Mental · Mentorat · Grimalk

Et enfin...
Il se fige quand montant depuis le sol humide, se révèle une odeur qu'il n'aurait plus cru sentir. Il s'est attendu à devoir la trouver à force de recoupement d'informations et de calibrage de trajectoire, de patience aidée d'un peu de chance.
Mais non, c'est bien sa fragrance, à peine remarquable à travers celle de l'humus et le fond humide de l'air, qui flotte là où son museau frôle des brins d'herbe.
Son cœur s'accélère un peu, mais Grimalk tempère ses ardeurs : il sait qu'il n'y a pas le droit et s'impose de ne pas faire d'erreur. Alors il s'assure d'abord de la fraîcheur de la piste, de son origine, rassemble à nouveau en les faisant défiler dans son esprit toutes les images et les fragments d'information qui datent de sa traque.

Et il se remet en marche, plus déterminé que jamais, mais toujours sans se précipiter.
Il sait que cela ne tardera plus.
Il suit sa piste, il la tient, et l'errance n'est plus possible : ce n'est plus qu'une question de temps et de distance.

Il va la trouver.

Les possibles cachettes sont toujours aussi nombreuses. Maintenant qu'il se sait proche, Grimalk redouble encore de vigilance - si cela est possible. Chaque ombre est un trou noir qui l'attire et dans lequel il jette toute son attention. Il ne trouve rien pour le moment, mais la cadence de son pas est presque enjouée tout en restant mesurée.

Dans sa tête s'affrontent idées et scénarios, tous dirigés vers la façon d'atteindre cette prochaine victoire.

Et soudain !
Il sait qu'il la tient. Le mouvement n'a pas échappé à son regard vif et tout son corps pivote dans sa direction. Ses yeux dorés verrouillent la cible, un élan d'énergie détonne dans ses muscles et le loup court presque en direction de la cachette de la louve, bondissant malgré son manque de légèreté, prêt à enfin s'annoncer.
Mais alors qu'il fait irruption dans l'ombre au creux des rochers, qu'il cligne plusieurs fois des yeux pour s'habituer à la différence d'exposition...
Il constate qu'il n'y a rien.
Perplexe, l'adolescent fronce le museau et lance ses iris de toute part, cherchant où peut bien s'être retranchée la louve. Son odorat est mis également à contribution alors qu'il hume chaque recoin, mais il doit se faire à l'évidence. Elle n'est pas là.
Et quand se lève pour un instant un doux souffle de brise, Grimalk comprend : ce qu'il n'a vu n'est rien d'autre qu'une touffe de longues herbes se balançant avec délicatesse dans le vent, lui rappelant la façon qu'avaient les longs poils de Nocera de flotter autour d'elle avec harmonie.

Une humeur mauvaise se lève au fond de sa poitrine et son regard se fait plus sombre. Il s'est encore laissé déborder, et il s'est précipité.
C'est une erreur, alors qu'il s'était juré de ne pas en commettre.
Le bout de ses griffes s'enfonce dans la terre quand il contracte ses doigts, mais le loup maintient encore cette chaîne qui musèle son esprit et ses ressentis. Il ne se laissera pas submerger. Hors de question.

Rien n'est perdu, il a simplement gâché un peu de temps et s'est fait une fausse joie.
Mais Nocera l'attend toujours non loin, et il doit la trouver.

A nouveau concentré sur la piste qu'il s'est échinée à trouver, Grimalk calme son rythme cardiaque un peu affolé et expire de longues respirations pour évacuer ce qu'il reste d'émotion forte. Une fois remis en phase avec lui-même et son objectif, il peut reprendre et il se laisse plus de temps pour simplement remonter l'odeur sur une plus longue distance avant de percer des yeux le paysage.
Et cette fois, c'est seulement quand il note que la fragrance se fait plus saturée et semble davantage persister autour de lui qu'il lève le regard sur l'environnement riche qui l'entoure, se mordant l'intérieur de la lèvre tant l'intensité du moment culmine et le crispe.

Il ne peut plus être loin, c'est désormais impossible. Cela ne sert à rien de continuer à avancer, il lui faut observer et accomplir.
Ce ne sera pas un mouvement qui la trahira, mais une teinte qui s'inscrit en contraste avec les tons chauds de l'aurore. Si le pelage de Nocera se confond parfaitement avec le ciel rosé et encore sombre, ce n'est pas le cas de la lueur pâle et presque lugubre qu'émane son glowstick vert. C'est très léger, à peine remarquable : pourtant il le voit, danser ce reflet sur la surface lisse et humide d'une pierre.
Grimalk se force à ne pas courir quand il s'approche à pas conquérants de la cachette qu'il sait être l'accomplissement de cet exercice.

Et c'est bien devant sa mentor et non une touffe d'herbe qu'il se trouve cette fois, quand il passe la tête pour découvrir sa silhouette si longtemps masquée à ses yeux.
Une onde de satisfaction se répand en lui et ses prunelles dorées étincèlent quand s'écartent ses babines.

— Trouvée.

Sa voix est grave et posée comme celle d'un adulte, mais bondissent quand même quelques accents enjoués qui trahissent une jubilation candide.
L'instant d'après, il s'est élancé pour essayer d'atteindre sa mentore, comme elle le lui a indiqué.
Et serait achevé cet entraînement.

Si Nocera tente de s'évader, Grimalk ne laisse pas la victoire lui filer entre les doigts une nouvelle fois.
Il parvient à refermer sans force ses crocs sur la louve et celle-ci s'arrête pour le regarder. Dans ses yeux, il y a autre chose que la déception de la veille. Et à ses mots l'enfant se redresse à son tour ; laissant un sourire prendre place sur ses lèvres noires.
Il a réussi à la satisfaire, à accomplir la mission donnée.
Et alors qu'il lui emboîte le pas en silence après avoir simplement acquiescé, il se sent déjà prêt à recommencer, demain et les jours suivants. A encore apprendre et prouver sa valeur.

Tout comme il doit se prouver à lui-même que celle-ci ne s'exprime pas qu'à travers la maîtrise de ses lames.