Nettoyer son coeur

± Nettoyer son coeur

Elle volait au-dessus de ce qui avait été initié par Onyx. Le nom même de ce lieu avait été un affront. Le Refuge. Or, n'appelait-on pas les Réfugiés, ces loups accueillis à bras ouverts par les Nakhus ? On avait voulu leur prendre leur rôle de Sanctuaire au sein de ce Monde. On avait été jusqu'à copier des projets de longue haleine. Des installations mises en place avec fierté et amour. Jardin, poulailler, ruches. Leurs spécificités avaient été reproduites ici sans vergogne.

Çà faisait mal, n'est-ce pas Kerguelen ? Regarde donc comme on piétine tes œuvres et celles des tiens. Comment on crache sur tous les efforts faits pour offrir un doux refuge à toutes les âmes égarées. Oh, on te reprochera la fermeture des frontières. Même si en réalité, les gens te reprochent surtout de ne plus avoir accès à la Bibliothèque. Ta Famille, tes mœurs et tes blessures, ils s'en fichent complètement. Seul le Trésor de vos terres comptent à leurs yeux. Les livres ont plus de valeurs que vos vies et vos souffrances. C'est triste, mais c'est comme çà.

Et puis, ce 'Refuge' a été lancé bien avant l'incendie. Et jamais les Nakhus ne laisseront tomber un être ayant besoin de secours. Jamais. Mais les gens doutent de votre bonne foi, il faut croire. Ils n'ont pas cette tolérance ni ouverture d'esprit si propres aux tiens. Ils n'ont pas tes valeurs. Celles qui te poussent à agrandir ton cœur. A souffler sur les cendres du sentiment de la trahison. A faire le ménage à grands coups d'eau salée pour rendre son éclatante blancheur à ton âme. Tu es une Colombe. Un oiseau de Paix. Qui ne peut que pardonner les égarements de tes semblables. Au moins, sous cette forme d'aurore boréale, nul te ne verra pleurer. Tu peux te laisser aller à un chagrin nécessaire. A évacuer tout ces ressentiments.

Se battre contre le refuge d'Onyx ? C'était un combat perdu d'avance. Chaque camp avait ses arguments tous aussi valables les uns que les autres. Elle était seule dans cette bataille. La seule à être aussi blessée. Toujours cette foutue sensibilité trop exacerbée. Les autres Nakhus n'étaient nullement dérangés par ce projet. Alors, le problème ne pouvait venir que d'elle. Uniquement d'elle. C'était une réaction mauvaise et égoïste du coup. Tout ce qu'elle se refusait d'être. Il fallait donc laisser les choses se faire. Elle n'interviendra plus. Ce n'était pas son rôle.

Elle pouvait même trouver un côté bénéfique à cette création. Ne pouvait-on pas trouver une certaine fierté à être pris pour modèle ? N'était-ce pas un premier pas réussi dans leur si compliquée mission. Celle de répandre leurs modes de vie pacifique ? Car là était bien la raison de leur existence. Amener et conserver la paix et l'harmonie sur les terres de Punk Wolf.

Elle ne devait pas être celle qui créa les conflits. Il y en avait déjà suffisamment. Le Refuge avait le droit d'exister. Chacun était libre de faire ce qu'il souhaitait tant qu'il ne causait pas de tort. Alors, sur une grande inspiration, elle le laissa entrer en elle. Elle accepta son existence et tout ce qui en découlerait. C'était leurs nouveaux voisins. Peut être même qu'ils pourraient créer de bons liens avec ce voisinage ? Ils étaient déjà si semblables.

Même si la ressemblance ne faisait pas tout. Ni l'appartenance d'ailleurs. Son esprit lui apporta le deuxième fardeau qu'elle transportait depuis des mois. L'acte abject d'Heinly. Ce loup qu'elle avait aidé à mettre au monde. Cet enfant si froid auquel elle été parvenu à arracher un lumineux sourire. Ce fils d'une amie si chère à son cœur. A cette amie à laquelle elle avait promis de veiller sur sa descendance. Un échec cuisant.

Jamais tu ne pourras totalement t'accorder le pardon, Kerguelen. Tu t'en veux d'avoir été aveugle. Tu as eu du mal à accepter la réalité. Cette vérité si dure. Cette trahison qui fendilla ton monde si doux et si rose. Pourtant, tu le sais bien que tu ne vis pas dans un rêve. Des épreuves tu en as surmontées. Et ce n'est sûrement pas la dernière. Celle-ci est simplement plus profonde car elle touche un domaine personnel. Tu étais si impliquée, si déterminée. Mais cette fois, ta volonté n'a pas pu te mener là où tu le souhaitais. Parfois, même avec les plus beaux efforts, on ne réussit pas. C'est comme çà. Il faut apprendre à l'accepter.

Tu as déjà parcouru le chemin de ta propre rédemption. Tu as fait équipe avec Cheza pour redonner sa splendeur à la Bibliothèque. Pour racheter ton erreur. Pour avoir naïvement aidé Heinly à préparer son action incendiaire. Mais ce but final, tu l'ignorais. Comme Onyx d'ailleurs. Vous avez commis la même erreur. Celle d'avoir trop rapidement donné votre confiance, de trop croire en vos semblables. Pour toi, cela a créé un incendie et une cicatrice dans l'histoire des Nakhus. Pour celle qui fut ton amie, cela a engendré deux sacrifices et la culpabilité de vivre avec. Vous êtes semblables. Marquées de la même façon.

Si tu ne peux te pardonner à toi-même, peux-tu lui pardonner à elle ? Oui. Parce qu'elle ne connaissait pas la portée réelle de ses actes. Ce n'était pas volontaire. Elle n'était pas la coupable, mais une victime. Et les victimes n'ont pas besoin d'être enfoncées. Elles ont besoin d'écoute, de compréhension, de réconfort et de protection.

La Couturière laissa entrer la sagesse en elle. Cette valeur caractéristique de la Déesse qu'elle chérissait. Ce modèle divin qu'elle prenait toujours soin de suivre. Cette lumière améthyste qui la guidait dans les moments difficiles de sa vie. Aujourd'hui en était un. Tant de réflexion internes ne pouvaient qu'aboutir à une décision.

"Je vous pardonne."

Elle avait choisi d'avancer. De se lancer dans l'avenir en oubliant derrière elle tous ces ressentiments. De faire un trait sur ce passé qui l'avait chamboulée. Oui, elle pouvait ressentir des sentiments négatifs. Le principal c'était d'arriver à les maitriser et à faire la paix avec. De rester celle qu'elle voulait être sans se laisser influencer par de mauvaises expériences. Pour être une meilleure fidèle, une meilleure amie mais également une meilleure mère.

Sur cette réconciliation, la Colombe reprit son envol. Ses ailes brillant d'une blancheur retrouvée.

Codage par Libella sur Graphiorum