Emportée par la mer - Libre

Hazel s’extrait maladroitement des pattes froides de sa mère.
Elles ont atteint la terre ferme et le bateau-volant à, elle croit, était mangé entièrement par la mer. Papa était encore dedans, elle ne l’a pas vu tomber à l’eau, et en même temps maman la tenait si fermement contre elle qu’elle n’a pas bien pu voir…
Enfin, la petite louve rousse n’a pas trop le temps de s’en préoccuper pour le moment, son dos s’arque, sa tête se penche en avant et elle vomit dans le sable ce trop plein d’eau salée qui s’est infiltré dans sa gorge et dans sa truffe.
Ca pique et ça lui fait mal au ventre !

La tempête gronde encore : Elle fait un bond sur le côté et grogne lorsque les vagues tentent de l’attraper. Elles veulent aussi prendre Maman, les vilaines !
Hazel referme ses petits crocs sur la fourrure de la grande louve et tente de lutter contre l’océan avide.

Elle tire ! Elle tire de toutes ses forces mais l’océan est plus fort et Maman si lourde. Ses pattes s’enfoncent dans le sable.
Elle est trop petite pour lutter : Elle le sait, mais essaye quand même.

Il y a une ombre qui la surplombe. Hazel ne sursaute pas pour autant : il faudra bien plus qu’un inconnu pour lui faire peur, aujourd’hui. L’expression hagarde, elle l’observe toucher Maman.
Peut-être qu’il peut l’aider, lui, il est grand, et fort !
Et terriblement terre à terre.

L’enfant serre les dents. Elle ne sait pas encore ce que c’est vraiment la mort mais sait malgré tout que Maman ne se relèvera pas et que l’océan l’avalera, comme il a avalé Papa.
Elle ne veut pas qu’il la mange, elle aussi, alors elle s’éloigne un peu et, même si d’autres enfants auraient sûrement eu peur des grandes dents de l’inconnu et de son corps déformé, il est la seule présence adulte a peu près rassurante qu’elle trouve dans ce chaos.

Elle glapit, et vient se blottir contre lui.

Le grand loup aux grandes dents l’emmène ailleurs. Elle ne se retourne pas lorsque l’océan avale Maman et le suit docilement.
Il n’est pas très doux dans ses gestes, allant jusqu’à la pousser dans une… tanière ? Mais elle ne dit rien, trop perturbée par ce qu’il vient de se passer pour se plaindre.
Ses grands yeux curieux se lèvent vers lui. Il ne dit rien, lui non plus.

Hazel frissonne. Son pelage est encore trempé et elle grelotte.
Sans l’ombre d’une hésitation, elle revient se blottir contre l’étranger.

Oh.
Grand loup s’éloigne : Dommage. Elle n’insiste pas et se pelotonne sur elle même pour tenter de se réchauffer. L’orage gronde furieusement mais malgré son vacarme, et celui de la pluie, ses paupières se font lourdes. Hazel lutte, mais papillonne quand même, jusqu’à s’endormir.

Elle ne rouvre les yeux que lorsque Grand loup s’adresse à elle.
La tempête s’est arrêtée.

- Voui.

Elle sait parler, Maman lui a appris, quand ils étaient encore sur le bateau volant.

Il lui explique des choses, lui parle de Pirates. Pendant un instant, le regard de l’enfant s’illumine.
Les Pirates, elle en a entendu parler : Par Papa et Maman. Ils sont des histoires par ce qu’ils n’en ont jamais croisé, dans leur bateau volant.
Mais lui, Grand loup Chimaera, c’est un vrai Pirate !

- Tu as un bateau alors ?

Les pirates ils avaient forcément des bateaux.
Mais il lui a posé une autre question.

- Je m’appelle Hazel. Je suis née sur un bateau.

Deux bateaux ! Il a deux bateaux !
C’est beaucoup, ça. Et en même temps, elle se demande pourquoi : Il peut pas voguer sur les deux en même temps, après tout. Mais ça n’en reste pas moins super cool et lui a l’air content de parler de ses possessions.
Elle a envie de les voir, maintenant. Peut-être qu’il pourra les lui montrer, si elle est une gentille fille.

La louvette secoue la tête.

- Non. ‘Pa a emmené Maman. On était que tous les trois.

La famille de Maman et de Papa est trèèèèès loin. Maman lui en a parlé, quelques fois, mais ils doivent même pas savoir qu’elle existe, par ce qu’elle est née en mer.
En fait, Hazel n’a plus personne.

- Mais je pourrais devenir une Pirate ?

Elle lève les yeux vers lui.