The Journey (ft. Maëlstrom)

- mmmMMMH AH ARRETE !

En voilà une drôle de façon de commencer la journée ! Tes yeux blancs cassés s'ouvrent sur ton idiot de frère qui savait pas parler. Enfin, tu tentes de voir où il est, mais tu n'y verras qu'une tâche jaune faire gauche et droite sans grand sens.
Un soupire, tu reposes ta tête sur tes pattes pendant que tu souffles.
Tes grandes oreilles se dressent sur ta petite tête de fouine tandis que ton dos s'aligne avec également, te redressant enfin, te secouant et t'étirant.

- T'veux qu'on fasse quoi ?

Un regard un peu méprisant sur Milo, tu l'aimes quand même bien. Trop fils à papa à ton goût, allais-tu rechigner pour une fois qu'il voulait un peu d'aventure en dehors de la maison ? Oh, allez ! Tu prendras les devants sans même attendre sa réponse.
Il fallait filer fissa avant que les parents ne reviennent.
Bien évidemment, avec ta guimbarde accrochée au filet sur ton dos.

- Dépêche toi !!

Des regards à droite et à gauche, personne. Pas même le reste de votre fratrie, sûrement partis chasser et pêcher avec papa et maman. C'était l'occasion rêvée, et tu cours vers la plage, bien naturellement, vers ce coin que seul toi semblait connaître à l'abris du regard des autres.
Milo ? Il suivrait.

Tu engages alors une course, tu es furtif et tu le sais, et au pire des cas, tu trouverais une excuse si tu tombes sur un adulte. Et puis, c'était l'idée de Milo d'abord, pas la tienne. Tu n'en avais donc pas grand chose à faire des conséquences, même si tu préfères tout de même prolonger cette petite coupure.

Plus le temps passait et moins tu voyais, et ça tu le comprenais, tu savais que ce n'était pas évitable qu'un jour, tu ne sois plongé dans les ténèbres à tout jamais. Alors même si tu devines des formes une fois proche, même si tu reconnais les couleurs, les odeurs d'eau et de terre autour de toi, tu commences à claquer ta langue contre ton palais. Tu as remarqué avec le temps que si tu étais trop près, le son qui revenait serait plus fort. S'il n'y a rien, le son se perd dans l'immensité du vide.

Clac.

Et sans prévenir, tu tournes à droite, puis à gauche, tu entends une voix autre que celle de ton frère alors tu rampes, un petit grondement à l'intention de Milo pour que lui aussi se fasse discret. Aussi proche du sol, tu te sens vulnérable, moins maître de mouvements de fuite si c'était nécessaire.

Ton frère est ton bouclier.

L'odeur iodée se montre enfin, et tu ne peux pas y résister. L'Océan. Il te comprenait, lui, et ne te disait pas de rentrer tôt.

- Là.

Et tu te faufiles jusqu'à la plage, le sable mou qui se défile entre tes doigts, qui s'y colle et reste. Il n'y avait pas de bruit à par l'air marin qui siffle dans tes oreilles. Et ton sourire se dessine un peu, ta queue déjà bien fournie se balance également dans ton dos. Autour de toi, ici, tu sais qu'il y a de gros rochers qui vous cachent de la vue de tous. L'accès n'y est pas facile.

A force de venir ici, ton odeur avait empli la petite plage qui désormais était considérée comme tienne. Et c'était comme ta seconde maison, lorsque les parents ont le dos tourné, ceux de tes frangins aussi en t'assurant toujours que personne ne te suit. Ce n'était pas mince affaire, mais tu y arrivais plutôt bien sans qui que ce soit.

De toute façon, tu allais passer le reste de ta vie ainsi.
Alors, autant t'y faire au plus tôt avant que la pénombre ne devienne plus qu'un vaste paysage.

- Ouais, en fait maint'nant c'le mien.

Un sourire se dessine sur ta gueule anguleuse.

- C'est pas encore comme j'le veux, mais c'est chez moi pour toujours !

Naïve pensée que tu as, mais tu en es sûr. Bientôt ici, une cabane serait montée, un port aussi avec plein de radeaux, des cultures peut-être, et pourquoi pas un élevage de quelque chose qui restait encore à définir. Ton utopie, être indépendant, et proche de l'eau. Juste toi, l'océan et ta guimbarde pour animer la plage jusqu'au prochain levé de soleil.

- Mais t'en parles à personne hein ! C'mon endroit secret. Rien qu'à moi.

Ton air s'assombrit un peu, cherchant à menacer.

Une proposition ? Ton regard s'assombrit, ton sourire s'éteint aussi. Comment ça ?! La colère te prend un peu, en témoigne tes joues gonflées et tes dents serrées avant même que Milo ne continue. En fait, c'est surtout son rire idiot qui te crispe, comme s'il pensait avoir l'ascendant sur toi, comme si t'allais accepter. Eh bah il se met le doigt dans l'oeil !

C'est vrai que t'avais été très futfut, de montrer avant de dire qu'il fallait pas qu'il en parle. Un grondement, une grimace énervée.

- Bah nan en fait !!

Tu te gonfles, tu te dresses, et attrape ce noeud papillon autour du cou de ton frère.

- T'as pas compris ? C'est à moi, rien qu'à moi ! Et j't'offre rien !

Avant de passer au stade du dessus, tu souffles, et tu recules d'un pas. Il ne fallait pas s'emballer, ça restait ton frère, et si tu lui faisais du mal, il irait pleurer auprès des parents. Puis vu que le sujet de la discorde était le lieu ... Ils le sauraient, eux et tes autres frangins. Donc ouais, valait mieux se poser et réfléchir trente secondes.

- Bon. J'refuse. De toute façon, si tu dis quoi qu'ce soit, moi, je m'en vais avec tout ça !

Et ton regard tente de rester dans celui de Milo, là où tu le devines. Plus calme, tu attends une réponse à tes menaces. Toi, tu restais campé sur tes positions.