nénuphars sous la cascade — Violette

Priam avançait prudemment. Ses oreilles se redressaient à chaque bruit suspect ou dès que les oiseaux se faisaient un peu plus silencieux. Sa nervosité se visait via son pouvoir, Mistigri était accroché à l’une de ses pattes.
Respires, Priam, ce n’est qu’une petite sortie comme une autre.
Débouchant sur un lac, le Nakhus s’arrêta, grattant sa joue (tic nerveux). De l’autre côté de la rive, il aperçu quelques lapins. S’asseyant au bord de l’eau, le jeune loup ferma les paupières, essayant de se relaxer tant bien que mal. Si rien de bizarre ne lui était arrivé pendant le trajet, c’était pas ici qu'il se passerait un truc.
Commençant à somnoler, la Licorne se tourna vers les fougères qui s’agitaient. Il coucha son corps au sol avant de se redresser.

« — Oncle Violette ? »

Un sourire vient étirer ses babines.

Son Oncle semblait aussi de le voir. Priam vint serrer Mistigri entre ses pattes, essayant de se concentrer sur la discussion pour ne pas stresser à cause du moindre bruit autour de lui.

« — J’essaye d’explorer un peu… Je ne suis pas beaucoup sorti des terres Nakhus. »

Son museau se tourna vers la cascade.

« — Et puis… je trouvais ça cool de voir le temple de la déesse de Tante Onyx ! »

C’était aussi la déesse de son oncle. Rohlala, étais-ce pour cela qu’ils s’entendaient aussi bien ? L’adolescent sembla pensif un instant. Dans les livres ils évoquaient la dragonne comme une divinité ayant été trahie… plutôt solitaire.

« — Est-ce qu’elle est triste, Ao ? »

Est-ce que les autres arrivent à la faire sourire ?

La tape de son Oncle lui coupa le souffle. Priam vint se gratter la joue. Ao… cool ? Bizarrement, il la trouvait moins effrayante que Moiro ou Mido (ne comprendrait jamais comment sa grand-mère et sa mère puissent avoir ces couleurs). Le Nakhus prête une oreille attentive.
Courageux.
A h.

« — Dans les histoires de mon grand-oncle, elle paraissait assez triste… »

Avec l’histoire de dôme, de son prête qui l’avait abandonné. Priam serra un peu plus sa peluche contre lui. À la question, il réfléchit, son regard se perd vers la cascade.

« — ... peut-être… mais si elle aime les loups courageux, elle ne m’aimera pas. »

Parce qu’il était loin d’être courageux Priam.
Cette pensée le rend un peu triste.

Les autres étaient toujours surpris, lorsqu’ils découvraient à quel point le grand Priam était peureux. À quel point il se sentait mal, quand les autres étaient vexés. Étais-ce donc si mal en soit, de ne pas être quelqu’un de courageux ? L’adolescent écouta les paroles de son oncle. Oh.
Donc il fallait avoir un projet ?

« — T’avais quoi comme projet toi, Oncle Violette ? »

Est-ce que rendre les autres heureux c’était un bon projet ?
Trouver le moyen de les faire sourire, en passant du temps avec eux ou en leur faisant des madeleines ?
Au défi de son oncle, les oreilles du game se couchent sur son crâne. Il déglutit, fixant la cascade. Aller dans l’eau, cela ne l’effrayait pas… mais ce qu’il y avait derrière la cascade. Et si Ao le chassait, comme Mido qui aimait pas les loups bêtes ?
Et si…
Et si…
Priam secoua doucement son museau, ses babines s’étirant en un sourire.

« — D’accord ! »

Il devait arrêté de réfléchir. Priam se glissa dans l’eau (par chance sa grande taille lui épargnait la nage), s’approchant de la cascade. C’était bien plus intimidant qu’il ne l’aurait cru. Son museau se lève. Est-ce que ça faisait mal ? Probablement. Mistigri se glissa sous la cape. Le Nakhus jeta un coup d’oeil à son oncle, avant de souffler un bon coup. Fermant les yeux il se glissa sous la cascade, manquant de tomber sous le poids de l’eau. Rapidement, il se glissa sur la roche, trempée.
Un glapissement de joie qui lui échappe.
Il avait réussi !
Et maintenant ? Devait-il continuer ? Revenir en arrière ? Il faisait sacrément noir là-dedans. Priam s’appuya contre un mur, tendant l’oreille. Aucun bruit suspect. C’était calme ici.
Presque apaisant.
Mistigri s’agite doucement, faisant quelques pas mouillés.

Protéger ceux qu’il aimait. C’était plutôt un beau projet. Priam ne savait pas si il serait capable de recourir à la force pour protéger sa famille, il préférait ne pas y penser, parce que ça voudrait dire blesser quelqu’un… ce qu’il trouvait parfaitement horrible. Alors tant que pour le moment il pouvait tout résoudre grâce à un goûter ou des câlins, cela lui suffisait.
L’adolescent finit par se secouer timidement pour se sécher. Mistigri vint essorer son chapeau pelucheux. À la question de son Oncle, Priam réfléchit un instant. C’était comment ? À la fois effrayant et… cool ! Un sourire qui vient étirer ses babines.

« — Je pourrais le refaire ! Au début, j’avais peur de ce qu’il y aurait de l’autre côté et après… » Il marqua une brève pause. « … j’me suis dit que j’avais peur pour rien, c’est calme ici. »

Il s’assit.

Il lâcha un son étouffé à la tape franche de son Oncle. Son regard suit la direction pointée. Le temple était là-bas au fond. Être bleu s’était apprendre à ne plus avoir peur ? Priam aimerait bien ne plus avoir peur, être plus confiant.

« — Oncle Violette, tu m’apprendrais… tu sais… à ne plus avoir peur ? »

Il souffla, quelque peu anxieux à l’idée de demandé cela à un loup aussi expérimenté. Le nom de tante Onyx est mentionnée, l’adolescent se gratta la joue un peu mal à l’aise. Il aimait sa tante, du peu qu’il l’avait connue, Priam en avait un bon souvenir, mais…
J’ai l’impression de voir maman.
Et j’ai peur d’être triste avec Tante Onyx, comme je le suis avec Prudence.
Pourtant, il ne veut pas admettre ça à son Oncle, se contente de sourire.

« — Si je la croise, je lui poserai la question ! »

Ce n’était pas une fausse promesse, Priam le ferait si l’occasion se présentait.

Son Oncle ne semble pas contre cette idée. Les idées de l’adolescent se couchent un peu sur son crâne. Oui, il n’en attendait pas moins, savait que ce serait difficile. Non seulement il devrait travailler pour combattre ses peurs, mais aussi pour s’endurcir. Pleurer moins facilement, accepter de tenir tête aux autres.
Ce ne serait pas facile.
Mais…

« — D’accord. »

Lui aussi voulait pouvoir être utile.
On pouvait être gentil et fort, non ?

Attentif, Priam suivit son Oncle. Ses oreilles se redressèrent lorsqu’ils passèrent une nouvelle fois sous la cascade. Au final… cela n’avait pas été si terrifiant. Ils commençaient par un peu de grimpe sur des rochers pour être en hauteur. Le Nakhus essayait de suivre au mieux le loup, pour ne pas perdre le rythme.
Et à un moment, il fit l’erreur de regarder en bas.
L’adolescent déglutit, se collant à la paroi pour se gratter la joue. Il sentait son coeur battre affreusement vite.

« — Dis Oncle Violette… on se fera pas mal si on tombe… hein ? »

L’information mit un petit temps avant de monter au cerveau de Priam. Donc là, si il glissait de son rocher, alors il finirait aplatit comme une crêpe quelques mètres en contre-bas ? Il déglutit, se collant un peu plus à la paroi, tandis que son oncle lui continuait de grimper. Se moquait-il complètement du danger ? Plus prudent, le Nakhus grimpa un peu plus lentement, prenant garde à chacun de ses gestes, se collant le plus possible aux parois rocheuses, jusqu’à rejoindre son aîné.
Diantre, qu’il avait mal aux pattes.
Essoufflé, il s’efforça de redresser la tête. Faut dire qu’il était pas sorti beaucoup le loupiot ce qui expliquait que bien que grand, il avait la carrure d’une crevette.
Remonter la rivière.
Peut-être étais-ce le manque de sucre (après tout il n’avait pas pris son goûter du matin) qui faisait que Priam mettait un peu plus de temps à comprendre. Pour lui déjà, grimper jusqu’en haut ça avait été suffisant fatiguant et il aurait probablement des courbatures pendant plusieurs jours… mais alors si en plus il fallait remonter la rivière. Aurait-il la force de rentrer chez lui ? Il inspira profondément, ses oreilles se penchant légèrement vers l’arrière.

« — Rien ne te fais peur, Oncle Violette ? »

Comment étais-ce possible ?
Hésitant, Priam le suivit dans l’eau, sentant ses pattes se faire tirer vers l’avant par le courant. Il devait mobiliser toutes ses forces pour ne pas se faire emporter. Serrant les crocs, il fit un pas après l’autre, gardant toujours au moins trois pattes sur le sol pour avancer.
Bon sang, c’était aussi compliqué de devenir un peu plus fort ?

Par moments, Priam était tenté de faire des petits sauts, pour avoir un peu plus de force pour avancer… mais cela aurait été dangereux n’est-ce pas ? Le courant aurait eu raison de lui et il n’y avait beau qu’y avoir que de l’eau sous la cascade… cela restait quand même une bonne chute.
Il est quelque peu surpris par la réponse de son Oncle.
Avoir peur pour les autres.
L’image de ses mères, de sa soeur s’implante aussitôt dans son esprit. Il avait toujours peur pour elle, parce que elles semblaient si sûr d’elles, comme si rien ne pouvait leur faire mal, quand lui une simple écharde l’aurait fait paniquer.
Avoir peur pour soi.
Les blessures, la solitude. Priam avait peur de toute cela. Mistigri tira un peu sur les pans de sa capeline. C’est pour cela qu’il utilisait le plus possible son petit pouvoir sur sa peluche. Qu’il passait autant de temps que possible en territoire Nakhus.
Pour ne pas être seul.
Pour se convaincre qu’avec les autres il n’avait pas de raison d’avoir peur.

« — Moi, j’ai peur tout le temps. »

Priam se stoppa, luttant contre le courant.

« — J’ai peur de blesser les autres.
Parce que je ne veux pas être méchant avec eux.
Personne ne mérite ça.
Mais… »

Sa voix se fait plus triste, alors que ses yeux deviennent humides.

« — … j’ai peur de ne pas réussir à protéger ceux que j’aime.
De ne pas pouvoir, parce que je ne suis pas assez fort.
De par ma nature de Licorne.
Les voir eux, devoir me protéger, ça me terrifie. »

Parce qu’ils prenaient des risques. Si à cause de lui ils étaient blessés ? Si à cause de lui, ils mourraient ?

« — Et me fais prendre conscience que je suis faible. »

Terriblement.
C'est un sourire triste qu'il adresse à son oncle, alors qu'il lève son museau. Une larme qui coule sur la joue de ses poils.

Rattrapes-moi.
Priam relève la tête sans comprendre. Pourquoi son oncle trouvait la situation amusante ? Pourquoi… pourquoi il se laissait tomber ? Le Nakhus met un peu de temps à comprendre. Le regard se porte vers la fin du court d’eau, si Violette tombait…

« — Oncle Vio- »

Une patte qui se tend.
Et l’adolescent semble enfin percuter, que son Oncle se dirigeait tout droit vers une chute peut-être mortelle. Oh non. Comment pouvait-il l’aider ? Que pouvait-il faire ? Affolé, Priam sent la panique monter à lui, son regard qui parcourt le moindre objet, le moindre détails, à la recherche de n’importe quoi pour se raccrocher. Son champ de vision se réduit tandis que son coeur martèle sa poitrine.
Que faire.
Que… faire ?
Que ferait Dysis ?
Penser à sa soeur, lui permet de se focaliser sur quelque chose, de pouvoir se calmer un peu. Un pas après l’autre, Priam sortit de l’eau, pour retrouver la terre ferme.

« — Ne réfléchis pas. »

Son regard focalisé sur son Oncle, le Nakhus fit un pas après l’autre sur les rochers, cherchant à suivre la silhouette du loup. Si il arrivait à prendre un peu d’avance et l’attraper avant qu’il ne tombe… alors tout irait bien, non ?

(Dé FOR pour rattraper papy Vio)

Priam se coucha sur un rocher, cherchant à saisir son Oncle. Il glisse un peu sur ses appuis, a du mal à se concentrer à cause du stresse. Ses griffes se referment sur la cape du loup, qui glisse aussitôt.
Il n'avait pas de prise.

Ça ne fonctionnait pas.
Priam voyait la cascade se rapprocher de plus en plus et ses plans qui tombaient à l’eau (au sens propre pour le coup). Son Oncle semblait particulièrement en danger dans son esprit. Que se passerait-il si il était blessé à cause de lui ? Que Marty et Mica se retrouvaient sans papa ?
Ce serait horrible.
Je serais horrible.
Le jeune Nakhus se redressa, faisant un bond sur un rocher avant de…

Sauter dans l’eau.
Si ils avaient réussi à remonter la rivière, alors pourquoi ne pourrait-il pas bloquer de nouveau ? Debout, Priam se dresse pour faire barrage. Ses pattes s’enfoncent un peu plus dans la terre mouillée, alors qu’il sert les crocs.
Quand le corps de son Oncle vient le heurter, il manque de lâcher. Faisant de son mieux pour tenir, au point d’ouvrir sa gueule pour crier.
Je ne veux pas qu’il soit blessé.
Priam fit un pas, contre le courant, poussant son oncle. Puis l’autre. C’était si dur. Il avait peur de lâcher. Le temps sembla s’écouler affreusement lentement, avant qu’il ne parvienne à coincer Violette entre des rochers.

Son corps tremblait à cause de l’effort.