-Liam-
Toujours attentif, Liam écoute la suite des instructions. Il fallait une volonté, un lien, une émotion pour chacun de ces perles, ainsi que la suite de la formule mystique appelant l’Océan. Le loup au regard de feu se gorge des gestes de la mère, l’esprit affûté et tendu comme un arc. Puis, lorsque le silence retombe, et qu’il comprend que c’est à son tour, il baisse le regard sur ses perles. Un voeu, pour chacun des membres de sa famille. Un souhait, une volonté, une émotion … Lentement, il lève les perles, une à une, et formule ses souhaits, le coeur porté sur l’autre, pleinement et simplement.
Il commence par sa mère. Sa perle saisie, il souhaite ardemment son bonheur, que son lien avec l’Océan perdure et s’amplifie, et que jamais elle ne souffre.
Pour son père, son cœur s’emplit d’un vent de liberté, qu’il lui souhaite lui aussi. Celui de suivre ses intuitions, celui de rester plein d’énergie et d’une santé folle.
Pour Milo, c’est un calme serein qui l’inspire, celui des études et des livres, celui de l’intelligence et de la confiance. Il lui souhaite des découvertes fantastiques, un avenir libre de toute inquiétude, des recherches passionnantes.
Pour Maël, un tumultueux esprit d’aventure ! Il lui souhaite de la chance, beaucoup, car il pressentait qu’il en aurait besoin. Chance dans son avenir, chance en amour et chance tout court !
Pour Moki, oh, Moki, un amour tendre dans sa vie et plein de découvertes, voilà ce que Liam lui souhaitait, car il sentait que c’était ce dont son frère avait besoin.
Pour Tiamat, enfin, une existence heureuse et pleine d’aventures, et connaissant le goût de sa soeur pour les végétaux aux effets étranges et les endroits extraordinaires, il lui souhaitait surtout (en bon grand frère) de rester en sécurité.
Une fois ses voeux formulés, une fois sa concentration atteignant son pic, il rouvre deux yeux enflammés. Là, entre ses pattes, reposaient toutes les perles qui représentaient ces voeux formulés à l’Océan même. Lorsque le vent vient soulever son pelage court en une caresse mystique, promesse de puissance aussi occulte qu’étrange, il sourit, intimidé, humble mais également confiant. D’une voix calme, paisible, il remercie l’Océan à l’instar de sa mère, gardant les perles serrées contre son coeur comme s’il s’agissait des âmes de sa famille même.
Les bougies éteintes, la pénombre revenue l’enveloppe d’un cocon doux mais froid, et soudain la fatigue du rituel s’abat sur lui. Il cille, abasourdi, ne comprenant que lorsque sa mère lui explique à quel point la magie pouvait être taxante. Ils avaient usés des matériaux posés au sol, probablement, mais LIam sentait que la magie quiemplissait à présent les perles venaient aussi de sa propre énergie. Ou bien était-ce la concentration répétée qui l’avais laissé soudainement épuisé ? Il ne savait pas, hoche de la tête en reprenant ses esprits.
“C’était … Puissant. J’ai cru sentir … Maman, j’ai cru sentir l’Océan qui était là, comme …”
Il tend la patte, mais pour la première fois, les mots lui manquent. Puis, il couche les oreilles en réalisant à quel point cette présence immense, à la fois effrayante et rassurante, inconstante et intemporelle, protectrice et meurtrière lui manquerait s’il décidait de partir vers d’autres horizons. Il inspire, repose la patte pour blottir les perles contre son cœur.
“Je garderai les perles avec toute l'attention du monde.”
Il sentait comme un lien, ténu mais présent, entre les orbes laiteuses et sa famille, et surtout ne voulait risquer d’attirer le courroux de l’entité qu’il avait cru sentir près de son âme. Il déglutit, réalisant avec regret être bien trop épuisé pour faire quoi que ce soit d’autre. Pourtant, en ce moment, son appétit pour les rituels et la magie croissait, démesuré, à peine rassasié de l’expérience qui avait été un avant-goût de tout ce dont sa mère était capable. Il réalisait à présent d’où venait sa sagesse, de cette présence immense, qui rendait humble et patient. Puis, le fil de ses pensées s’arrête et il semble que son corps s'avachit, prêt à dormir. Il relève deux billes enflammées dans la pénombre, et un sourire d’oni tout en reflets de crocs recourbés.
“Merci de m’avoir montré maman. Je n’ai pas de mots.”
Alors, à la place, avec une douceur toute d’épuisement faite, il vient enlacer sa petite mère entre ses pattes trop larges. L’une d’elle, toujours, serrait les perles contre son coeur, à lui rendre les coussinets douloureux.
Il lui semble que jamais il ne parviendrait à la lâcher.