Déboussolé · Ted

-Ted-

Etrangement, cette nuit, Ted rêvait de Lùgh. La silhouette du loup beige, éclairé par une lumière irréelle venant d'entre-brume, voyageait dans la Sylve sans toucher le sol, à la manière d'un fantome. Et Ted le suivait, lentement : à chaque fois qu'il accélérait, Lùgh le fuyait. Mais lorsqu'il ralentissait, la silhouette aussi, le laissant apercevoir toujours la lumière chaude de son pelage. Le voyage était lent, et étrange, et jamais le mâle cornu ne se retournait. Même lorsqu'il contournait la scène, Ted n'arrivait jamais à voir son visage, comme s'il n'existait plus. Ils marchèrent un certain temps, avant que l'odeur métallique du sang n'affluent aux narines de Ted. Ce dernier s'arrête, en proie à une panique violente. Comme s'il savait ce qu'il allait trouver au bout du chemin.

Mais Lùgh continue, inexorablement. Et il est sa seule lumière : le chemin s'efface derrière lui. Panique, peur du noir -comme lors de ce cauchemar particulièrement vivide Ted est forcé d'avancer, de suivre. L'odeur de sang est de plus en plus forte, à laquelle se mêle celle de la putréfaction, de la pourriture et de la mort. Un son régulier émane d'entre les arbres, une sorte de choc sourd qui bat en rythme, qui le force à avancer. L'angoisse monte, il sent le moment fatidique arriver, et lorsque les arbres s'écartent et que Lùgh vient baigner une clairière de sa lumière chaude, il aperçoit enfin le corps. Un crâne à moitié décharné, découvert sur deux cornes mauves, des crocs découverts. Un pelage couvert de sang, des tripes ouvertes et noires de pourritures. Des vers grouillant dans le ventre, un festin pour le sol et pour l'oiseau noir qui picore régulièrement sur les os. Et deux yeux vides, étrangement conservés, qui ne laisse aucun doute quand à l'identité du mort : Teddy.


Il se réveille en sursaut. Dehors, le vent hurle, faisant entrer quelques flocons à l'entrée de la tanière chaude du solitaire. Il a cru qu'on appelait son nom ... Il se lève, encore embourbé dans son cauchemar qui a empoigné son ventre et refuse de le lâcher. S'avance vers la tanière, et sent soudain une odeur lupine. Il relève la tête : on l'avait bien appelé. Il sort sa truffe -non sans hésitation face au froid- avant de le voir, lui. Comme sorti tout droit de son rêve, Ted est presque surpris d'enfin voir son visage, même si ce dernier a l'air souffrant. Son corps est frigorifié par l'humidité et le vent, ses yeux le supplient de le faire entrer. Un murmure s'échappe de la gueule de Ted, encore engourdi de sommeil :


Il tend ses pattes pour attirer le solitaire dans son antre. Son esprit peinait à se réveiller, et est maintenant confus et fébrile. Le contact avec le mâle lui apporte un lot d'informations : il a froid, très froid, mais n'a pas l'air blessé. Ted l'incite à entrer à l'abris du vent, et va dégoter une étoffe (un bien grand mot pour la couverture rapiécée qui lui sert lorsqu'il a froid) pour la lui passer autour des épaules. Il frictionne le loup, oreilles en arrière, inquiet. Pourquoi n'est-il pas repassé, après avoir trouvé le corps de son amie ? Il est simplement ... Parti. Ted ne pensait pas le revoir un jour, s'y était fait, presque. Jusqu'à ce rêve, qui lui avait amené le principal concerné juste devant sa porte. Le sort était bien facétieux, parfois. Il reste silencieux, continuant son œuvre pour éviter à Lùgh l'hypothermie, mais relève le regard pour croiser celui du mâle beige, interrogateur.

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Le grand mâle brun n'est pas très doué en lecture des foules, mais il est aisé de deviner à quel point Lùgh se sent mal. Les regards vers le plafond et la voix enrouée de larme ne peuvent mentir, même à un manche comme Ted : il s'est passé quelque chose. Et l'inquiétude mange le ventre du solitaire, qui s'applique à ne faire ce que qu'il connait pour réconforter : apporter un semblant de confort physique, et écouter. Alors, lorsque la voix étranglée du beige émane de nouveau, il écoute. Et même s'il ne comprends pas, il ne cherche pas à comprendre plus, le laissant continuer son récit.

Chez lui, il mourrait. Et ici aussi, il était mort. Mais il était revenu, dans un corps de femelle. Du moins, c'était ce que Ted en comprenait, des bribes que voulait bien lâcher le beige, peiné par le mal du silence que le brun ne connaissait que trop bien. L'esprit de Ted bourdonne, à la recherche de quelque chose à se raccrocher, d'une information pour aider : une résurrection, un changement de sexe, qu'importe ! Mais rien ne lui vient. Et lorsqu'il croise le regard pâle de Lùgh, il sent son coeur se serrer. Il ne peut pas l'aider.

Si ! Il reste une chose, une dernière. Il ferme la couverture sur la poitrine de Lùgh et se retourne, lui laissant un semblant d'intimité en cherchant quelques affaires dans son fatras dérangé. Il en sort de quoi faire un feu, entreprise difficile au vu du temps. Mais le bois est sec, et l'espoir est permis. Alors qu'il se met à l'œuvre, il mâchonne un peu avant de tenter une réponse, d'une voix se fondant presque avec le murmure du vent :


Son regard glisse vers le corps du mâle changé en femelle, avant de se détourner, pudique. Ses pattes s'affairent pour faire jaillir une étincelle qui se change en feu. Il sort un petit pot de terre, qu'il rempli d'eau et qu'il pose sur le feu. Puis relève les yeux, gêné. Il ne sait faire que ça, Ted, agir en désordre lorsque quelqu'un était mal. Les oreilles couchées, la frustration l'envahit. Et soudain, une pensée à laquelle se raccrocher : qu'aurait-il aimé qu'on lui dise, lui, après que maman soit morte ?

Il relève les yeux, et vient poser une patte hésitante sur l'épaule frêle du beige. Il déglutit : l'exercice était difficile. Mais moins difficile que de porter une bûche à travers toute la montagne, comme ce que son père semblait essayer de lui faire faire. Il ouvre la gueule, et répond, mot-valises vides de sens mais pourtant qui résonnent tellement lorsque lui est piégé dans une spirale d'inquiétude :

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Le ..... mâle (?) hoche la tête, l'air épuisé. Ted hoche la tête aussi, les yeux un peu fuyant. Bon. Ca avait l'air d'avoir marché. L'état de Lùgh lui tordait le coeur d'une sorte de mélange de pitié et d'angoisse, mais il fallait aller au plus urgent : d'abord, le laisser se reposer. Il se détourne, toujours doux dans ses gestes, pour aller constater que l'eau mise sur le feu bouillait. Pendant ce temps, il garde une oreille dirigée vers le beige : il l'écoutait. Il lui parle d'if, de pommier, de rituel. Le corps n'est plus dans la Sylve, et Ted n'a pas voulu le ramener : Lùgh serait allé l'amener au cimetière, seul ? Le cendré s'était imaginé qu'il reviendrait le chercher mais .... Peut-être avait-il du faire ça seul. Pendant qu'il parle, ses pattes s'agitent, sortent un peu de thym et d'herbes mises à infuser dans l'eau pour en faire une tisane. Un remède autant du corps que du coeur.


Un murmure. Il s'était inquiété, un peu, mais ce n'était pas grave. Il y avait eu un mort, et ça c'était plus grave, mais ils n'auraient probablement pas pu l'en empêcher. Il se saisit du bol, et le tend au loup qui avait vécu le plus long des voyages, lui faisant signe de boire.


Il sourit, ne sait pas vraiment quoi faire d'autre à part lui offrir du repos, et une oreille à l'écoute, peut-être. Le choc passé, sa curiosité revient, un peu inquiète. Il existe en ce monde bien des magies qu'il ne connait pas, et ce Lùgh semblait les attirer : revenu à la vie par une malédiction, dans le mauvais corps, Ted ne s'imaginait à sa place. Il s'assoit, ne sachant pas vraiment quoi dire. Des questions seraient peut-être trop fatigantes, pour lui, mais il semble encore sous l'effet de la peur, de l'adrénaline de la course poursuite. Alors, Ted parle d'un peu de tout, un peu de rien :

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Il a l'air malade, Lùgh, et Ted se demande s'il devrait aussi apporter un bac juste au cas où il se décide à rendre un repas. Mais il accepte le thé : c'est bien. Ca le réchauffera, et le réconfortera. Enfin, c'est ce que Ted espère, parce qu'il n'a pas grand chose de plus dans sa besace émotionnelle pour gérer ce genre de situation. Déjà que la mort de l'amie du mâle crème avait été douloureuse, elle avait apporté son lot d'interrogations, mais alors là la transformation en femelle ? Ted se reconcentre pour ne pas laisser la culpabilité l'envahir. Il faisait ce qu'il pouvait. Ses parents lui avaient dit, parfois, faire ce qu'on pouvait suffisait. Il se sert une  tasse d'eau chaude également. Sa maman lui manquait.

La voix de Lùgh le sort de sa rêverie et de sa contemplation hypnotique des feuilles à la surface de l'eau frémissante. S'il connaissait d'autres infusions ? Il hoche la tête. Il n'en connaissait pas tant que ça pour leurs propriétés gustatives, plus en tant que remède. D'une voix lente, il continue :


Il remue son thé, absorbé par l'eau. Un semblant de normalité peut-être en cette nuit si étrange.


Il relève les yeux vers le mâle sous sa couverture. Il avait du miel mais en hiver, il était une ressource rare qu'il préférait garder pour les remèdes. Mais bon, face à l'état du beige, il pouvait bien se permettre une cuillère ou deux.

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Le beige a l'air de l'écouter en laissant son thé refroidir tranquillement, alors Ted continue. Il ne sait pas vraiment quoi faire d'autre, à vrai dire, alors il répond en hochant la tête à la question. Il était étonnant que Lùgh n'ai jamais vu de lavande, mais s'il venait du Nord peut-être moins. Ted en avait croisé plus au Sud, il en avait d'ailleurs ramené quelques branches qu'il avait laissé à sécher pour son projet d'herbier à peine entamé. C'est cependant la mention du mel qui allume la petite étincelle d'intérêt dans les yeux de Lùgh, qui avait l'air si abattu depuis qu'il était arrivé là. Ted n'était pas très doué, mais savait observer, au moins quand il essayait. Il savait maintenant quoi faire pour aider le beige, au moins pour le moment.


Il pose avec précaution son petit bol récipient d'argile en face de lui, conscient qu'il ne pourra en refaire un si celui-ci casse, et se lève sur ses hautes pattes. D'un mouvement souple, il se dirige vers sa tanière où il y farfouille quelques temps. Il en ressort avec dans la gueule sa sacoche rapiécée, qu'il amène près du feu. Là, il en sort un petit pot : ses restes de miel. Un morceau de bois sec fera office de cuillère : il ouvre le pot, y plonge le morceau de bois avant de le tendre à Lùgh pour le mettre dans son infusion. Il hoche la tête : ça sera meilleur ainsi. Et comme il est gourmand, au diable les précautions, le printemps sera bientôt là. Il prend un deuxième baton et fait la même chose pour son infusion, avec mille précaution face au précieux liquide doré.

Puis, il range soigneusement le petit pot avant de sortir un carnet rapiécé, à la couverture lourde. C'était là où il faisait sécher ses plantes, en attendant d'avoir un livre un peu plus subtanciel pour les annoter et les classer. Son herbier était une passion parmi les autres, avec son envie de compiler les aventures d'autres loups. Celle de Lùgh serait définitivement utile à a bibliothèque, mais ... ce n'était pas le moment de lui demander. Il feuillète lentement les pages, jusqu'à trouver ses brins de lavande séchés. Il s'en saisit avec douceur pour les lever à hauteur des yeux de Lùgh :

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Lùgh semble apprécier le goût sucré de l'infusion, tellement qu'il la lape à grosse gorgée. Ted baisse les yeux sur son livre, un sourire flottant sur ses babines. Il prenait ça comme un compliment pour le chef. Lui attendra que son infusion refroidisse : c'est comme ça qu'il pourrait mieux apprécier le goût sucré si rare en cette saison, et éviter de se brûler la langue. Il était prévoyant, et surtout, s'était déjà brûlé tellement de fois ... Une pensée horrifiante lui vient soudain : une fois dans le Nord, pourra-t-il encore faire des infusions ? Il faudra qu'il emporte de quoi en faire, là-bas ! Mais ses ustensiles étaient bien trop lourds, et son père lui avait bien appris à ne prendre que ce qui était nécessaire. Mais une bonne boisson chaude, dans le Nord, c'était nécessaire non ?

Ses pattes se posent à plat sur le carnet où séchaient la plupart de ses spécimens. Il comptait bien l'augmenter encore au fil de son voyage, mais pour cela il devait classer ces plantes là avant de partir. Un travail titanesque, qu'il n'avait pas commencé pour une raison simple : il avait peur de mal faire. C'était toujours pour ça qu'il remplissait carnet sur carnet, mais que pas un seul véritable livre ne trônait sur ses étagères, portant son nom. Il avait peur de mal faire. Il relève ses yeux vers le beige lorsqu'il parle, d'une voix déjà un peu plus enjouée, le museau mouillé par l'infusion. Ted baisse les yeux vers son livre, souriant, une sensation chaude au creux de son ventre. Il avait l'impression d'avoir aidé, un peu. Il tourne une page avec précaution, évitant de mettre de la terre sur le papier qu'il avait tant peiné à fabriquer.


Il sourit, le regard toujours baissé sur les plantes qu'il montre en tournant un peu le livre vers Lùgh. Ce n'était pas terminé. Rien de ce qu'il avait entreprit n'était terminé. Il s'éclaircit la gorge, la voix toujours basse, mais sans gène cette fois-ci. Même s'il n'avait pas fini, il était un peu fier de montrer ce sur quoi il travaillait.

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La silhouette du grand mâle brun penché sur son ouvrage ne bouge pas, mais son visage se fend d'un fin sourire. Ses iris se relèvent, et il détaille un moment Lùgh, fasciné par ses gestes qui reprennent peu à peu vie. L'infusion lui fait du bien, alors il le note dans un coin de son esprit comme un remède aux maux de l'âme, comme certain livres disaient. Il n'était pas assez bon médecin pour en connaître toutes les subtilités du jargon, mais lorsque le beige avait débarqué au refuge, coincé dans son corps de femelle ramené à la vie, aucun de ses livres n'avaient pu aider.

Ses yeux se baissent sur le livre et il se redresse pour prendre son infusion, lapant une gorgée dans le bol avec précaution. Il ne voulait pas renverser le précieux liquide sur ses bouquin, ça serait quand même sacrément stupide après le temps qu'il avait passé à fabriquer son papier. D'une oreille, il écoute la voix de Lùgh, soulagé d'entendre un peu plus d'énergie qu'avant. Il récolte les informations : le beige dessinait, apparemment, et venait d'un autre endroit. Peut-être un endroit où les plantes n'étaient pas les même, puisqu'il n'avait pas reconnu toutes celles que Ted lui avait montré. Le grand brun reprend une gorgée d'infusion sucrée par le miel, laisse les saveurs glisser le long de sa langue avant de répondre, d'un ton doux :


Car par deux fois le mâle avait échoué ici, au refuge. Ce n'était généralement pas les loups ayant une maison qui terminaient ici, mais il avait dit être ... Quels étaient ses mots déjà ? "Puni de malchance". Peut-être qu'il était simplement perdu.

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Penn ar bed. Lùgh ferme les yeux et une expression douce se peint sur son visage. Ted, lui, se contente de la détailler, sentant que le sujet était cher au coeur du solitaire. S'il avait eu peur, un instant, qu'aborder le sujet de son chez-lui avec celui qui s'était perdu n'était peut-être pas une bonne idée, il en fut tout autre. Et la magie opère sous ses yeux, détendant les traits et la voix, qui vient cueillir Ted pour l'emmener loin, dans les contrées du malchanceux. Il lui parle de la mer, de la verdure et du climat doux d'un pays inconnu, encore plus au Nord ou bien à l'Ouest peut-être. Il lui parle d'un lac, d'autres peuples et de l'herbe, que Ted a presque l'impression de sentir, si assoiffé qu'il est de voir revenir le printemps.

Mais déjà, le récit est terminé, laissant un peu sur sa faim le grand lecteur qu'il était. Il baisse les yeux sur son infusion et en prend une gorgée, plus tiède. Le silence retombe et il se rend compte que peut-être, il devrait dire quelque chose. Ne pas demander pourquoi Lùgh a du quitter son pays, ce ne serait pas correct même si la curiosité le démange. Il hoche la tête, lentement, avant de répondre :


Il sourit, un peu amusé. Ici, le froid revenait tous les 4 ans, et Ted n'aimait pas particulièrement ça même si son pelage s'y acclimatait. Il préférait le printemps, les temps plus doux où les herbes et le papier séchaient mieux, et où il ne craignait pas de laisser moisir ses ouvrages. Il cille, laisse un silence passer avant de répondre, d'une voix qu'il essaye de garder neutre malgré sa difficulté à verbaliser ce qu'il pense :


Il fait un geste vague en direction du corps de Lùgh, le regard bas et les oreilles en avion. C'était peut-être trop tôt après le choc, pour en parler, mais Ted savat qu'à la place du beige, il aurait préféré se coucher en ayant de l'espoir plutôt qu'en ressassant ce qui s'était passé.

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Il le voit bien, Ted, que ses mots n'ont pas l'effet escompté. Ses yeux ambres détaillent les pattes de Lùgh, qui se sont remises à trembler, comme si malgré la chaleur du feu, du thé, de la couverture, le froid venait de l'intérieur. Il lui a parlé de l'île, et ... Oui, c'était à côté du cimetière. Une griffe tapote le bol en argile cuite. Le cimetière, que Lùgh avait mentionné déjà. Une deuxième griffe s'agite. Il l'avait mentionné parce que c'était là qu'il s'était noyé. La patte se serre autour du bol. Quel idiot. Il baisse le museau. A ses côtés, le beige tombe de sommeil dès lors qu'il n'est plus porté par la discussion. Alors, il se relève et annonce qu'il va dormir, laissant le grand Ted et la chaleur du feu.

Le solitaire hoche la tête, relevant les yeux vers le beige, la gorge nouée. Il n'était définitivement pas la bonne personne sur qui Lùgh aurait pu tomber : son père l'aurait probablement requinqué, entraîné son charisme et donné un but dans la vie. Mais le fils ... Il entr'ouvre la gueule, et laisse échapper un murmure :

Les ombres dansent sur le corps féminin du loup beige et blanc, que Ted voit du coin de l'œil se relever pour aller s'installer dans la tanière. Lui restera couché face au feu, regardant les dernières braises se refroidir et regrettant tout son saoul sa maladresse.