Le poids de l'âge [Libre]

→ JUNLAHDWIIN : Chaque jour devient un vrai combat pour toi, prendre de l’âge c’est vraiment pénible. T’essayes de trouver la motivation de te battre contre ton propre corps, mais c’est pas si facile. Peut-être peux-tu trouver un moyen de combattre la douleur ? (250 mots minimum)

Junlahdwiin

Il s'était fait peur ce matin, Jun. Peut-être parce qu'il avait fait un peu trop froid durant la nuit, il avait eu énormément de mal à se lever, physiquement. Ses muscles avaient refusés de porter le poids de ses prothèses et de l'âge aussi, sans doute, le maintenant bloquer au sol avec une douleur qui lui remontait des pattes jusqu'au dos. Le mâle ocre avait bien cru à ce moment là que le jour tant craint était arrivé, qu'il aurait peut-être dû profiter de la patrouille faite la veille car elle aura été la dernière, parce que son vieux corps trop usé avait fini par lâcher.
Le vieux mâle avait finalement réussi, après un certain temps, à relever son arrière-train du sol et commencer la journée.

Jun n'avait pas osé se reposer où s'asseoir de la journée, par peur de rester sur place. Il le savait pourtant, qu'avec la mésaventure du réveil, son vieux corps s'en serait bien passé de cette journée forcée et il manqua pas de le faire remarquer le soir par diverses courbatures douloureuses. Si Jun n'avait jamais cessé de prendre les plantes recommandées par Kerguelen à son retour, il avait été contraint cette fois-ci de demander quelque chose d'un peu plus fort.
Il sentit comme une sorte de libération quand enfin si se coucha de nouveau. Les parties encore vivantes de ses pattes n'en pouvaient tout simplement plus, l'entièreté de ses muscles n'en pouvaient plus et il était évident qu'il aurait à nouveau du mal à se lever demain. La tête posée sur le sol, il lâcha un immense soupir, vidant ses poumons, dégonflant la masse de poil ocre et de métal qu'il était. Jun savait qu'un jour il ne se relèverait, se demandait même s'il aurait encore la force ne serait-ce que pour soulever cette colonne vertébrale factice qui lui écrasait poumons lorsqu'il était allongé. Ces prothèses salvatrices durant sa jeunesse représentaient aujourd'hui un fardeau bien difficile à porter -littéralement. Chaque jour était devenu lutte contre ce poids, contre la douleur et ses craintes, mentalement, c'était assez difficile à supporter également.

Parfois une pensée le traversait. Et si...
Et s'il arrêtait de lutter tout simplement ? Ne serait-ce pas une bonne chose de simplement accepter les faits du moment présent ? De répondre à ce besoin de repos plus en plus grand que réclamait son corps ?
L'idée effrayante, Jun n'était sans doute pas encore prêt pour ça, tant qu'il était encore capable, même avec difficulté de se lever. Elle n'en était pas moins attrayante. De plus, que laisserait-il derrière lui mis à part quelques connaissances amicales ? Ysée avait su se débrouiller pendant ses deux ans d'absence, Jun n'était pas parvenu à redevenir proche d'elle comme il l'aurait souhaité.
Il était de ces loups âgées qui vieillissait seul malgré la meute.

Peut-être devait-il répondre à cet appel au repos.
Peut-être.
Il souhaitait tout de même lutter encore un peu.

Junlahdwiin

Jun avait commencé à doucement s'endormir lorsque la douce voix d'Ysée exclamant son nom lui fit rouvrir les yeux et redresser les oreilles. Le mâle ocre resta coucher mais releva au moins la tête et pivota son corps lourdement pour s'orienter vers la frêle louve blanche qui allait à sa rencontre, non sans le grincement typique de ses pièces mécaniques qui accompagnaient le moindre de ses mouvements.
Il lui sourit, il était content de la voir, l'était toujours lorsqu'on venait à sa rencontre, l'était plus particulièrement lorsque c'était elle.

« La journée a été un peu chargée. »

Il l'avait chargé lui même, cette journée, craignant de s'arrêter définitivement.

« Ce n'est rien. »

Jun n'aurait pas voulu qu'Ysée se fasse le moindre soucis.

« Tu n'es pas allée au temple aujourd'hui ? »

Ça surprenait un peu le mâle ocre de la voir déjà au Dédale mais pouvait en deviner la raison. Si mentalement la jeune louve blanche était forte, il y avait des jours où le corps ne suivait pas, ce n'était un secret pour personne.

Junlahdwiin

Malgré tout, Ysée gardait une sorte de détermination et d'optimisme. Elle irait au temple demain, avait simplement prier au Dédale en compensation. C'est ce qui la rendait forte en dépit des apparences, elle affrontait la vie et ne se laissait pas abattre.
Elle avait tellement grandi, Ysée. Jun lui offrit un sourire, la voir ainsi lui donnait du courage pour lui même. Puis elle lui proposa de venir avec elle.

« Oui, bien sûr ! »

Jun n'aurait jamais pu dire non à quoique ce soit à la louve claire, encore moins avec cette expression là. Le mâle n'avait jamais partagé cette passion que les Nakhus avaient pour leur foi et la déesse Corneille, se faisait bien différent d'eux à ce sujet. Il ne s'était jamais rendu à un temple et avait encore du mal à considérer comme réel le fait que les divinités locales puissent exister tout comme les pouvoirs qu'elles offraient. Celui de Kerguelen, régulièrement utilisé et particulièrement démonstratif avait grandement aidé à lui mettre la truffe face à l'évidence mais Jun restait plutôt réticent.
Pour Ysée cependant, il aurait été prêt à faire un nouveau voyage sur les terres des Dires pour lui rapporter une fleur ne poussant que là-bas si elle venait le lui demander, se rendre avec elle au temple ne pouvait qu'avoir une réponse positive au vu de ô combien elle accordait d'importance à la Corneille.

Junlahdwiin

« Haha, je te fais confiance là dessus. »

Et puisqu'elle était là, les deux pattes sur son épaule, Jun accompagna ses paroles d'un petit coup de museau affectueux doux, prudent, retenu, le mâle ocre se savait parfois un peu maladroit dans ses gestes, de plus il n'oubliait pas les deux cornes qui ornaient sa tête, même si l'une était à demi brisée.

« Ne t'en fais pas j'ai tout ce qu'il faut, les Sortcelliers savent s'occuper des vieilles carcasses comme moi »

Un sourire encore, il ne souffrait que de vieillesse après tout bien que ses prothèses étaient un inconvénient conséquent, tout comme son obstination à ne pas se ménager.

« Oui, allons-y demain, on ne va tout de même pas se laisser abattre par un petit coup de moue d'un jour. »

Face à l'optimisme de la blanche, Jun ne voulait répondre que par de l'optimisme.