Les travaux manuels, cela n’avait jamais été son fort. Pourtant, Narcisse se concentrait, s’efforçait de faire les choses bien. Bien que ne faisant plus parti des Etelkrus, il appartenait toujours aux disciples de Kiro.
Et n’avait pas oublié sa promesse, de lui faire un autel.
Levé bien avant l’aube, habitude du soldat, Narcisse avait laissé Mildred pour rejoindre le ruisseau qui s’écoulait non loin de leur abri. Un lieu de choix pour ce dernier, d’ici celle qu’il aimait avait toujours un regard sur l’île aux roses, quand lui demeurait à proximité des terres Etelkrus où résidaient sa famille et son dieu.

Le Koridé s’était roulé en boule dans un coin, le draginsecte lui grimpant dessus pour mieux voir ce que faisait l’hybride. Ce dernier avait rassemblé plusieurs pierres, branches, des pigments dans des demis noix de coco, des trophées de chasse, quelques lianes aussi, provenant des marais. Narcisse ne savait pas trop où il allait avec tout cela, pensait y aller à l’instinct.
Même si pour ce genre de chose, il aurait peut-être du se poser.
Maladroitement, il commence par empiler quelques pierres, comme une petite maison de fortune, donnant un peu de hauteur. Par dessus les fondations, il empile une pierre, plus plate, pour refaire une plus petite maison de pierre par-dessus. Cette simple tâche, lui prend une bonne partie de la matinée, ses longues griffes ne l’aidant pas.
Vous auriez désapprouvé, Pepper, que ces griffes servent à autre chose qu’à servir le clan.

Il marqua une pause, ses yeux dorés se posant sur le bandage à sa patte, cadeau de la fin de son entraînement avec l’alpha. Plus qu’une mentor, plus qu’un modèle… Pepper avait été un membre de sa famille.
Aurait-elle désapprouvé la manière dont évoluaient les Etelkrus ?
Aurait-elle désapprouvé qu’il quitte les Etelkrus ?
La queue féline se balance, un soupir qui s’échappe de sa gueule. C’était compliqué à estimer, encore une fois. Ce qui aurait été fait ou non. Ce qui aurait dû être.
Aux bases de l’autel de fortune, il place plusieurs branches, y enroule des lianes pour rappeler l’arbre au serpent. Protégé du vent, il y enterre délicatement des fraisiers. Une espèce particulière, dont-il avait trouvé les traces dans un livre Nakhus traitant des fraisiers. Une sortie dans les monts célestes lui avait permis de dénicher ces fraises alpines dont le fruit devenait jaune.
Au creux de la première niche de pierre, Narcisse y place un crâne de serpent, auquel il accroche tant bien que mal les plumes rouges que Phénix fait apparaître sur son corps.
Cela faisait penser à Quetzalcoatl et Phénix.
Aux deux frères.
Liés par un même dieu.

Y viendras-tu t’y recueillir, mon frère ?

Restait pour Narcisse, la partie la plus compliquée. Entre ses pattes, il tient une des noix de coco qui contenait les pigments. Maladroitement, il essaye de dessiner des formes.
Un serpent ocre qui faisait tout le tour de l’autel.
Plume rouge pour le Phénix.
Étoile rouge pour le frère.
Chauve-souris noire pour la mère.
Des marques de griffures, lui rappelant les cicatrices d’Anita.
Seuls les disciples ayant porté le jaune et ayant fait parti de sa vie sont représentés par ces symboles.

C’était moins glorieux que le temple.
Mais Narcisse y reconnaissait Kiro, au travers de tout cela.