Marianne [Libre]

Barthélémy

Barthélémy ne s'était jamais véritablement démarqué au cours de sa vie. Son père pourtant avait été un Raeder dont le nom avait résonné avec tant de sens à son époque et sa sœur Ann était Maître des Rituels même si elle s’apprêtait à passer le flambeau. Barthélémy lui n'avait aspiré qu'à sa petite vie tranquille, au moins il y avait eu Ortie et ensembles, ils ne s'étaient pas trop ennuyés. Ils avaient même fini par avoir des enfants, ils étaient grands maintenant bien que la timidité de Kelcie et Carter les faisait traîner encore un peu dans les pattes de leurs parents.
Indéniablement, Barthélémy avait vieilli et sous le poids de l'âge, alors que ses vieux os ne supportaient plus très bien les pierres glissantes et brises pattes du littoral de Morne-oeil, il sentait que le grand temps allait bientôt terminer sa course. Pour Ortie aussi, il sentait la fin de sa course, peut-être qu'il la laisserait un peu plus longtemps avec ses enfants, les mères étaient toujours plus proches que les pères de leurs enfants.

Barthélémy ne manquerait pas aux Raeders, son existence n'avait été que trop anecdotique. Ce n'était pas cette nouvelle génération qui allait se retourner vers celle d'une époque qui se terminait définitivement, avec lui barthélémy emportait les souvenirs d'une ère qu'on souhaitait oublier - après tout les petits jeunes avaient changé jusqu'à leurs symboles pour mieux s'accorder à leurs nouvelles valeurs.
Il y avait pourtant un être à qui le vieux loups savait qu'il manquerait. Les aras, surtout les chloroptères, avaient une espérance vie si grande comparée aux loups... Durant toutes ces années, Marianne ne l'avait jamais quitté, même s'il n'avait pas eu une vie bien palpitante, même si elle ne s'était entendu avec personne d'autres, ni les loups – peut-être un peu Ortie et les enfants tout de même qu'elle ne mordait pas systématiquement – ni les familiers même perroquets des autres Raeders. Quelques années de longue tignasse grisonnante n'étaient rien pour un oiseau comme elle, elle avait du le voir vieillir si vite.

«Ton rouge flamboyant va disparaître de leur ciel n'est-ce pas ? »

Pour une fois, Marianne est silencieuse, se contente d'être poser sur le dos du vieux loup face à la mer.

« Tu fais bien, tu as quitté les tiens depuis trop longtemps. Il n'y a rien d'intéressant à s'éterniser toute une vie ici. »

Elle ne l'avait pas été plus que ça, intéressante, sa vie. Pourtant, les Raeders en avaient vécu des choses mais Barthélémy n'avait été que ce personnage secondaire qui arpentait les plages, réparait les tonneaux, fabriquait la poudre à canon ou réparait le système à eau.

« Merci tout de même d'être restée durant toute ces années. »

Dans un ciel de fin d'après-midi, un oiseau s'envole.
Ses plumes sont d'un rouge éclatant comme le sang d'une blessure de bataille et ses ailes ont des couleurs d'émeraude.
Son cri résonne, une seul fois, au dessus du chant des autres oiseaux, strident, désagréable ce n'était pas un oiseau chanteur.
Il traverse la mer et ne se retourne pas, rejoint la terre. Ce n'est pas non plus un oiseau marin.
Dans le ciel de Morne-oeil, on ne l'y reverra plus, ni aujourd'hui, ni dans les prochains lendemains. L'ara emporte des souvenirs connus d'elle seule, s'est envolée avec l'âme liée.