Sylve garden [pv]

Sa lutte l’avait épuisée. Pendant un temps, elle était restée cloîtré dans le terrier qu’elle s’était trouvé, abri de fortune qui lui-aussi l’avait menacé de s’effondrer. Le monde lui semblait si froid, si cruel, si dangereux qu’elle n’avait osé en sortir, pas tant qu’elle serait se sentirai plus apaisée dans son corps et dans son esprit.

Si ce ne fut le calme qui la poussa à quitter ce logis temporaire, ce fut la faim et la soif, qui la poussa à bouger, ça et la fièvre qui avait commencé à la gagner. Il lui fallait trouver un remède et nettoyer ses plaies. Du miel ou de tilleul. De l’écorce de saule blanc, ou bien des graines de pavot. C’est toute une liste d’ingrédient qu’elle s’énuméra. Encore et encore. Ce dont elle connaissait les vertus pour y avoir été bien trop souvent cliente. Pour désinfecter les plaies, faire baisser la fièvre, venir à bout de cette migraine lancinante qui obscurcissait son esprit.

Habituellement elle était rapide et agile, raffinée même, aujourd’hui une simple marche lui semblait difficile. Son corps était raid, douloureux, mais ce n’était pas les quelques égratignures à ses pattes qui provoquait tel mal-être, elle savait que c’était plus grave, que le mal était ailleurs. Il était plus profond, plus ancré dans sa chair. Signe que l’infection gagnait.

Elle avait marché longtemps, s'était égarée parmi les montagnes, jusqu'à tomber sur un lieu familier, une forêt sylvestre à l'apparence paisible. Lieu connu où elle avait nagé longuement parmi les carpes koï tandis que son ami lui avait avoué quelques secrets inavouables. Des mots qu'il avait choisi d'ignorer à cette époque lointaine. Des mots qui n'avaient sur trouver le sens espéré et avait certainement plongé son ami dans le désespoir.

Devait-elle se sentir coupable ? redevable auprès de ceux qu'elle avait perdu jadis ? Se sentir encore redevable, attaché à son passé, comme lié à ces anciens fantômes ? Elle ne saurait dire.

Une odeur inconnue lui arriva au museau alors qu’elle traversait un buisson épais parsemé de houx. Alors que la louve se glissait au travers de la végétation, elle s’immobilisa face à l’individu cornu.

Devant ses yeux, une silhouette bien trop familière, la rappelle à quelques souvenirs poussiéreux. Ombre imposante et longue silhouette longiligne surmontée de solide corne. Un frisson lui parcourut l’échine jusqu’aux bouts des pattes. Patte dont les griffes heurtent le sol humide.
Tawana ?
Un etelkrus.

Les oreilles se couchent alors le long de son échine, disparaissant dans l’épaisse fourrure qui formait sa chevelure d’ébène. L’envie de rebrousser chemin lui vint subitement, et s’il la reconnaissait, maintenant que leurs dettes s’étaient achevée, ne serait-il pas plus enclin à la dénoncer à présent. Lui ayant une fois sauvé la vie, c’était bien assez pour maintenant en faire ennemi du clan.

La louve n’y croyait qu’à moitié, son instinct lui hurlait de se montrer prudente, d’agir avec précaution à l’approche d’autrui et pourtant, elle avait tant la sensation de la connaître qu’elle ne pouvait se résoudre à simplement croire qu’il la trahirai. Malgré la psychose, malgré la paranoïa, ses pattes refusaient de lui obéir, refusait de fuir. Elle ne le pouvait actuellement.

Mais à mieux y regarder, la fourrure lui sembla étrangère, parsemée de blanc, cela lui sembla des plus étonnants que le vieux panseur ait autant perdu en coloration, c’était inhabituel d’en perdre autant dans sa vieillesse. Elle doute. Renifle de plus belle, l’odeur est différente, ce n’est pas celle des etelkrus et si tant qu’il en reste une trace, elle est éventée – peut-être était-ce son imagination une nouvelle fois qui venait la tourmenter.

Elle voulu pousser un grondement, l’avertir qu’elle ne se laisserait pas faire quelque soit ses intentions, mais les sons ne virent pas jusqu’à l’individu. Le contournant à bonne distance, Manquant de peu de trébucher dans un terrier de lapin.

Elle l’a vu.
Le regard insistant du loup à son égard lui était inconfortable, elle sentait sa fourrure comme s’embraser et picoter sensation dont elle se sent ait se savait privée et dont qu’elle fit le choix d’ignorer cette sensation désagréable. Lorsqu’ils s’eurent observé un moment en silence, la louve décida de briser ce lien. Abaissant son nez au sol à la recherche de diverses plantes médicinales. Son regard s’illumina lorsqu’elle découvrit quelques champignons couverts de rosée. Elle les savait comestible, elle qui n’avait jamais pris goût à la chasse, cela faisait festin bien plus facile à attraper que du poisson dans son état. Une chance pour elle dont le ventre ne cessait de se tordre, elle qui connaissait désormais le sens de la faim, celle qui terrasse un loup.

Elle les engloutit en quelques secondes, n’ayant de temps pour leur chercher un assaisonnement. Chose faite, elle leva le museau vert l’inconnu, le jaugeant du regard en enfant sauvage qu’elle était. Même si elle faisait partie des grandes louves ayant conservé la taille d’un grand mâle, il semblait la dépasser d’une tête au moins sans compter les cornes. Il était grand, c’était une certitude, elle ne pouvait l’ignorer.

Le murmure du ruisseau lui parvint lorsqu’enfin elle tendu l’oreille, son cours ondulait non loin du champs de fleurs, la contraignant à passer à côté du loup si elle désirait aller se désaltérer, ce qu’elle fit prudemment elle passa à côté de lui, forçant le pas pour ne pas se retrouver trop longtemps à sa porté dans le cas où celui auraient une mauvaise idée derrière la tête. Redressant le museau, elle fit attention à ne pas le toucher diffusant pourtant le parfum que portait sa fourrure malgré son état.

Il n’avait de cesse de la fixer de ses deux yeux dorés, immobile, sans rien dire. Elle avait eu beau l’ignorer, l’éviter en passant à bonne distance de lui, il ne semblait se détacher d’elle. Alors, elle l’observa à son tour, une fois repue et désaltérée, après avoir quelques peu arrangés sa fourrure négligée par l’errance.

C’est alors qu’il lui adressa ses salutations.
Un frisson lui parcourut la nuque alors qu’elle hoqueta en réponse :

« Bon-jour ~ »

Il n’était pas Tawana, la voix était plus grave, limite cassante. Elle chassa donc cette pensée de sa tête. Trouvant un buisson de baie non loin et ne sachant comment engager la conversation, elle se décida à lancer comme une invitation.

« Vous en voulez ? Ce sont des baies de sureaux, elles sont parfaitement comestibles une fois cuites ou bien séchées… »

C’était une certitude pour la louve qui en porta une à sa gueule en exemple. Des petites baies rondes, noirs comme du caviar agglutinées par grappes. Elle ne pouvait se tromper autant sur l’aspect particulier de ces baies que sur le goût de myrtille des bois caractéristiques qu’elle portait désormais sur ses lèvres, doucement amère. Cependant, il valait mieux éviter d’en abuser, si l’on ne voulait ressentir d’horrible crampe d’estomac. Elle se permit donc d’ajouter quelques informations supplémentaires.

« ces baies peuvent servir à faire des infusions, des jus ou de l’alcool. »

Elle en emportera quelques branches, utiles pour son entreprise. Un sourire se traça sur ses babines, c’était tellement plus appréciable que des champignons, une petite liqueur de sureau.

Il avait bien appris sa leçon.
Elle en reconnu le moindre mot, si la voix était différentes, les paroles et les mots, ceux qui tombaient parfois par mégarde aux creux de ses oreilles lorsqu’elle rendait visite à Saqqarah apportant des fleurs pour les malades ou bien quelques plantes médicinales, eux, ils n’étaient pas les siens. Il était ceux du panseur qui avait accompagné une partie de sa vie. Tawana tenait ce type de leçon à ses élèves, ce panseur qui avait veillé sur elle pendant une partie de sa vie, allant jusqu’à la sauver une fois de plus alors même qu’elle les avait tous trahi, en devenant un désavouée. Mentor, ou ami, elle n’aurait su le dire, un guide spirituel peut-être, il eut été la figure la plus proche de celle d’un père pour elle, après le départ du sien. Parfois, il revenait encore à son souvenir, malgré des débuts difficiles, ils avaient fini par trouver un équilibre entre eux.

Mon père
Si elle avait éprouvé des doutes, elle n’en éprouvait plus le moindre, c’était une certitude qui s’était insinuée en elle, il était son fils. Et lui au vu du temps qui semblait s’être écoulé, même si elle n’en avait une mesure exacte, il n’était certainement plus.

Elle aurait préféré feindre l’indifférence, mais fut submergée bien trop rapidement pour pouvoir la contenir totalement. Sa pseudo indifférence se brisa. Sa vision se flouta, ses yeux s’emplirent de larmes qu’elle tenta de chasser d’un battement de cils en vain. Un poids s’installa dans sa gorge, l’expression de la louve se ternit, jusqu’à n’afficher plus que tristesse et mélancolie.

Elle n’avait eu le courage de dire ce qu’elle avait fait,
ni ce qu’elle comptait faire à l’avenir
avant de disparaître dans les eaux.

Alors elle avoua :

« Je connaissais ton père. »

Maintenant c’était trop tard,
Elle n’avait pu lui dire au revoir.
Et n'en aurait l'occasion.