L’œil du cyclone - Violette

Les terres Nakhus sont dans un état lamentable.
C’est super triste : Elle se souvient encore si bien de Kerguelen dans leur fabuleux jardin, à récolter des plantes pour en faire des remèdes, ou a prendre des boutures pour qu’ils puissent, eux, fonder le refuge.
De tout ça, de tous ces efforts, il reste si peu de choses.

Elle erre un peu, à la recherche de quelqu’un à aider, ou d’un visage connu. Il y a les odeurs de ceux qu’elle aime, qui vont un peu partout.
Ils se sont séparés et elle prie, si fort, Onyx, pour n’être privée d’aucun d’entre eux.
De sa soeur, de son p’tit loulou de neveu, de son fils, de Vio’, de Séléné, de Kerguelen, de…

La liste est longue.
La licorne hâte le pas, le coeur battant.

Son expression s’illumine lorsqu’elle aperçoit l’un de ses aimés, debout et bien vivant. Ses pattes font le reste et l’enlacent.

- Vio’.

Quelque chose de terrible vient de se passer.
Il n’a pas besoin de parler, pour qu’elle l’apprenne : Elle le connaît par coeur, Vio’. Il est bleu, comme elle, et les bleus n’peinent pas à ce point et n’tremblent pas sans raison valable.
Il s’est passé quelque chose de terrible et ça la terrifie, de découvrir le nom de celui ou de celle qu’elle ne verra plus jamais.

Leurs noms.
Prudence, Kerguelen.

Sa p’tite soeur est morte.
Elle peine à y croire, tant c’est violent. C’est un tsunami qui se lève et qui s’abat sur son petit corps. Elle n’a, cette fois, pas la force de se tenir droite, solide comme un roc.
Il l’explose en des milliers de morceaux qui se dispersent dans l’océan.

Elle hurle, elle hurle comme une bête qui se voit mourir, une bête que l’on torture et qui ne peut pas s’échapper.
C’est un réflexe animal, primitif, quand les mots lui manquent.

Prudence est morte.

Si elle ne tombe pas, c’est par ce que son ami la soutient.
La licorne n’a cure de ses larmes et de sa morve qui imbibent son pelage, ses cheveux : Son corps même lui semble être un élément abstrait, comme absolument tout ce qui peut l’entourer.

Il n’y a que cette douleur, insupportable qui la transperce et la vide, un peu plus à chaque instant, de ce qu’elle possède.
Les cris déchirants laissent place à un torrent de larmes. Elle tremble, de tous ses membres et disperse toutes ses forces, mentale y compris, au vent violent.
C’est un corps qui ne fait que faiblir, un coeur qui bat pour souffrir et des yeux de chat qui tendent, désespérément, d’extérioriser sa tristesse sans y parvenir.

Elle est bleue, pourtant.
Ses pattes s’accrochent faiblement à son ami, son meilleur ami, son point d’ancrage, son sauveur.

Le monstre qui sévit ici n’a pas le droit de le lui enlever, qu’il ne vienne pas non plus poser une seule de ses écailles répugnantes sur ses garçons, sur son neveu, sur ses amis…

Sinon
Sinon
Sinon…

La rage se mêle à la peine. Il y a toujours cette flamme en elle, elle la sent, brûlante et c’est elle qui l’a poussée à tenir bon lorsqu’Isrâ est mort-e, lorsque Papa et Maman ont été emportés par leur bel âge, lorsque Makuro perd la vie injustement…
Lorsque l’on lui prend Prudence.

- Pru’

Elle serre les crocs.

- J’ai b’soin de voir ma p’tite soeur.

Pour accepter.