Ton P'pa était parti.
Dans un dernier et beau voyage, bien au d'là de la grève gelée, bien au d'là de tous les endroits où il avait pu s'rendre jusqu'à présent. Il était parti sans baluchon, sans cape et sans rien, juste avec sa...! et son couteau.
Comme un fier guerrier Nakhus, avec tout l'courage d'un disciple d'la Dragonne. Et avec un grand sourire, tu pouvais dresser le récit épique de ses aventures vers
l'au-délà.Ton P'pa était mort. C'était une réalité plus difficile à accepter, ça. Une phrase plus dure à prononcer, moins joli qu'un récit.
Pourtant, tout c'était si bien passé.
T'avais pu lui dire des derniers mots, t'avais pu lui faire un câlin,
lui dire à quel point tu l'aimais. T'avais eu cette chance qu'beaucoup n'avait pas, que de voir un proche partir on n'peut plus en paix. Et sur le moment, entouré des tiens, t'avais eu la certitude que tu t'en remettrais vite.
Et bien sûr, que tu t'en remettrais. Tu n'doutais pas de ça.
Ça avait d'ailleurs bien été, durant ces deux semaines. T'étais resté avec Mimi' et ta M'man, t'avais côtoyé tes sœurs et tatie Cloud. Ton chagrin avait été court, t'avais jamais eu d'cesse de sourires,
pour elles et lui.Parce que tu avais encaissé l'coup, parce que c'est tout c'que ton P'pa avait voulu et que sa vie avait été géniale ! Parce que tu faisais ton deuil, patient et l'abordant avec calme. Tu pleurais parfois en compagnie d'un des tiens, et tout d'suite après, tu te sentais alléger d'un poids.
Et tu recommençais à sourire.Parce que tu étais un tournesol.
Solaire et lumineux.
La vie était belle !Et la venue de tes cousins t'apportait la preuve que la vie continuait, que les vieux loups mourraient et que les louveteaux naissaient.
Que leur venue était un petit réconfort, aussi petits que leur taille.
Mais
SoudainC'est comme si tu t'en étais
vraiment rendu compte.
De c'que ça impliquait,
la mort.En te réveillant au matin, avec cette pensée sortie d'nul part.
Et si j'allais voir P'pa ?
C'était bête, pourtant.
C'était bête et ça te laissa encore plus bête. Et tu eus l'impression que la bulle dans laquelle tu t'étais enfermé pendant deux semaines venait d'éclater.
Tu ne fus pas préparé, à avoir plus mal qu'au premier jour.A
réaliser, qu't'aurais plus jamais ses conseils ou son épaule en soutien. Qu'tu pourrais plus lui rendre visite et qu'il ne te restera plus que des souvenirs.
Figés, avec le devoir de les entretenir
parce que c'tout ce qui te restait, de lui. Des souvenirs, et plus rien à construire.
Sa voix est un écho. Son odeur une évocation.
(Et merle)
Tes larmes sont bien réelles, elles.
«
Tu m'manques, P'pa. »
Aujourd'hui est un jour où il te manque, bien plus que tous les autres jours. Un jour où tu réalises qu'tu vas devoir continuer
sans lui, que l'envie de le voir aboutira toujours au manque.
Et à lui aussi, ça lui fait mal.
De te voir comme ça, dans une souffrance que tu écrases au fond d'ta grotte.
Ça fait déjà quelques temps maintenant, qu'il parait dans des reflets, même à côté d'toi, des fois.
Mais c'était pas suffisant, pour te consoler, p'tit gars.
Il est poussé par la volonté d't'aider, pourtant.
C'est pour ça qu'on l'fit venir près d'toi.
Pour veiller sur toi, et tous les autres.
Et quel papi il ferait, eh, s'il n'était pas là pour te soutenir dans une telle épreuve.
Tu ne vois pas ton glowstick briller davantage, quand sa forme se dessine avec plus de précision que toutes les fois où il se montra à toi. Mais tu sentis, le contact froid, de sa patte traversant ton épaule, et c'est ce qui te fit redresser les yeux vers lui.
Pour croiser les siens.
Et l'entendre, pour la première fois.
« J'sais à quel point ça fait mal, p'tit gars. J'suis là pour toi.»