkru pouvait, d'un cri, rameuter assez de guerriers pour la transformer en tapis digne de décorer le Castel. C'était peut-être ce qu'Iris devrait faire, d'ailleurs … La tentation était forte. Et puis, peut-être qu'en la tuant, elle pourrait vérifier ce qui se passait entre ses cuisses et enfin déterminer si, par AKA, elle devait dire lui ou elle.