Le rétablissement, s’avérait lent. La perte de l’audition, elle, était irréversible. Nirvana ne supportait pas cet état d’isolement complet, se retrouvé confronté à ses seules pensées, constamment, sans pouvoir entendre d’autres sons. Cela la rongeait, lentement. Lui rappelait toutes ces années, où seule Dairo vu sa source de réconfort.
Dairo.
Reviens moi, ma prêtresse.
Voir la Renarde, était là, tout ce qui la faisait tenir. Nirvana attendait de pouvoir remarcher convenablement, pouvoir se tenir droite sans que cela ne soit trop douloureux. Les nuits étaient de nouveau agitées par les cauchemars. La présence de Samaël, lui rappelle qu’elle n’est pas totalement seule, que même si elle ne l’entend plus cauchemarder, il y a encore son odeur. La brume a estompé le toucher, le goût. Un battement de cils.
Dairo.
Les paupières papillonnent plusieurs fois, afin de s’adapter à la lumière orangée du temple. Quelqu’un l’y avait-il amené ? Le coeur palpite, avant que la voix de sa déesse ne résonne. Suffise à apaiser ses peurs. Du soulagement dans ses yeux pâles, alors que ses traits semblent soulagés.

« — Dairo… »

Le soulagement précédemment ressenti, laisse alors place à un sentiment nouveau… quelque chose que Nirvana pensait ne jamais ressentir en ces lieux, moins encore aux côtés de la Renarde.
La peur.
Chaque mot, c’est quelque chose de plus qui se brise chez Nirvana. Chaque mot, c’est une douleur de plus qui traverse tout son être, fait trembler ses pattes, au point de l’obliger à prendre appui contre la fontaine incrustée de coquillages. Le dragon. Ah oui.
L’environnement chavire.
Son intervention avait-elle été stupide ? Quand elle avait empêché le dragon de se soigner de par ses cris… empêché de s’en prendre à d’autres qu’elle, permettant aux combattants de se concentrer sur lui. Étais-ce stupide ? Personne n’était mort, personne. Alors où était-elle la stupidité ?

« — … Dairo… »

Ce n’est pas digne d’une de mes disciples et encore moins de ma prêtresse.
Ces mots. Lui donnent la nausée.
Je ne comprends pas, Dairo. Je ne comprends pas.
Dairo.
Sans qu’elle ne se rende compte, ne puisse les contrôler, les larmes coulent sur ses joues. La peur déforme ses traits.
Dairo. Ne m’abandonnes pas. Dairo.

« — … tu me… rejettes ? »

La voix est brisée, le regard vide.
L’image de sa mère qui s’impose dans son esprit. C’est parce qu’elle les a abandonné eux, que Nirvana devait protéger ses frères, était prête à tout pour y parvenir.
Pour que eux ne ressentent pas l’abandon.
La peur.
Un bourdonnement qui résonne dans l’esprit de Nirvana. La voix de Dairo. C’est la seule qui lui est permit d’entendre à présent. La seule que ses dernières années lui permettront de connaître. Fébrile, la patte se lève vers la silhouette de la Renarde.

« — … Dairo… Dairo…. Ne m’abandonnes pas… ne m’abandonnes pas s’il te plaît… »

Je t’ai tout donné.
J’ai guidé les loups vers l’orange.
Je ne me limite pas aux terres Etelkrus pour trouver chez les autres ta couleur.
Dairo. Souris moi encore, s’il te plait.
Dairo. Écoutes encore mes histoires, s’il te plaît.
Dairo. Ne me laisses pas seule, s’il te plaît.
S’il te plait.
JE T’EN SUPPLIE.
Une fissure de plus, pour l’esprit, quand tombe enfin les dernières paroles.
Ne me déçois plus. Tu n’auras pas d’autre chance.
Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus. Ne me déçois plus.
La silhouette qui s’estompe, quand Nirvana elle enfonce ses griffes dans les coquillages, les fissurant. Les traits sont déformés par la douleur et le désespoir.

« — DAIROOOOOOOOO ! »

Ne m’abandonnes pas.
Ne m’abandonnes pas.
Sans toi…
Nirvana éclate en sanglots.

« — Dairo je t’aime. Ne me laisses pas. »

Ne me laisses pas seule.
Je ne veux pas être une déception.

Tu ne deviendras pas plus Lumière véritable.
Fruit pourri.
Tu ne seras plus Lumière.
La Brume l’avait-elle complètement détourné de Dairo ? Pourtant… pourtant… comment aurait-elle pu aider les disciples oranges, les Etelkrus sans la Brume ? Éviter que l’un d’eux ne succombe aux attaques ? Les protéger eux, ainsi que ses frères… les vivants… n’étais-ce pas cela qui importait au bout du compte ?
Je veux juste effacer vos airs tristes, Iberis, Iris.
Je ne veux plus que vous soyez blessé.
Je veux vous protéger, comme Hollyhock aurait dû le faire.
Je-
Aspirer à les protéger et servir sa déesse, étais-ce chose incompatible ? Tout donner pour sa famille, en espérant qu’ils ne soient jamais plus séparer… les faire passer avant tout, juste une fois…
Est-ce en ça que j’ai failli en tant que prêtresse Dairo ?

« — Pardon… d’avoir été une telle déception. Pardon. »

J’aurai voulu faire quelque chose de bien… au moins une fois.
Ne pas tout pourrir.
Ne pas être celle qui détruis.
Mais même te servir Dairo, je n’ai pas su le faire.
Nirvana essaye d’étouffer ses sanglots entres ses pattes.
Isolée de pas sa surdité, seule le silence résonne en elle. Seules ses cordes vocales bougent, elle les sent. Les larmes se joignent à l’eau de la fontaine, disparaissent dans l’orange. Le temps lui semble comme suspendu, alors qu’elle affronte son propre reflet dans la fontaine. Les cheveux blancs, jamais colorés pour se rappeler jusqu’où l’emprise complète de la Brume la mena.
Un glowtick vide de toute lueur.
Un coquillage brisé.
Pourquoi se battre pour une déesse, quand celle-ci ne veut plus de vous ?
Pourquoi s’y donner corps et âme, quand ce n’est pas ça qui est recherché ?
Je… n’ai jamais compris ? Toute ma vie… je n’ai alors fait qu’échoué ?
Étais-ce à cause de ce sentiment d’échec que leur mère les avait abandonné ? Ce sentiment d’échec, qu’Ibères s’était tourné vers l’entité et la Rose Stupide ? Étais-ce là un fardeau si lourd à porter… que l’on ne puisse supporter de vivre avec ?
Maman, je crois que je commence à comp-

Je ne t’abandonne pas.
Lentement, le museau se relève. Pense tout d’abord que cela n’est que le fruit de son esprit, de son désespoir, quand d’autres mots suivent. Un pacte. Sauver ceux qu’elle portait. Les enfants de Nael. Les siens aussi. Pourtant, cette possibilité, lui avait toujours paru si lointaine, si inaccessible. L’image d’une famille heureuse.
Cette peur incessante de reproduire les erreurs de sa famille à elle.
De voir tout cela s’effrité.
Que ce ne soit qu’un rêve impossible au bout du compte.
Nirvana se rend compte…
… que perdre Dairo serait mille fois plus douloureux que perdre ses enfants.
Perdre ce lien qui les unit depuis sa première année.
Son équilibre.
Son flambeau.
Une patte fatiguée qui se lève, pour s’appuyer sur son front, cherchant à chasser la terrible migraine.

« — … À quoi bon… à quoi bon qu’ils naissent, si je dois vivre avec le poids de la mort de mes frères sur la conscience ? »

Notre mère s’est suicidé.
Comment réussir là où elle a échoué… en restant loin de mes frères ?
Un reniflement.

« — … accepter qu’ils partent… pour Iris et Iberis… c’était mon choix, Dairo. Tu n’y pouvais rien. »

J’ai fais ce choix.
Pas toi.
Nirvana revoyait le sang, se rappelait de la douleur. Ceux qui savaient, le lui rappelleraient. Ce qu’elle avait sacrifié. Lentement, la petite louve se redresse, le regard vide. La Brume… même si elle ne serait plus employé, c’était trop tard, le mal avait été fait.
… tu le sais n’est-ce pas ?
J’ai fais ce choix.
Pas toi.

« — Le pouvoir du glowstick, cela n’a jamais rien représenté à mes yeux. Tout ce que je voulais, c’était montré aux autres que toi et moi étions liés.
Leur montrer à tous, quelle Lumière ils devaient suivre. »

Ai-je échoué, là aussi ?
Peut-être que tout ceci n’était que le fruit de son imagination. Un cauchemar sans fin, qui tournerait en boucle. Larme silencieuse cette fois qui coule le long de sa joue, lorsque le museau vient frôler la patte de la déesse. Les paupières se ferment.

« — Dairo… te servir, être à tes côtés, c’est toujours cela qui m’a comblé. Qui suffit à me rendre heureuse… peux-tu le croire ? »

Si tout cela n’est pas réel.
Alors l’image de cette patte tendue est le plus beau des rêves.
Ne m’abandonnes pas.

Nous serons toujours liées, tant que tu le décides.
Comment, comment Nirvana aurait pu choisir un chemin l’éloignant de sa déesse ? Après toutes ces années ses côtés, ne savait-elle pas Dairo, qu’elle était la plus importante de toute, plus que sa famille, plus qu’une âme soeur. Rien n’avait eu plus d’importance que la renarde, depuis leur première rencontre. La servir, fut le plus grand honneur, devenir sa prêtresse...
Les paupières sont à moitiés clauses.
Aux excuses de sa déesse, Nirvana secoue doucement son museau. Cela n’avait pas lieu d’être.

« — … Tu étais là. Dans l’obscurité, dans la lumière, tu ne m’as jamais abandonné, Dairo. » Une pause. « Alors tu n’as pas à t’excuser. »

J’ai failli à te servir comme tu l’entendais.
C’est à moi de m’excuser.
C’est une nouvelle mission qui lui est donné, quand son glowstick reprend sa lueur orange.

« — … Dairo… »

La Brume je n’en veux pas, n’en ai jamais voulu. J’ai accepté ce pouvoir, appris à m’en servir, pour défendre nos intérêts, pouvoir l’employer à défendre les oranges. Gardes-la.
C’est une mission si dure que tu me confies.
Comment puis-je prendre soin de moi… alors que-
Nirvana déglutit.
Quel saveur avait-il cet avenir ?
Je peux renoncer à tout, à tous mes liens… sauf au notre Dairo. Je ne peux plus me permettre d’empoisonner les autres, de les détruire de part ma simple présence.
Me reconstruire via de nouveaux liens ou en entretenant les anciens serait égoïste.
Je ne suis plus qu’un coquillage.
Vide.
Un sourire triste, alors que s’écoule les larmes le long des ses joues. Un sourire triste qui vient étirer ses babines.

« — … puisses mon successeur t’apporté ce que tu recherches, Dairo. Je prierai pour cela. »

Que ce disciple ne se détourne jamais de ta lumière.
Ne te déçoive jamais.
Ne te rende jamais triste.
Puisse-t-il guidé les oranges, comme je me serais évertué à le faire.
La petite louve vient tendre sa patte à son tour pour joindre celle de la Déesse.

Prêtresse elle n’était plus.
Disciple de Dairo, voilà tout ce qui lui restait à présent.
Sa seule lueur dans l’obscurité.