[Dough ft. Désastre] Bodies

La coutume le voulait en ce jour à la chasse, parmi les autres mâles de sa lignée comme de celle de son épousée.
Il s'était levé en même temps que la brume matinale et avait quitté son logis seigneuriale, foulant en de amples pas les landes et les plaines pour trouver ce bois où ils entameraient la traque des cerfs. S'ils étaient encore séparés par famille, chacun présent d'un côté de l'endroit, le cor qui sonna les réuni dans l'effort et ils s'y prendraient collectivement pour débusquer et attraper l'un des nobles animaux.
Il ne pourrait concevoir, Désastre, de rentrer sans venaison pour sa femelle.

Seul, il sait qu'il aurait pu avoir l'animal.
Mais il respectait l'alliance et les liens qui devaient établir cet instant.
Il montrerait qu'il était fort et fiable. Il en était capable, de ça.

Les sens aux aguets, il tourna la tête vers l'oncle à sa proximité et le seul autre mâle présent, Cookie n'étant apte à chasser par la patte folle qu'il possédait. Il hoche la tête, d'un bref mouvement, l'invitant à entamer la traque ensemble.
Allons-y.
Ses narines s'élargissent, ses pupilles se rétractent.

Désastre se met en chasse.

Il ne lui faut pas longtemps, pour qu'une piste soit flairée : à cet exercice, il se sait bon et la tâche est aisée.
Le museau relevé, Désastre se veut suivre celle-ci, les pas assurés et la queue alignée avec le reste de son dos, avant que sa tête ne vienne rejoindre cette basse disposition pour prendre l'air prédateur.
Jusqu'à ce que l'oncle parle.
Le jeune mâle s'arrête et se retourne.

« Bien. »

Il détaille l'expression de Dough, son regard et son sourire étrange. La question n'est pas énoncée comme d'habitude, Désastre comprend que quelque chose ne va pas.
A-t-il l'air d'aller mal ?
Il a le poil brillant, les muscles saillants, il mange à sa faim et sa situation lui convient. Donc, oui : il va bien et, aussi, il se sent bien.
Mettant en suspens sa traque, il se doit de demander :

« ...Tu crois que ça ne va pas ? »

C'est une erreur, de le penser.
Il doit le corriger.

Son regard détaille son oncle. Il ne comprend toujours pas, pourquoi il lui dit ça.

« J'apprends à la connaitre, elle ne sera bientôt plus une étrangère.
Mmh.
Je l'aime bien. »

Il ne peut toujours pas percevoir, pourquoi cette situation est un problème : il l'avait accepté, et s'y accommodait progressivement. Le nouveau quotidien formé avec la louve n'était pas quelque chose qu'il dépréciait, au contraire.

Lorsqu'il montre les crocs, son regard passent sur ceux-ci et en oublie la piste. Il les fixe, ne s'en détache plus, de ses crocs qu'il a dévoilé, de ses babines qu'il a retroussé, de ce qu'il articule et qui ne peut lui plaire.

« Elle te dirigera. Un jour. »

Quand sa mère lui cèderait le trône, c'est à elle que reviendrait la moitié de couronne. Il faut qu'il le rappelle, à cet oncle qui oublie ce qui est important. Par les mots, d'abord.
Par les gestes, s'il ne comprenait toujours pas. Il reste droit, les oreilles dressées, les épaules avancées.
Il avait été élevé prince. Par éducation, protègerait cette place.

« Mais moi, je serais ton roi. »

S'il fait face, lui aussi.
Il ordonnerait son respect, comme on lui avait jusqu'à présent tout ordonné. Il n'admettrait pas que l'on se refuse à elle : dès lors que furent prononcé leurs vœux d'union, elle avait cessé d'être étrangère pour devenir héritière.
Et sur ses babines qui se retroussent légèrement, sans doute va-t-il menacer ou prononcer autre mot.

Le réveil le rattrapa en cet instant précis.
Désastre s'en extirpa confus.