Paquet surprise - Blizzard

Le temps passait si vite !
C’était hier, il lui semblait, qu’elle découvrait avec émotion l’existence de cette petite vie, cachée dans un ventre encore plat et, plus caché encore, sous une longue cape sombre. Cette petite vie ainsi que tous les maux qui allaient avec.
Elle avait été bien malade, au début, épuisée et nauséeuse la plupart du temps.

En fait, si y’avait bien un mot pour définir cette aventure, c’était bien l’émotion.
Entre le moment où Onyx avait croisé Prudence enceinte de son petit neveu, celui où elle avait pris la décision de devenir mère aussi, soutenue et aidée par son meilleur ami, et toutes les étapes de leur parcours, celui où elle lui avait annoncé la bonne nouvelle, à lui mais aussi à son vieux père, qu’elle avait appris que cette vie n’était pas seule… Tous ces moments l’avaient profondément émue, et fait couler tant de larmes de joie sur ses joues.

Et maintenant…
C’était toujours avec émotion qu’elle voyait son corps changer, encore. Si certaines louves n’aimaient pas vraiment se voir grossir, craignaient de perdre de leur superbe (Salut Prudence) c’n’était clairement pas le cas pour la petite licorne.
Tout ça, ses flancs qui s’arrondissent et les mouvements de ses bébés qu’elle percevait de plus en plus, rendaient cette aventure plus concrète.
Devenir maman, c’était clairement la meilleure décision qu’elle avait pu prendre de sa vie, Onyx. Les petits n’étaient pas nés, encore, mais déjà, elle en tirait cette conclusion tant elle se sentait chanceuse de vivre tout ça.

Sa vie avait pris un sacré tournant, et c’était presque un euphémisme de se dire ça.
Y’avait son rapport aux Nakhus, qui avait changé, dans une certaine mesure. Il lui semblait avoir un peu mûri sur la question et de ressentir, à l’égard de cette meute, du concept de cette meute surtout, beaucoup moins d’hostilité.
Oh, bien sûr, y’avait toujours eu son amitié avec le vieux poto (Et père de ses gosses, accessoirement) Violette, mais, pendant des années, elle avait refusé de poser les pattes chez ces culs bénis.
Maintenant… Maintenant, c’était mieux.

La rencontre de Séléné, et le fait de recroiser Nocera avaient aidé à ça : Elle était alors venue de plus en plus ici pour aller voir sa nouvelle pote, qui n’pouvait pas faire beaucoup de route depuis qu’elle avait ses ‘tiots, trouvé près d’elle un soutien supplémentaire dans cette aventure dingue que la licorne s’apprêtait elle même à vivre…
Puis aussi, quand elle avait demandé à Vio’ de lui donner des gosses, et qu’elle avait espéré de lui qu’il soit un père, et pas juste un géniteur, elle avait aussi accepté l’évidence : Les petites vies qu’elle portait ne seront pas des solitaires purs et durs, et c’était pas grave, tant qu’ils étaient heureux.
Et ils le seront, heureux, avec des super darons comme eux, des copains pour jouer et…

Et un papi, quand même, elle l’espérait.
Y’avait bien des signes qui étaient là pour la chagriner, plus de fatigue, un déclin qui se faisait de semaines en semaines. Mais lui qui avait été si heureux de découvrir ses petits enfants, putain, c’était pas concevable qu’il puisse partir sans les croiser, au moins.
Ca aussi, ça lui faisait prendre conscience d’à quel point le temps passait vite :
On pouvait se coucher un soir en étant le bébé de son papa, et se réveiller, le lendemain, devenir adulte en ayant, au fond de soi, l’impression triste de ne pas avoir pu profiter assez.

Ce qui était bête, et un peu dégueulasse à penser : Par ce qu’elle était chanceuse, Onyx, d’avoir pu connaître son père, l’immortel, aussi longtemps, d’encore pouvoir se lever le matin et goûter au bonheur simple de l’apercevoir, au refuge.
C’était quelque choses que d’autres n’avaient plus depuis longtemps et que certains, comme sa petite Mimi, n’avaient, même, jamais connu.
Mais l’idée qu’il puisse partir, dans un futur plus ou moins lointain, et qu’il ne soit finalement pas l’immortel qu’il avait parfois, fièrement, prétendu être, la rendait très triste et faisaient naître, entre ses sourcils, un pli soucieux.

C’était la fin d’une génération et le début d’une nouvelle, peut-être.
L’ordre naturel des choses, en soi, et elle n’y pouvait rien, à moins d’y glisser un peu de sorcellerie. Mais elle avait vu, déjà, qu’on ne jouait pas contre la mort et n’avait, d’ailleurs, rien trouver de probant, concernant une véritable immortalité à offrir.
Son père le voudrait-il, de toutes manières, après avoir perdu sa mère quelques années plus tôt ?

Elle pinça les babines.
Par chance, son arrivée dans la bibliothèque mit fin à ces sombres pensées, bien différentes de celles, heureuses, qui l’avaient animée au début de sa marche.

Il ne lui avait pas fallu longtemps, à la licorne, pour qu’elle décide que, finalement, elle n’attendrait pas la naissance de ses bébés pour acquérir de nouvelles compétences en matière de soins, et c’était, d’ailleurs, précisément pour cette raison qu’Onyx était venue ici.
Et aussi, ‘fallait bien l’avouer, dans l’espoir de pouvoir s’aider un peu, à mettre au monde ses deux p’tits loulous en pleine santé, et pas se retrouver à trop morfler pendant des heures comme ça avait du être le cas pour sa copine Séléné.

Par où commencer ? Par elle, ou pour les autres ?
Pour une fois, Onyx fit un choix égoïste : D’autres, y’en avait pas pour le moment, qui allaient devoir mettre bas d’ici quelques semaines.
Alors la licorne se mit en quête d’un tabouret, de quelque chose, au moins, qui lui permettrait d’attraper les ouvrages qui l’intéressaient, ceux qui n’était pas forcément rangés pour être accessibles pour les momes, quoi.

Ca existait, d’ailleurs, des mômes avec une grande passion pour la médecine ?
…
Quelle drôle de question, à laquelle elle reviendra plus tard.

Ah, ce tabouret là ne lui semblait pas trop mal, assez stable pour qu’elle ne perde pas l’équilibre et, par conséquent, ne se casse pas la gueule par terre avec fracas. Ce qui était, curieusement, une perspective plutôt cool.
Tentant (en vain), de ne pas faire trop de bruit, la petite louve le poussa vers le rayon de bibliothèque qui l’intéressait davantage.

Y’en avait, ici, des bouquins sur l’herboristerie et sur plein d’autres sujets, d’ailleurs, c’était fou, et vraiment cool !
Elle laissa quelques livres tomber au sol, faute de pouvoir descendre avec et les déposer soigneusement, vu leur poids, pour les consulter une fois sa sélection faite.
Maintenant, y’avait plus qu’à se trouver un petit coin tranquille. Sur ces coussins là, par exemple. Le voyage l’avait fatiguée et elle ne disait clairement pas non à ménager son pauvre dos rendu douloureux par la présence de ses tous petits pas si petits.

Oh, d’ailleurs, y’avait visiblement des exercices pour ça, sur les pages de ce bouquin là. Mais pas que, il était riche en informations, et Onyx espérait parvenir à retenir le plus important…
… A moins que les Nakhus acceptent qu’elle l’emprunte. Elle le ramènera plus tard, ça avait jamais été son genre de piquer des trucs aux autres, il lui semblait pas avoir déjà volé quoi que ce soit.
Bref, elle se perdait encore en réflexions. C’était bien son problème, ça, une concentration parfois difficile.

Oh, y’avait aussi des trucs pour accélérer la mise bas. Trop cool.
Elle avait bien réussi à redéclencher ses chaleurs grâce aux plantes, donc pourquoi pas aider son corps par ce biais également ? Par ce que bon, à moins de trouver une potion magique pour pousser soudainement…
Il lui faudrait trouver des feuilles de framboisier. P’tet qu’elle pourrait solliciter Violette après lui avoir parlé de ses lectures.
Y’en avait, des framboisiers, dans les champs mystiques, et si il pouvait aussi lui ramener des framboises.
Elle en avait tellement envie.
Et n’était-Elle pas, surtout, encore en train de penser à autre chose qu’à ses lectures ?

Si, complètement.

Bon, surtout, visiblement, pour que ce soit pas trop chiant et pas trop en chier, ‘fallait se détendre, c’est ce qu’ils disaient aussi, les bouquins, et, effectivement, ça lui fera pas de mal. Onyx était d’un tempérament tranquille, optimiste mais la mise bas lui faisait toujours un peu peur, et un peu plus, alors qu’elle approchait, qu’elle voyait son ventre grossir, de plus en plus, et qu’elle s’imaginait la taille de c’qu’elle allait devoir sortir (!!)
Du calme, il avait dit, le bouquin. Des p’tits exercices de respiration, comme remplir ses poumons d’air, fermer les yeux, penser à autre chose comme, par exemple, au bruit des vagues qui venaient lécher le sable.
Relâcher son souffle, comme la pression.

Ca ira, c’était ce qu’elle aimait se répéter.
C’était ce que lui avaient dit ceux qu’elle aimait, et qui l’aimaient aussi, apparemment, et ils avaient probablement raison. Ca n’servait à rien de crier avant d’avoir mal.

Onyx, se leva rapidement pour aller prendre de quoi noter et noircir des feuilles de quelques notes décorées, avec amusement, de petites lunes et étoiles dans la marge.
Marcel, posé sur son épaule depuis le début, s’était assoupie et, concentrée par ce qu’elle faisait, elle aurait presque pu ne pas la sentir arriver, la fille de son pote.
Mais ça, c’était sans compter sur sa capacité à se laisser dissiper.

Alors Onyx redressa la tête, sourire aux babines.

- Eeeh salut Blizzard ! Tu vas bien ? Tu t’plais bien chez les Nakhus ?

Elle regrettait parfois de ne pas avoir davantage cherché à connaître les gosses de son pote, par ce qu’elles étaient mignonnes, ses filles… Mais elles étaient, surtout, arrivées à un moment ou Onyx subissait encore, mentalement, la tristesse de ne pas pouvoir adopter.
Ca avait du jouer.
Puis ça servait à rien, d’avoir des regrets, c’était pas trop tard pour mieux connaître la gosse.

Moh, elle était mignonne, cette gosse.
Bon, ok c’était plus vraiment une gosse, mais si, en fait : Par rapport à elle, en tout cas.

Tactile aussi, Onyx la laissa lui toucher les cheveux.
Elle remua la queue et rit.

- Yep ! Ca m’donne un air plus sérieux, plus adulte, tu trouves pas ?

Ouais, bon, non, elle avait pas trop d’espoirs pour ça. C’était dur, d’être pris au sérieux lorsque l’on faisait la moitié d’la taille d’un adulte standard et qu’on devait se dévisser le cou juste pour regarder un pote dans les yeux… Mais bon, ‘fallait bien qu’elle chope les moindres miettes de crédibilités qui s’offraient avec, sous peine de s’faire victimiser par des gosses possiblement plus grand qu’elle.
Bref.

Onyx hocha la tête avec enthousiasme… Ce qui ne plut pas beaucoup à Marcel, réveillé par ce mouvement auquel il ne s’était pas vraiment attendu.

- Oups désolée Marcel !

Elle tapota doucement le dos de son petit merle, ronchon.

- Ouiii du coup ! Dans quelques semaines, ils seront là. T’es contente ? Tu joueras avec eux ? J’suis sure que t’as plein de trucs à leur apprendre, en tant que grande soeur.

C’était chouette, que les petiots qu’elle portait aient des grandes sœurs : Onyx aurait kiffé connaître les siennes… Mais bon, elles avaient disparu bien avant sa naissance.
Ce n’sera pas le cas, là (Encore heureux) et la licorne se réjouissait de voir une grande famille.

Le visage de la licorne se fendit d'un immense sourire : Ses p'tits allaient pas s'ennuyer, ça, c'était certain !
Pour ce qui était des sexes des bébés... Elle avait cette certitude d'avoir, au moins, un petit garçon sur les deux, sans pouvoir l'expliquer. Est ce que ça changerait quelque chose, de toutes manières ?
Filles ou garçons, ils seront aimés de la même façon.

- Peut-être ou peut-être pas ! On peut pas savoir, avant qu'ils soient nés ! Toi, t'aimerais des p'tites soeurs ?

Par ce que si y'en avait pas, faudra se plaindre à Violette, pas à elle.

Onyx pencha la tête sur le côté.
L'obtention de son glowstick remontait à un paquet d'années ! Pourtant, elle s'en souvenait comme si elle avait eu lieu hier, de c't'épreuve.

- C'est ma force mentale, qui a été mise à l'épreuve. Ao m'a mise face à une situation horrible à vivre... Mais j'ai réussi à n'pas sombrer, c'est ce qu'elle cherchait, je crois ?

Elle sourit.

- De toutes manières, tous les Dieux ont des attentes différentes. Si Yurai t'a donné sa lumière, c'est qu't'es sur la bonne voie.

Onyx lui adressa un clin d'oeil, complice.