Agua [pv Nael]

La louve sillonnait entre les dunes de sables, le long de la côte, elle avança jusqu’à ce que le roche succède au sable. S’enfonçant dans une étendue rocheuse semblable à des dents acérés, elle continua sa marche jusqu’à un petit bassin d’eau claire où poussait quelques algues et autres ressources nécessaires à ses cataplasmes. Elle se pencha vers l’eau avant de saisir quelques brins entre ses crocs.

Elle se pensait seule.

Concentrée sur sa tâche, elle fut surprise par la voix qui vint s’adresser à elle, relevant brusquement la tête. Il était apparut tel un fantôme une nouvelle fois.

Elle vint à soutenir son regard, L’air faussement froissée de se voir ainsi, corrigée dans son propre travail par plus expert qu’elle.

« Je ne suis pas encore très coutumière de votre mode de culture. »

Elle connaissait les pavots, les aloès veras, La sauge, la menthe sauvage. Les algues marines n’étaient pas encore son fort, elle devait bien le reconnaître.
*
Je suis content de te revoir parmi nous, tigresse*
à vrai dire, le capitaine n’avait pas été difficile à convaincre, même si elle avait du venir à sa rencontre malgré les avertissements des pirates.

« Le plaisir est partagé, Voix. »

elle sourit en retour, un sourire sincère et léger qui vint relever ses babines.

« Tu faisait une balade matinale, ou est-ce que tu me cherchais pour une quelconque raison ? »

«Puisque je peux choisir, alors, considérons que tu sois venu pour moi. Et je dois avouer le fait que tu sois venu spécialement pour ma compagnie ne m’est pas déplaisant. »

Amusée.
Les boucles d’oreilles vinrent tinter les unes contre les autres, lorsque la louve redressa les oreilles bien droites pour écouter les paroles du maître des rituels. Enjambant d’une longue foulée le trou de vase, elle s’approcha plus près encore, sourire aux babines.

« Apprends-moi alors ce que tu sais. Tu nous feras gagner à tout deux un temps précieux dont nous ne disposons plus à nos âges. »

frôlant le flanc du maître des rituels, la louve provocatrice continua sa route, passant dans son dos pour aller se rendre au prochain trou d’eau pour y observer la culture d’algues marines. Puis soudainement une question lui vint alors elle se permit de l’interroger.

« Dis moi, pour quelle raison les Raeders partent à la découvert du continent ? Pourquoi ne se contentent-il pas des richesses de leurs îles et de ce que l’Océan a à offrir. Le monde sous marin me semble bien plus complexe et bien plus vaste que un simple bras de terre. »

à sa première question, la louve pencha la tête sur le côté et fit tomber une de ses oreilles, un sourire malicieux aux babines. Elle fit mine de réfléchir, regardant le ciel, tout en marchant en arc de cercles entre les bassins, pour finalement revenir face à lui.

« La déduction qui te conviendra le plus, je crois. »

Un simple retour des choses. Pour la réponse qu’il avait lui-même volontairement omise. Autrement la louve aurait certainement avoué apprécier le contact et avoir toujours été tactile envers ses proches, que ce soit en passant accidentellement trop proche d’un flanc ou en glissant son museau contre une épaule ou une collerette. Même si le sens du toucher lui avait été volé, l’habitude n’avait pas disparu. Et la louve aux longs cheveux d’ébène assumait parfaitement ce besoin de contact régulier avec ses congénères.

« Cependant à toi de me dire si cela t’es agréable. »

au risque de se prendre un coup de crocs, elle plonge son museau vers l’avant, effleure le sien du bout de la truffe en signe de provocation, avant de fermer et de se redresser complètement. Puis elle l’abandonna de nouveau pour aller contourner le trou de vase comportant les algues les plus développées. Elle observa alors la couleur, la forme découpée et la longueur des brins. Elle se souviendrait du stade nécessaire à la récolte à l’avenir.

Elle se laisse faire, immobile, feint la sensation de caresse sur son corps, se l’imagine car elle en est dépourvu de par son insensibilité physique. Mensonge peut-être. Mais mensonge plaisant et inoffensif.

« Peur ? »

Elle s’interroge, tout en le suivant du regard. Qu’est-ce qui pouvait bien faire plus peur qu’un amalgame de chair tricéphale cherchant à la dévorer ? Qu’est-ce qui pouvait être plus effrayant que d’entendre claquer trois paires de mâchoires au près de ses oreilles. Non, elle n’était pas effrayée, n’avait raison de l’être. D’autant qu’elle ne distinguait pas la différence de température entre leur deux corps. Trompée peut-être pas ses agissements, elle finit par s’interroger à son tour. Qu’est-ce qui le rendait si dramatique ?

« Les Raeders, n’ont-ils pas tous accepté le changement pour s’harmoniser avec l’Océan ? »

Elle avait accepté ce changement sans grande difficulté, cette nouvelle vie, ce nouveau corps, cette nouvelle époque qui semblait si lointaine à ses jeunes années. Elle en accepterai bien d’autres encore, ces proches qui se sont éloignés et ceux qui ont trouvé une nouvelle famille. Plus seule peut-être pouvaient-ils combler leur vide entre eux.

Après tout n’était-il pas ce qui incarnait le plus l’Océan sur cette terre ? Pour eux, sans doute l’un de ses plus fervents représentants.

« Je t’ai dit que je remercierai l’Ocean à ma façon. »

Lorsqu’il pivote, les deux oreilles de la louve le suivent, elle est attentive à chaque geste, chaque parole, sans attente particulière et sans jugement. Se contente de l’écoute et des questions, ouverte à l’échange. Son regard demeura penché sur lui, elle n’était pas sûre de comprend pourquoi et comment on arrivait à de telle extrémité, ni même exactement de quoi il voulait parler.

Vouloir tromper la mort à tout prix, au point de s’emparer de la magie élémentaire de l’Océan, cela semblait dangereux et il fallait être désespéré… comme elle l’avait été peut-être avant de se jeter du haut d’une falaise tout cela pour ne pas avoir à donner quelques explications quant à la colère qu’un dieu avait déversé sur elle, pour n’avoir à affronter le regard des « siens » et ne pas sacrifier toute une génération de Raeders. Renoncer à la vie lui avait semblé plus simple.

Elle hésita un peu avant de demander :

« Tu étais mourant ? »

sans doute, cette idée lui semblait la plus logique. Il n’y avait que face à la mort que la fin semblait justifier les moyens.

« Je ne comprend pas très bien pourquoi on en vient à de telles extrémités lorsque l’on est en bonne santé et jeune qui plus est. »

Il l’avait dit lui-même, cela faisait longtemps qu’avait eu lieu ce rituel interdit.

« J’espère au moins que tu as trouvé ce que tu cherchais. »

S’il y avait là une transgression, elle y voyait une sorte de sacrifice.
Une consolation peut-être quel-qu’en soit le prix payé.

« Je trouve qu’elle a, quelque chose d’envoûtant, chaque nageoire qui s’agite dans la houle cela me fait penser à des pétales de fleurs sous la lune. »

Elle lui sourit, les yeux clos, sincère. Elle avait toujours eu cette qualité à préférer voir ce qu’il y avait de beau en toute chose. Que ce soit lorsque le ciel était gris ou lorsque la pluie tombait sur l’Océan.

«J’espère que l’Océan me sera toujours favorable. »

Car elle le servirait avant tout autre chose.

Lorsqu’il lui révéla être d’une certaine manière « mourant », la louve semble accéder à une certaine compréhension, ses yeux peinés se posent sur lui, ce n’était pas la première fois qu’elle se trouvait confronté à telle situation, il était courant de voir la vie d’un loup être écourtée, l’obligeant à renoncer à ses projets, à ses rêves, le désespoir qu’elle supposait avoir été sien lui sembla justifier entièrement ce geste.

« Je comprend que tu ais eu recours à de telles extrémités. »

peut-être en aurait-elle fait autant… peut-être se serait-elle laissé submergée par la tristesse, elle n’aurait su le dire à cet instant. Elle ne prétendait pas comprendre l’entièreté de ce geste fou, seulement acceptait le changement tel qu’il était advenu, après tout, il restait le maître des rituels. Le regard de la louve ne le quitta pas. Et même si elle comprenait, elle savait au fond d’elle que rien n’avait jamais été gratuit en ce monde. Même lorsqu’un échange semblait facile, un foulard contre l’aide d’un Dieu, le prix était parfois bien plus grand que supposé. Alors elle n’hésita à demander :

« Qu’est-ce que cela t’as coûté ? Il ne semble pas que l’on puisse arraché ce qui fait l’Océan, sans quelque conséquence, … après tout l’Océan nous faite déjà cadeau de tant de choses. »

La louve s’en mordrait presque les lèvres, ne sachant pas toujours ce que l’Océan pouvait bien attendre d’eux tous, ce qu’ils devaient faire pour le servir au mieux. Il semblait si calme, si paisible lorsqu’elle posait les yeux sur sa surface. Les raeders semblaient tous si paisibles, bien loin de l’époque sombre où ils étaient en guerre contre l’Océan lui-même.

*Qu’est-ce que cela pouvait bien cacher ? *

Si elle se trouvait flattée par ses mots, si elle sentait sa peau rougir sous sa fourrure émeraude, la louve n’était pas certaine de mériter plus que de se déplacer entre les flots. Toute fois, elle ne refusait pas l’invitation, le suivant du regard, elle s’aventura une nouvelle fois dans les eaux troubles, abandonnant son butin sur la côte rocheuse.

« Où comptes-tu me guider aujourd’hui ? »

"En effet, cela à eut un coût. J'y ai laissé la chaleur de mon ancien corps et une partie de son empathie. Je ne vieillit pas non plus de même manière que mes semblables."

Le prix de la chaleur du cœur sans doute. Pourtant, il ne semblait porter de regrets en son cœur pour ce qu’il avait perdu, contrairement à la louve qui portait le poids de ses propres échecs, la renaissance nécessitait-elle le changement ? Elle aurait aimé prétendre que non, et pourtant si ce n’était elle qui avait changer, elle ne pouvait que reconnaître que tout autour d’elle avait changé. Les visages, les attitudes, les mœurs, même les reliefs sur les cartes que tenaient parfois le capitaine lui semblait changer. Est-ce qu’elle craignait le changement ? Non. Indéniablement, ils faisaient parti de la vie. Se faisaient multiples entre chaque étape.

« Et tu n’as jamais eu de regrets ? L’impression qu’il te manque quelque chose ?. »

Elle aurait tout sacrifié, elle croit. Pour ceux qu’elle aime. Ses privilèges, sa sécurité, son ancienne religion. Et pour rien au monde, elle n’aurait faire le chemin inverse, non, elle n’aurait jeté le moindre regard en arrière, malgré ce fardeau que pouvait représenter ce passé qu’elle ne saurait oublier.

Un sourire se traça sur les babines de la louve, qui sautilla gracieusement jusqu’à lui, flânant entre les rochers, jusqu’à mettre patte à l’eau.

"Ca dépend. Qu'est ce que tu aimerais voir ?" Il plisse un peu des yeux, semblant songer "Je pourrais t'emmener à la fontaine de Rhum maudit ? Ou bien là ou se trouve le meilleur coucher de soleil de morne-oeil ? A moins que tu soit plus dans l'idée de voir l’atoll qui est devenu notre ?"

«  Pourquoi ne pas faire tout cela ? Cela nous évitera la difficulté du choix ?»

Nager jusqu’à l’atoll, contempler les rayons mourants du soleil, puis se rendre à la grotte du maître des rituels plus tard.