Les oiseaux - Ted

Elle veut être un pilier comme l’a été son père avant elle. Il faut bien quelqu’un.
A défaut d’être grande et imposante comme l’était le bélier, elle peut au moins prêter sa petite épaule à ses petits garçons privés de père.
Le temps est passé si vite : Elle se voit encore adolescente aventureuse en quête de sensations fortes. Il est là, en face d’elle, et semble la prendre pour du gibier.
Et maintenant…

Elle rit de ce souvenir en même temps qu’elle pleure sa disparition.
C’était hier.
C’était il y a treize ans.
Et maintenant, Violette n’est plus là. La vie continue, sans lui : Le soleil brille toujours autant et la brise est toujours aussi vivifiante.
Les oiseaux continuent de chanter.

Onyx lance une poignée de graine à leur attention : Ils se jettent dessus, et Marcel, son vieux Marcel qui vit encore malgré toutes ces années passées aussi.
La vie continue, ouais, et elle continue d’être belle, malgré tout. Elle peut pas, malgré son coeur en miette, la considérer comme quelque chose de moche. Elle est belle, par ce que le soleil brille, que les oiseaux chantent, que ses enfants vont bien et que d’autres bébés naissent.

Personne n’est immortel.
Elle lance une nouvelle poignée de graines.

Ted s’annonce avec sa douceur, presque candide, habituelle.
Il semble paisible et elle se dit qu’entre eux deux, c’est peut-être lui qui représente le plus le pilier qu’elle s’est imaginée, par sa haute stature, mais surtout, par ce qu’il dégage quelque chose de doux.
De la confiance, malgré cette timidité qui a toujours été sienne.

La licorne lui sourit. Elle sent qu’il veut lui parler de quelque chose mais s’encombre d’abord de banalités. Elle n’a rien de neuf à raconter, ou du moins rien d’heureux.
Et elle a besoin de se changer les idées. Si Ted à quelque chose d’heureux à dire, quelque chose qui justifierait son attitude, elle le prend volontiers comme on prend un plaid dans lequel se lover et oublier, un instant, le froid autour de soi.

- Et toi ?

Son regard ne le lâche plus, elle est impatiente d’en découvrir davantage.

Tout se bouscule dans sa tête.
Pas besoin de se prendre la tête à faire des puzzles : Prudence a eu Priam avec Séléné, alors ça l’étonne pas vraiment que Ted puisse faire des enfants avec son amoureux. Il lui en a parlé, un jour, même, de cette envie, et de ce qui le freinait aussi.
Mais de là à ce qu’elle se concrétise…
Elle lâche son sac de graines : les oiseaux les moins farouches se jettent dessus et dévorent goulument son contenu, et il pousse un cri de joie.

La vie apporte toujours quelque chose de beau après un drame : la sienne en tout cas.
Onyx ne réfléchit plus vraiment et serre son frère, son si grand frère, dans ses courtes pattes. Des larmes d’émotion perlent aux coins de ses yeux.
La famille va s’agrandir !

- J’suis si contente pour toi et Lùgh ! Ooooh vous allez être de super papas !

Par réflexe, elle essuie maladroitement les larmes qui roulent sur les joues de son petit frère.
Ce sont de belles larmes, pourtant, pleines d’une joie sincère. Onyx, elle comprend pas tout à ces histoires de corps de femelle ou quoi, elle sait juste que c’est ce qui permettra à ses neveux (!!) de venir au monde.
Leur père aurait été si heureux d’apprendre cette nouvelle là aussi.

- Si t’as besoin d’aide pendant la gestation, et pour la naissance, je suis là ok ? Je me suis beaucoup renseignée, après Marty et Mica, je saurais faire…

Sa gorge s’étrangle.
Elle avait appris tout ça en pensant aider des réfugiées à accoucher… Pas son frère ! Ca a presque quelque chose de drôle et elle sourit entre les larmes d’émotion.

- Ca fait longtemps ?

Ah oui, la fameuse malédiction.
Il lui en faut plus pour la décourager, cependant, et c’est avec confiance qu’elle prend Ted par les épaules, plongeant son regard de chat dans le sien.

- Il faudra plus que ça pour faire claquer la vieille carne que j’suis mon p’tit Ted.

Elle attrape entre les doigts de ses pattes un grigri qu’elle porte toujours contre son coeur, pour le montrer à son frère.

- Ca, c’est un cadeau de Papa. Il me l’a donné quand on était trois, avec Marty et Mica, dans ce p’tit corps que t’as devant toi, au cas où. Le fait est que ça s’est bien passé, et que cette amulette est toujours là pour me protéger au cas où les choses devaient mal se passer.
Et puis, tu me connais, tu sais bien que j’pourrai pas laisser quelque chose arriver à mes neveux. Ils faut qu’ils vivent longtemps, pour voir toutes les belles choses de ce monde. Je ferai tout pour aider votre jolie famille. Notre jolie famille.