Une visite familiale, qu'il disait! [Elisabeth]

Une sortie familiale avait été planifiée. Une sortie pour laquelle tu t’étais vigoureusement préparée. De jour comme de nuit, seule ou accompagnée, tu t’étais entraînée. Aujourd’hui, pas question de te faire trimballer comme un bébé. Oh que non! Cette fois-ci, c’est comme une grande que tu allais voler. Ce sont tes ailes, les tiennes à toi toute seule, qui allaient te transporter du pâle Désert Ivoirin jusqu’au territoire Nakhus, ces terres que jadis ton père avait aimées. Il s’agissait de ton plus long trajet de vol à ce jour et tu en étais toute excitée. Bientôt, tu n’aurais même plus à être accompagnée!

Bientôt, oui, mais pas maintenant. Pour l’heure, tu n’étais encore qu’une enfant. Tes jeunes ailes commençaient à peine à supporter ton poids, à te soulever de terre, sans parler de tes atterrissages que d’aucuns qualifieraient de maladroits. Heureusement, papa Cheza était là et il veillait au grain. Sous sa supervision, tu ne risquais rien et la petite ailée malhabile devenait bien vite une experte grâce à ses leçons. Du moins, c’est ce que tu espérais, t’imaginant déjà accomplir mille et une acrobaties au côté des oiseaux, virevoltant au-delà des nuages…Jusqu’à ce que ton second père, Khalaf, ne vienne te réclamer une étreinte. Terminées les rêvasseries; l’heure du départ avait sonnée.

Rapide comme l’éclair et première arrivée, tu réponds à l’appel de ce dernier, pressant affectueusement ton front contre le sien avant de lui lécher la joue. Tes sœurs firent de même, tout comme son compagnon ailé qui, lui, s’attarda plus longuement auprès de son âme sœur, promettant à son aimé que tout irait pour le mieux et qu’il n’avait pas à s’inquiéter, qu’il veillerait sur vous. Puis enfin, il se joignit à vous et tous les quatre, vous vous envolâtes vers le bleu du ciel.

Si le décollage ne fut pas des plus élégants, que quelques rafales de vent vous prirent joliment par surprise et que, par deux fois, il vous fallut vous arrêter pour permettre à la pauvre Minoo de reprendre son souffle, il n’en demeurait pas moins que pour une première véritable balade ailée, une vraie de vraie sans papa Cheza pour vous porter, tout se passait bien. Tu étais au comble du bonheur, heureuse de partager ce moment avec tes sœurs et ô, si fière. Fière de toi, oui, mais aussi fière d’elles.

Évidemment, tu ne pouvais conclure cette excursion aérienne sans tourner la chose en jeu. Maintenant que les terres Nakhus s’étendaient sous vos pattes et que vous vous apprêtiez à amorcer la descente, c’était le moment idéal pour faire la course, te dis-tu, et tu ne perdis pas une seconde. Sans prévenir, tu accéléras d’un coup, prenant les devant.

- La dernière arrivée, c’est un gros vilain rat volant! Déclaras-tu en jetant un regard derrière toi.

Grosse erreur. Ce petit écart de jugement, aussi bref fut-il, te fit entrer en collision avec un grand oiseau qui passait malencontreusement par-là. La pauvre bête, affolée, s’agrippa à ta tignasse en agitant furieusement les ailes, martelant ton visage de ses membres aviens tout en glapissant à tue-tête. Si le choc suffit à te déstabiliser, les coups répétés à la tête et les cris, quant eux, réduire à néant tes chances de différencier le haut du bas et tu allas donc t’écraser sur la terre ferme. Ou plutôt, ce qui aurait dû être la terre ferme.

À cet instant, l’oiseau se détacha de toi, non sans laisser au passage la marque de ses serres sur l’une de tes joues. Tu ne t’en aperçu lorsque tu levas les yeux au ciel pour crier :

- Ça va, je n’ai rien de cassé. Ne m’attendez pas, je vous rejoins!

À défaut de te voir, ton père et tes sœurs t’avaient très certainement entendue. De toute manière, il n’y avait aucun souci à se faire. D’ici, tu retrouverais sans mal ton chemin jusqu’à ta famille et, heureusement, tu n’étais pas tombée de bien haut. Le sol était aussi étonnamment moelleux dans les environs. S’agissait-il d’une particularité du territoire? Hélas, non. Retrouvant à peine la vue, tu n’avais pas encore réalisé que le ''sol'' sous tes pattes était en fait l’une de tes semblables.

Feat Nesrine et Elisabeth