Un retour inattendu [Avec Ted]

La truffe au sol, le regard perçant chaque recoins du décors, Elely semblait en pleine chasse. Sa traque l'avait mené jusqu'au pied d'une immense montagne rocheuse, dont la paroisse, raide et menaçante, la faisait passer pour une petite fourmi à côté. Un sentiment étrange de méfiance l'obligea à ralentir le pas et à observer un peu plus en détail les alentours. Il y avait ici, comme une impression de déjà vu.. Un souvenir lointain et désagréable qui refusait de refaire surface.
Elle grimpa, sautant d'un rocher à un autre en repliant son corps et en poussant sur ses pattes. La pente était ardue et une simple glissade pouvait être mortelle, mais elle, elle y voyait quelque chose d'attrayant et même.. d'excitant. Pitaya à côté d'elle agitait ses ailes dans tous les sens, affolé dès qu'un caillou tombait de la falaise. Si elle dégringolait, il ne lui serait d'aucune aide et c'est ce qui l'effrayait le plus. La mort était pour elle un rival de jeu qu'elle prenait plaisir à défier chaque jour, mais pour le petit dragon c'était une angoisse pesante et constante.
Arrivée en haut, il ne lui fallut que quelques pas avant de s'arrêter, toute animosité dans son regard disparue. Il y avait dans cet endroit désertique un souffle de vie perdue qui lui fit remonter des souvenirs : elle revoyait son père, assis là à simplement regarder le paysage ou à l'observer elle avec un sourire, elle revoyait ses sœurs courir autour d'elle, la doyenne de la meute râler parce qu'ils faisaient trop de bruit. Comme un éclair dans sa poitrine, elle ressentit le sentiment chaleureux d'être entourée de sa famille, d'une meute. Ce fut semblable à une lumière vive et réconfortante qui la réchauffa un court instant. Une douceur éphémère qui s'effaça à la première rafale sur son visage, pour ne laisser que la triste réalité d'un vide froid et amère.

Pourquoi.. Pourquoi m'avoir emmené ici.. ?

Ses yeux se figèrent sur le sol, cachés par sa mèche de cheveux écarlate.

Cherches-tu à me faire souffrir ? N'est-ce pas suffisant pour toi ce que j'endure ?

La voix monte, petit à petit, sévère.

Tu es la seule responsable de ton mal être.

TU MENS. S'écria-t-elle soudainement en relevant le regard sur une silhouette qu'elle seule pouvait voir.

Des larmes perlèrent sur le bord de ses prunelles d'azur.

Si tu ne nous avais pas trahis, nous aurions encore tout ça !

Toi aussi, tu les as abandonné..

C'est de TA FAUTE ! Rugit-elle les crocs dévoilés, en position d'attaque.

D'ordinaire, les plumes se seraient déjà mise à danser mortellement autour d'elle mais son pouvoir lui faisait défaut.
La colère qui faisait trembler ses muscles se transforma en un sanglot retenu dans sa gorge.

Je ne les ai pas abandonné... Je ne les ai pas abandonné.. Marmonna-t-elle en fermant les yeux, les larmes lui roulant sur les mâchoires.

Un bruit la fit presque sursauter, elle qui avait l'habitude d'un silence interminable. Elle redressa la queue aussitôt pour faire face à l'inconnu qui s'approchait et d'un coup de patte, essuya toutes traces de tristesse sur son visage comme si rien ne s'était passé.

Son regard vide observa un inconnu aux tons sombres et orangeâtes, de taille assez grande et de musculature bien dessinée. Au vu des cicatrices sur son visage et sur son cou, il semblait avoir de l'expérience et pouvait représenter une menace pour elle. Cependant, son attitude gênée, presque soumise dévoila une faiblesse qui fit relever la tête, un peu plus fière, d'Elely. Elle n'avait pas l'habitude de croiser d'autres canidés, la dernière fois que cela s'était produit du sang avait coulé. Elle se rappela les leçons de feu sa mère Anianka et sa queue resta haute, derrière elle, tandis qu'elle arbora une attitude sûre d'elle.

... Bonjour.

Sentant le regard de l'inconnu peser sur lui, le petit dragon vint se poser sur le dos d'Elely et se cacha derrière son chignon écarlate.

Il est un peu timide, il ne faut pas lui en vouloir.

Elle plissa les yeux, méfiante.

Tu habites par ici ?

Ses prunelles d'un saphir insondable le dévisagèrent et elle constata non sans satisfaction qu'elle l'intimidait. Elle eut un sourire, bref, en le voyant si nerveux devant elle. Elle se sentait aussi charismatique que feu sa mère Anianka, la prêtresse de la beauté et ça ne faisait que grossir sa fierté personnelle. Elle qui ne s'était jamais sentie à la hauteur, auparavant.

Elle ignorait ce que c'était le refuge, un nouveau clan qui s'était installé à la place des Lazulis ? Peut-être que Rhaegar y était, ou Mildred.

Il y a qui dans ce refuge ?

Elle restait froide, Elely, c'était dans sa nature de porter un masque d'indifférence. Alors elle avait affaire à un noble chevalier ? Elle lui rendit un sourire, amusée par ses propos presque insultant.

Je n'ai nul besoin d'être secourue, rassure-toi Ted. Le rassura-t-elle d'une voix plus doucereuse.

Elle en avait des cicatrices elle aussi, elle avait fait couler plus de sang que le sien. Maintenant qu'il pouvait observer son corps gracile marqué par les combats il avait de bonnes raisons de se sentir bête, en effet.

Sa queue sinua comme celle d'un chat derrière elle et Pitaya, sur son dos, dévoila sa petite tête sur l'épaule d'Elely pour observer le grand loup. Elle tendit les oreilles en entendant certains noms et son cœur palpita notamment à l'un d'eux. Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas revu.. Onyx. Pourtant elle n'avait jamais quitté son cœur ni ses pensées, loin de ce continent.

Oui, je connais Teddy et Onyx.

Elle n'en révéla pas d'avantage, mystérieuse. Elle était cependant un peu déçue, de n'avoir entendu aucun nom de sa fratrie.

Ce refuge, c'est une sorte de clan, une nouvelle meute ?

Elle avança d'un pas, curieuse, son regard perçant celui son interlocuteur qui osait à peine la regarder.

Elle analysa sans difficulté que Pitaya l'intriguait et elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire espiègle sur le coin de son visage. D'un roulement de l'épaule elle fit bouger le petit dragon et il comprit alors qu'il était autorisé à s'approcher. D'un battement d'ailes il se posa sur le sol près des pattes de sa mère et avança à pas timides pour renifler l'inconnu, avec une distance tout de même raisonnable par méfiance.

Cela signifie qu'il n'y a aucun chef ?

Un sourcil s'était levé au dessus de ses yeux mi-ouvert, la mine perplexe. Comment un groupe pouvait-il vivre sereinement sans hiérarchie, sans règles ?

Vous acceptez n'importe qui dans ce refuge ?

Beaucoup d'interrogations, elle en était consciente.

Ouvert ? Alors il n'y avait aucune frontière, aucune réglementation, au final il ne s'agissait que d'un lieu comme un autre, seulement un peu plus peuplé, aménagé. Elely souffla par les naseaux calmement.

Non ça ira.. Je n'aime pas les gens, je préfère être seule.

Pitaya s' approcha un peu plus de l'étranger et vola jusqu'à son dos pour s'y poser et le renifler d'un peu plus près. Elely   fronça les sourcils en le voyant mais elle ne dit rien.

Vous acceptez même les Readers et les Etelkrus ?

Ça lui paraissait bien étrange comme concept, elle qui avait l'habitude de la survie en solitaire. Et surtout, elle connaissait le tempérament des readers et des Etelkrus, mélangés aux solitaires ce serait une bombe à retardement.

C'était au tour de Pitaya de séduire l'inconnu et le petit dragon y arrivait parfaitement. Elely finit par sourire doucement en le voyant inspecter, il était très curieux et tant qu'elle restait à côté, il savait qu'il ne craignait rien. Le jeune loup était totalement émerveillé et ne portait attention plus que sur lui, aussi la disciple de Moiro ne rajouta rien sur son interrogatoire et observa silencieusement.

Pitaya, c'est comme ça qu'il se nomme.

Le dragon piailla en réponse à son prénom et sauta sur la tête de l'inconnu pour malaxer ses cheveux avec ses pattes. Il n'avait pas le droit avec Elely alors il en profita cette fois sur quelqu'un d'autre.

Nous n'allons pas te retenir plus longtemps, Ted.

Elle fit un signe du museau à Pitaya et commença à tourner les talons.

Merci pour tes réponses et bonne continuation à toi.

D'un battement d'aile, le dragon s'appuya sur la tête de l'étranger et, un peu déséquilibré, il parvint à décoller et à s'envoler jusqu'au dos de sa mère, dégageant un parfum alléchant et fruité derrière lui.