Dévotion troublée [Priam]

ⱷ Dévotion troublée

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Après un repos plus ou moins correct (merci les cauchemars de Dragon agonisant), tu es redescendu dans la Vallée des Murmures. Tu t'es fait beau. Ou plutôt, tu ne veux pas te présenter à ta Dame Yurai dans l'état dans lequel t'a laissé l'Affrontement. Surtout que tu comptes lui demander de passer son Épreuve !

Tu as donc soigneusement nettoyé tes griffes, enlever la moindre tâche de sang et de boue de ton corps. Le plus compliqué a été de démêler ta fourrure. Heureusement, tu as pu compter sur l'aide de ton Adoré. Tu ressembles à une grosse peluche sur pattes maintenant.

En chemin, tu laisses ton regard farfouiller les hautes herbes. Tu t'arrêtes dès que tu aperçoit le reflet caractéristique d'une plume de Corneille. Tu les ramasses et les déposes avec beaucoup de précaution dans ta sacoche. Tu comptes en faire un petit autel là-haut. Pour que personne ne puisse oublier qui veille sur eux. Et pour prier et faire des offrandes aussi.

Tes yeux détectent une silhouette vaguement familière. Un autre Nakhu. Tu te souviens de son nom. Priam. Tu t'arrêtes pour l'observer. Tu hésites. Il semble aller dans la même direction que toi. Tu sais qu'il s'agit du demi-frère de Dysis. Tu aimes bien Dysis. Alors, par égard pour elle, tu vas sortir de ta bulle. Tu vas essayer de socialiser.

"Bonjour Priam. Tu vas toi aussi voir Dame Yurai ?"

Encore un petit effort et tu arriveras peut être à lui proposer de t'accompagner.

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Priam

Le dragon est mort. Le dragon est mort. Le dragon est mort.
Cela sonne encore et encore dans son esprit, résonne en lui. Le poids d’une terrible nouvelle en plus, sur ses épaules déjà fragilisées par ces derniers jours. Savoir qu’un être vivant avait péri, pour une raison idiote, briser un peu plus tout ce en quoi il croyait.
Le dragon est mort.
Priam a besoin de s’éloigner du plateau. Il ne veut plus voir ces mines graves et réjouies. Il ne veut plus rien voir. Ne plus réfléchir. Maintenant que les autres étaient rentrés, la mission donnée par Yurai n’avait plus lieu d’être.
Le dragon est mort.
Es-tu rentrée Yurai ?
Le grand loup avance, de cette démarche toujours hésitante vers le temple. Le regard est vide, il affronte la mort encore une fois, elle semble lui coller à la peau. Une voix qui m’interrompt, les oreilles qui se couchent sur son crâne, méfiant. Un autre Nakhus. Un de ceux parti délivré la mort.
Le dragon est mort.
Tu es un méchant toi.

« — … oui… je veux voir si elle est rentrée… »

… récupérer Mistigri.
Priam se tient là, silencieux. Plus grand que son interlocuteur de par sa grande taille… tellement plus chétif en terme de carrure.

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Les mots s'affichent sur les babines de Priam. C'est vrai qu'il est de nouveau Sourd. Heureusement que la lecture sur les lèvres est comme une deuxième communication pour lui. Il en retient un seul. Le dernier.

Rentrée ? Pour rentrer, il faut être parti. Et Stendhal a du mal à imaginer sa Déesse adorée s'en aller. Elle, qui veille avec bienveillance et amour sur leurs terres. Il ne voit qu'une raison aux mots choisis par Priam. La plus douloureuse.

"C'est normal qu'elle est ait besoin d'être seule après ce qui s'est passé pendant l'affrontement. Voir ses frères et sœurs pousser les loups de Punk Wolf à achever un animal ayant reconnu notre puissance et ayant fui, çà ne peut que faire mal au cœur."

Il ne peut que la comprendre et partager amplement sa peine. Il était lui même en plein désarroi de voir les Divinités piétiner les valeurs de la Corneille.

"Nous avions réussi. Mais ils ont préféré massacrer..."

Son visage se ferme. Tant de cruauté. Pas de clémence. Pas de seconde chance. Le contraire absolu de ce en quoi il croit. Et maintenant, que doit-il penser de ses congénères ? Il ne leur ressemble pas. Doit-il rester parmi eux ? Un lourd dilemme qu'il compte résoudre en devenant entièrement un fidèle de Dame Yurai. Auprès d'elle, il trouvera les réponses. Il en est persuadé.

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Priam

Priam sera les dents. Un méchant. Qui vient lui parler du dragon. Pire encore, qui pense que Yurai soutient cet acte.
Vous n’avez rien compris, pseudo Nakhus.
Vous n’avez rien compris à Yurai.

« — … ne me parles pas du dragon. »

Il n’y a pas de sourire cette fois chez Priam, ni de nervosité. Le côté Licorne refuse que la mort soit évoquée encore, ne veut plus l’entendre. Les yeux du jeune loups deviennent humides.
Tu m’obliges à réfléchir.

« — … comment peux tu parler de réussite ? Quand tu as contribué à le blesser ? Quand tu as regardé les autres essayer de le tuer ? Tu n’as rien réussi du tout. »

Tu es comme les autres, un monstre.
Il secoue doucement son museau.

« — … nos mères, Yurai... ce n’est pas ça qu’elles voulaient. Tu n’as rien réussi du tout. » Priam marqua une pause. « … c’est pour ça que Yurai est partie... »

Une larme qui coule le long de sa joue. L’absence de la déesse lui coûtait. Il avait tant de questions à lui poser.
Est-ce que Mistigri t’aide Yurai ?

« — … ne me parles pas du dragon. »

Il ne veut plus rien entendre à ce sujet.

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Tu ne t'attends pas du tout à cette réponse. Toi qui voulais bien faire, toi qui voulais te socialiser un peu par égard pour ton amie Dysis, te voilà bien reçu ! Tu t'en prends plein la gueule. Gratuitement. Par un Nakhu en plus ! Çà empire les choses. Çà agrandit la fissure de ton cœur.

Au début, tu penses que tu te trompes. Parfois, les erreurs peuvent apparaitre dans la lecture labiale. Mais le visage expressif du plus jeune est aussi clair que de l'eau de roche. Il n'y a pas de mauvaise interprétation possible. Tu sers bel et bien de punchingball au gentil Priam !

Sauf que tu n'es pas la Colombe. Tu es Stendhal. Un loup qui se débat dans une tempête d'émotions. Qui est traumatisé par l'Affrontement. Complètement paumé. Prêt à basculer si ces maigres repères s'écroulent.

Tu ne te laisseras pas marcher dessus. Tu n'es pas un paillasson. Priam a ouvert une brèche dans lequel tu glisses inexorablement.

Une fois la stupeur passée, tes répliques sortent de ta gueule. Toujours avec cette voix robotique et dénuée d'émotion.

"Tu te penses meilleur que moi ? Détrompe-toi. Tu es aussi cruel avec tes mots que nos frères et sœurs qui ont massacré le Dragon. Ecoute-toi parler. Tu oses me rendre coupable de l'absence de Dame Yurai."

Toi, fervent adorateur de cette Divinité. Toi, qui la prie chaque jour. Qui a baigné dans cette foi depuis ta naissance. Qui vient passer son Épreuve aujourd'hui même. Impossible ! Tu ne peux pas être le coupable. C'est trop facile de s'en prendre aux autres comme çà.

"Au cas où tu l'aurais oublié, c'est notre Déesse elle-même qui est partie chercher l'aide d'Aka et de ses Disciples. Ce n'était pas notre décision. Et sûrement pas celle de ma Maman. Vu qu'elle a disparu en voulant sauver la tienne. Alors, je t'interdis de parler en son nom."

Des larmes brillent au coin de tes paupières. Elles glissent sur ton museau au fur et à mesure de tes mots. Tu ne te fais pas à la disparition de la Colombe. Çà te remue violemment à l'intérieur. Tu refuses de lire que tu ne l'a pas bien représentée. Ce serait un échec qui te tuerait. Tu t'accroches aux paroles d'Onyx. Cette amie qui t'a dit que tu lui avais fait honneur en refusant de participer au bain de sang.

"Tu n'étais pas là. Tu n'étais pas à mes côtés à supplier les autres de laisser le Dragon s'en aller. Tu ne t'es pas tenu droit, à contre-courant, pour représenter Dame Yurai et ses valeurs. Tu n'as pas dû voir tous ces loups transformés en Monstres assoiffés de sang. Tu n'as pas été la cible du mépris et des insultes. Tu as préféré l'inaction. Alors, je ne te permets pas de juger mes choix. Préoccupes-toi plutôt de te rappeler les valeurs de notre Déesse. Où sont ton ouverture d'esprit et ta bienveillance ? Tu es comme les autres en fait. Tu profites de la gentillesse de la Corneille. Mais quand il faut se battre pour elle, il n'y a plus personne."

Petites larmes sont devenues rivière. Mais tu t'en fiches. Tu exprimes ce que tu as sur le cœur. Ce qui te pèse et te bouffe de l'intérieur. Et la réaction de Priam donne plus de puissance au mal qui te ronge. A ce sentiment d'imposture. De ne pas être à ta place. De ne pas réellement connaitre tous ces loups qui forment ta Famille depuis six ans. Parce qu'ils n'aiment pas la Corneille comme ils devraient. Parce qu'ils ont si facilement piétiné ses principes face au Dragon. Toutes tes convictions sont ébranlées.

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Priam

Je réfléchis trop Yurai.
Les larmes coulent le long des joues de Priam. L’échine se courbe, le corps est prêt à baisser les armes, mais Priam en a marre de se courber. Il en a marre de s’incliner.

« — … et où étais Tu quand Yurai avait besoin de toi ? »

Vous tous qui êtes partis. Lui avez vous parlé à Yurai ?
Le museau de la Licorne s’approche de celui du bicolore.

« — … tu n’étais pas là. Tu n’as pas vu la tristesse dans ses yeux. Elle a changé d’avis… mais plus personne n’écoutait… »

Il se souvient du câlin.
J’aurais aimé être votre peluche.
Un reniflement. Le corps tremblote, les griffes remuent nerveusement la terre. Il avait besoin de Mistigri.

« — … pourquoi pas ? Tout le monde pense savoir ce que nous ressentons parce qu’on a perdu nos mamans. T’en as ressenti de la colère toi ? T’étais content de le blesser le dragon, pour venger ta maman ? »

C’est ça qu’ils devaient ressentir ?

« — … t’es content qu’il soit mort ? »

Un autre reniflement.
L’autre l’accuse de n’avoir rien fait, n’a peut-être pas autant fait que ceux qui sont partis, parce qu’il ne cautionnait pas. Les Nakhus n’étaient pas là pour tuer des êtres vivants. Ni pour blesser.

« — … Tu ne sais pas ce que j’ai fais ici. Ne me parles d’inaction, quand je suis allée voir Yurai, quand j’ai du m’occuper de ceux restés à l’arrière pour construire un nouvel abri. » Priam souffla du museau. « Les valeurs de la déesse, c’est toi qui ne les a pas comprises. La bienveillance… c’est participer à donner la mort ? C’est ça pour toi ? »

Soit c’est toi qui n’a pas compris ce que c’était d’être Nakhus, soit c’est moi.
L’un de nous de trompe.

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"Occupé à survivre dans les marécages avec Nocera. Ou occupé à me préparer à cet affrontement qu'Elle nous avez demandé."

A préparer les filets et les EPI. A te noyer sous la charge de travail pour ne pas laisser place à la réalité du deuil. Pour ne pas t'écrouler et devenir un poids inutile. Un mauvais Nakhu, incapable de protéger sa Famille.

Tes yeux tout mouillés s'écarquillent lorsque Priam te balance sa bombe. Ta respiration se coupe un moment. Tu ne mets pas un instant en doute la parole de Priam. Trop confiant, encore.

"Quand ? Quand a-t-elle changé d'avis ? A qui en as-tu parlé ?"

Comment se fait-il que rien ne soit parvenu jusqu'à toi ? Pourtant, tu avais tes belles oreilles de lièvre à cette époque. Qui a donc pu cacher cette information capitale ? Auraient-ils pu éviter un tel gâchis ? Un tremblement te secoue en pensant à cette éventualité qui aurait pu tout changer.

"Oui, j'en ai ressenti. Je l'ai vu arriver sur nos terres. J'ai essayé de communiquer avec lui. En vain. Je l'ai vu s'attaquer à notre Eglise et ravager nos terres. Tous les efforts et les ressources des nôtres anéantis sans raison. J'ai assisté à la contre-attaque de Dame Yurai. J'ai compris qu'il était une menace pour nous. Mais mon plan initial n'était pas de le combattre. Nous devions nous rendre chez nos alliés du Nord pour trouver de quoi l'éloigner. Mais une autre décision nous a été imposée. Et j'ai refusé de laisser les Etelkrus défendre seuls notre terre. Parce que c'était notre combat avant tout. Parce que je suis las de voir les Nakhus traités comme de moins que rien. Nous ne sommes pas faibles et sans défense."

Tu détestes de plus en plus ce sentiment de mépris que tu lis dans le regard des autres. Tu veux rendre les lettres de noblesse à ta Famille. Montrer que vous êtes indépendants. Qu'ils se trompent tous.

"Non, je n'ai pas été content. Ce n'est pas çà que je voulais. J'aurai préféré que les Divinités ne s'en mêlent pas. Qu'elles le laissent partir. Cela m'aurait évité de ressentir ce dégout et cette horreur. De voir les nôtres sous une forme terrifiante. Et d'entacher la confiance que j'ai en eux."

D'en faire des cauchemars qui t'empêchent de dormir. Qui te mettent à cran.

"Tu parles du Plateau du Soleil ? Voilà un autre exemple du manque de volonté et de reconnaissance envers Dame Yurai de la part des nôtres. C'est un aménagement qui aurait dû être terminé depuis des années. Bravo à toi si tu as réussi là où Maman s'est démené pendant des années pour faire avancer les choses."

Tu es sincère. Tu la revois ta Colombe à se fatiguer à motiver les troupes. A faire toujours plus. A se tuer à petit feu. Sans jamais se plaindre. Tu ne veux pas revoir çà avec le prochain Oracle. Tu voudrais chasser les opportunistes. Ou partir ailleurs.

"La bienveillance ce n'est pas m'accuser de l'absence de la Déesse que nous vénérons tous les deux. Quand à donner la mort, je te répète que ce n'étais pas mon but. J'ai suivi la voie montrée par Dame Yurai. Parce que je veux protéger notre Famille. Et parce que nous sommes les gardiens de la paix de ce monde. C'est à nous de prendre des décisions à contre-courant et de nous opposer à nos congénères si besoin."

Et toi, tu as expérimenté ce rôle pendant l'affrontement. Tu as pu découvrir à quel point il est lourd et difficile à porter. Ton regard se glisse vers la silhouette lointaine de l’Église. Par cette épreuve, par cette détermination, tu es enfin digne de t'y présenter.

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Priam

La discussion était venue bien trop tard, avec Yurai. C’était sa faute à lui aussi, si elle était partie.
Je t’ai fait fuir.
Pardon.

« — … vous étiez déjà partis… les Etelkrus déjà avertis… » Un reniflement. « … il était déjà trop tard… »

… personne ne m’aurait écouté.
Les oreilles se couchent de nouveau sur son crâne. C’est une discussion qui leur pèse à tous les deux. Une grimace qui vient déformer les babines de Priam qui secoue doucement son museau.

« — … je… je ne vénère pas Yurai… je vénère la vie, ce qui l’accompagne… je veux entendre les gens rire, pas pleurer, je veux que tout les autres prennent encore le temps de manger des madeleines, pas de songer au prochain combat… je » Les larmes coulent sur ses joues. « … je voudrais être un bon Nakhus… mais j’ai juste l’impression d’être le pire… »

Cela aussi, c’est dur.
Pardon Yurai, pardon.

« — … à quoi ça sert d’être gentil quand il n’y a plus personne qui ne veut l’être ? »

Quand tous ne songent qu’à se battre.

« — J’en ai marre de pleurer tout le temps, Stendhal... j’aimerais juste pouvoir sourire… »

Pardon. Pardon. Pardon.
Il est terriblement triste ce sourire qui vient étirer ses babines, alors qu’il sanglote tel le grand enfant que jamais il n’avait cessé d’être.
Doucement il vient entourer ses pattes autour du coup de Stendhal, le sert contre lui. Une étreinte, comme il n’avait pas eu l’occasion de délivrer depuis Yurai. Là contre le bicolore, il ne retient pas ses larmes.
Maman… j’aurais tellement voulu te le donner ce dernier câlin. Pardon.
Le museau blanc s’enfouir dans le poil gris.

« — … Yurai… rentres à la maison… je suis désolé… »

Vous me manquez toi et Mistigri.
Rentres s’il te plaît.

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Tu apprends que Priam n'a parlé à personne du changement d'avis de Dame Yurai. Un froid glacial te parcourt. Cette révélation te choque. Tu as du mal à comprendre pourquoi il n'a rien fait. Ni même tenter de faire passer ce message. Elle l'avait quand même choisi pour faire entendre sa Voix. Ce n'était pas rien. C'était un pur gage de confiance digne d'un Oracle.

"Tu aurai dû venir. Je t'aurai écouté moi."

Tu aurais pu alors t'opposer fermement et physiquement au combat. Oh, tu n'en serais sûrement pas ressorti, mais c'était de la Voix de ta Déesse dont on parlait. Pour Elle, tu es prêt à bien des sacrifices.

"C'est à cause de ton sang de Licorne ? C'est pour çà que tu n'as pas agi ?"

Tu ne vois que çà comme explication. Tu ne peux pas accepter que ton congénère Nakhu se soit montré couard. Çà te décevrait trop et poignarderait ton cœur déjà si fragilisé.

"Papa aurait pu transmettre le message à Nocera. Nous aurions pu tout arrêter. Nous aurions pu éviter ce massacre."

Ton cerveau tourne à plein régime et te trouves de solutions. Mais c'est trop tard. Tu t'en rends bien comptes. Tu saisis surtout que tout çà n'a été qu'une avalanche d'Erreurs. Qu'il n'y a pas de Coupable. Mais plusieurs.

"Nous sommes tous fautifs alors. La Corneille, toi et moi."

Chacun à leur niveau, ils avaient fait le mauvais choix. Et ils paient douloureusement les conséquences. Est-ce çà la Rédemption ?

Tes pensées se figent lorsque ton cadet vient t'enlacer. Un geste complètement inattendu. Tu ne comprends pas ce qui se passe. Tu ressens juste ce corps plus grand que le tien, mais beaucoup plus fin, tressauter contre ta poitrine. Te voilà devenu un doudou. Et çà te perturbe beaucoup.

Tu n'as pas demandé çà. Pour toi, les seuls câlins que tu connais ce sont ceux de Maman et d'Holzër. Quel est le lien avec leur discussion à cœurs ouverts ? En plus, maintenant, tu ne peux plus lire sur ses babines. Il fait comme ton Adoré. Il se cache dans ton épaisse fourrure. Comme lorsqu'il a peur ou besoin de réconfort.

Mais vous n'êtes pas amis tous les deux. C'est même la première fois que tu converses avec lui. Tu n'oses pas toucher ce corps qui te parait aussi fragile que celui d'un louveteau. Tant de vulnérabilité.

"Les loups comme moi protègent les gentils comme toi. Sans gentil, je ne sers plus à rien."

Et c'est ce qui te fait peur. Car tu as découvert la face sombre de certains des tiens. Ceux que tu estimais et qui ne se sont pas montrés à la hauteur. Qui t'ont déçu et créé ce sentiment d'isolement. De perte d'harmonie.

Enfin, là vous deux, vous êtes bien en harmonie. A pleurer sur votre triste sort. A vouloir vos Mamans. Et votre Déesse.

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Priam

Venir. À cette idée, Priam sent son estomac déjà bien léger ces derniers temps se retourner, porte aussitôt une patte à ses babines pour éviter de rendre le maigre contenu de son estomac. La simple idée, de revenir en ces lieux maudits, de voir les autres blesser, porter atteinte à la vie du Dragon dans le but unique de l’anéantir.
Le sang.
Les cris.
La douleur.
Pourquoi ne les as-tu pas sauvé ?
Il sent son coeur tambouriner dans sa poitrine, vient serrer entre ses griffes l’attache de sa capeline. Quand c’est son côté Licorne qui est évoqué, le Nakhus se redresse.

« — … je n’aurais pas pu… me rendre là-bas… vous voir… le voir… toute cette souffrance… j’aurais pu… le défendre plutôt que vous… parce que vous lui faisiez du mal… » Les larmes coulent sur ses joues. « … ne me rappelles pas sa mort, s’il te plaît… »

Les pattes tremblent.
Bien sûr, qu’eux tous étaient fautifs. Ils auraient dû partir, loin de ces terres maudites. Construire ailleurs un nouveau foyer, un autre potager, un nouveau temple pour Yurai. Laissé cet endroit au Dragon, sans cherché à lui faire du mal… c’est cela qu’ils auraient dû faire.
Là le museau enfoui dans les poils foncés. Les oreilles remuent aux mots de Stendhal. Oui… c’était toujours les autres qui le protégeaient lui… parce qu’il était le fragile petit Priam.
Je n’arrive pas à les protéger.
Comment puis-je les protéger ?

ⱷ Dévotion troublée

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Tu as plus de mal à tout saisir cette fois-ci. Il y a trop de temps et d'hésitation entre les mots. Te voilà face à un obstacle que tu n'avais jamais rencontré. Tu ignores que les loups peuvent bafouiller. Cela créé des doutes dans ta lecture. Tu n'es pas sûr de bien comprendre. Mis bout à bout, ils ne veulent pas dire quelque chose de bien compréhensible. Tu pourrais demander de répéter. Mais l'état de Priam t'en empêche. Alors, tu décides de garder le silence.

Tu restes comme çà. Une peluche maniable à souhait. Presque un mouchoir. Toi, tu oses moins laisser couler tes larmes à flot. Le fils de Prudence n'a pas cette épaisseur de fourrure qui le protégera de la sensation d'humidité. Tu ne veux pas le salir. Alors tu te forces à calmer ta peine. Ou à essayer de dévier le ruissellement de tes larmes. C'est dur.

Tu t'inquiètes aussi qu'il ne s'étouffe pas dans tes poils. Tu guettes les mouvements de sa cage thoracique. Ils sont toujours là. Aussi irréguliers à cause du chagrin. Çà ne t'aide pas à contrôler ton propre chagrin. Mais il reste une personne qui pourrait vous apporter de l'aide. Celle qui nourrit ta Foi. Qui te rattache encore un peu à tout çà.

"Allons voir Dame Yurai. En combinant nos voix, elle parviendra sûrement mieux à nous entendre."

Elle ne laisserait pas deux grands enfants ayant perdu leurs Maman sans réponse, si ?

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Priam

Dis… Stendhal… tu crois que nos maman feraient quoi ?
Parfois, Priam essayait de réfléchir, à ce que Prudence aurait fait dans cette situation de crise. Se serait-elle opposée à ce qu’on touche au dragon, elle fascinée par tout ce qui était dangereux ? Aurait-elle simplement fermé les yeux face à cet acte ?
Je ne sais pas, maman, ce que tu en aurais pensé. En aurions-nous parlé ?
M’aurais-tu encore évité ?
À la suggestion de Stendhal, Priam se décolle, passe une patte maladroite sur ses yeux pour en essuyer les larmes. Il essaye de se donner une expression un peu convaincue, camouflant son stress.

« — … d’accord. »

Faisons ça.
D’un pas décidé, il se dirige vers le temple de la Corneille.
Répondras-tu, Yurai ?

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