Cold Company | Ft. Agravain

La Grève Gelée était étonnamment calme cette nuit là. Pas de vente, pas de neige qui tombe du ciel, rien que le silence nocturne et un ciel dégagé illuminé d'étoile. Némésis savait qu'il n'y avait pas grand monde qui passait par ici et c'est pourquoi elle venait souvent se cacher ici pour la nuit, d'autant plus que la fraîcheur de l'endroit était agréable en cet été. Elle se demandait quand est-ce que les Raeders n'auraient plus à se fondre dans le décor... Elle devait avouer que les Criques commençaient à lui manquer et elle éprouvait chaque jour un peu plus l'envie de s'étendre au soleil à observer ses amis s'amuser ou se détendre tout comme elle. A se cacher jour et nuit elle se sentait encore plus seule qu'avant et ça ne s'arrangeait pas avec son âge qui avançait chaque jour. Elle avait besoin de revoir les Raeders, de revoir la jeunesse pirate pour ressentir sa flamme brûler en elle.

Elle songea alors à son frère, se demandant ce qu'il devenait. C'est vrai qu'elle ne l'avait pas vu depuis très longtemps, peut-être même qu'elle ne le reverrai plus jamais. Elle ne savait pas si il savait qu'elle avait quitter les Séides, qu'elle faisait partie du groupe de rebelles Raeders... Elle ne savait pas ce qu'il savait et elle savait rien sur son devenir... Au fond cela ne devrait pas lui faire grand chose, les Raeders étaient sa nouvelle famille désormais.

Son pelage rouge-orangé était recouvert de neige, fondant son corps dans le décor. Némésis était une louve rusé et portait fièrement son Glowstick, elle savait comment se fondre dans la masse. Mais en parlant de Glowstick, elle avait remarqué l'extinction de ce dernier récemment... Elle ignorait ce qui était en train de se passer mais peu importe, ce n'était pas ses affaires ni à elle ni à n'importe quel Raeders. Les ordre de Paprika étaient clairs : rester caché jusqu'à ce que ces Precursors ce soient calmés ou se soient barrés. Glowstick allumé ou non, elle suivrait les ordres, ça lui garantissait de rester en vie.

Soudain, Némésis entendit des bruit de pas dans la neige. Elle s'est retournée, dévoilant ses crocs blancs. Quelqu'un l'avait repérée... Elle regardait tout autour d'elle mais avec un seul œil à découvert et l'autre voyant trouble, elle était mal barrée. Pourtant elle pouvait quand même voir une tâche noire et rousse non loin, en train de l'observer. Elle n'a rien dit, continuant simplement à grogner après l'individu en espérant qu'il s'en aille sans rien lui demander...

Agravain

La lune était pleine, cette nuit-là. La Grève Gelée baignait dans une lumière laiteuse, et le temps semblait figé. Aucun vent, aucune pluie ni neige, rien à part cette étrange couleur blanche qui donnait à l'endroit un aspect mystique. Agravain se retrouvait au milieu de la banquise, droit comme un arbre, et il regardait tout autour de lui d'un air grave. Ses yeux, d'habitude si doux et pleins de gaieté, était rempli d'un intense effroi. Le souffle court, l'air sortait de sa truffe en formant un brouillard, puis la brume rentrait dans ses narines. Le Rouquin avala sa salive, inquiet, et c'était semblable que d'avaler des orties ou des hérissons. Sa gorge l'irritait. Mais qu'est-ce qu'il se passait sur ses terres ? Agravain gronda, et une lumière surnaturelle éclaira quelque chose derrière lui. Il se retourna, lentement, et découvrit avec horreur le corps de Méléagant, couché sur le flanc, baignant dans son propre sang. Agravain sentit tout son corps se figer, chacune de ses cellules était gelée. Il ouvrit la gueule et hurla de tout son cœur mais aucun son ne sortait de sa gueule béante. Des larmes lui montèrent aux yeux quand il vit à sa gauche une autre lumière. Il se tourna encore, pris au piège, et découvrit les corps respectifs de Winnifred et de chacun de ses neveux et nièces. Élaine, sur le dos, la gueule et les yeux ouvertes, Athelstan, près de sa mère, la mâchoire inférieure arrachée, puis Anastasia, courbée dans un coin. Il regarda vers Méléagant, et le corps avait disparu. Agravain pleurait à chaudes larmes, les corps de sa famille étalés autour de lui dans une mise en scène macabre. Puis une dernière lumière apparut, il se risqua à tourner la tête et le corps de Némésis gisait contre celui de Manji. C'en était trop, Agravain se mit à courir pour fuir ce spectacle morbide, mais rien n'y fait, il restait sur place, comme si la glace le retenait prisonnier. Il hurlait, pleurait, il ne voulait plus voir tout ça, il grognait, couinait et dans la dernière ombre qui restait, les yeux froids et calculateurs des Precursors brillaient. Des sourires carnassiers apparaissent l'un après l'autre, et tout le ciel obscur était rempli de rictus terrifiants, de regards mesquins, et un rire glacial s'éleva au milieu de la banquise...

Agravain se réveilla en sursaut. Haletant, une sensation de chaleur mêlée à une sensation de fraîcheur s'empara de son corps douloureux et courbaturé. Il sentit ses pattes trembler, comme après une course de plusieurs heures. Il leva les yeux et tout autour de lui était plongé dans l'obscurité. Il gémit silencieusement, se leva et essuya une larme hasardeuse au coin de son œil. Il sortit de sa tanière et huma l'air à plein poumon. La meute était toujours là, et ils dormaient tous. Il sortit en prenant soin de passer devant là où dormait son frère, il jeta un coup d'œil rapide, ne voulant pas les déranger, et une fois rassuré de voir le ventre de Méléagant se soulever au rythme d'une respiration profonde, il sortit du Squat en trottinant. Il regarda le ciel, empli d'étoiles brillantes, la lune dominant paresseusement Punk Wolf. Il songea à son cauchemar, il serra les mâchoires, terrifié et fou de rage d'avoir été si effrayé. Il se mit machinalement à marcher vers la Grève Gelée, il voulait s'assurer que c'était bien un cauchemar et qu'aucun corps sans vie gisait sur la banquise. Et puis, cela lui permettrait de faire une patrouille nocturne. Il n'avait pas vu les Éclaireurs dans les environs, ils devaient être plus loin. Et d'un coup, un choc le fit s'arrêter. Ayant pris l'habitude de se déplacer dans l'obscurité, il avait toujours une faible lumière orangée qui orientait ses pas mais cette nuit-là, son épaulette était sombre. Son glowstick s'était éteint. Il tapota d'un geste nerveux le bout d'armure, mais aucune réaction ne se fit. Il haussa les épaules, songeant à aller prier Dairo demain ou demander aux autres détenteurs de glowstick de la Déesse Rusée si les leurs s'étaient également tu brusquement. Il arriva sur la Banquise bien plus rapidement qu'il ne pensait, il était si absorbé par ses pensées que ses pattes l'avaient conduit sans l'aide de son cerveau.

Une odeur familière l'assaillit, il s'arrêta et renifla avec plus d'envie. Curieux, il se mit à chercher l'origine de cette fragrance si douce, si sucrée. La truffe dans la neige, il n'arrivait pas à trouver une piste. Il releva la tête et se contenta de continuer de marcher sans but. Sur la banquise, rien n'existait. Et avec soulagement, il ne vit aucun cadavre. Il se retourna, envisageant de regagner le Squat quand une forme sombre attira son regard. Ce n'était ni un buisson ni un arbre, peut-être un rocher ? Mais en forme de loups ? Il s'approcha et vit que de la neige s'était entassée sur le corps. Il pria pour ne pas trouver un loup mort de froid ou de fatigue. A quelques mètres de la forme, il entendit un grondement, puis aperçut dans l'obscurité de longues dents blanches. Il huma encore une fois l'air et ses yeux s'écarquillèrent :

"Némésis ?" se risqua-t-il.

Il resta loin, ne voulant pas effrayer le lupin en face de lui, attendant le droit de s'approcher ou non.

"Némésis, c'est toi ? Ne t'inquiète pas, c'est moi, Agravain."

Il laissa sa phrase en suspens, conscient de l'avoir tutoyé mais il avait renoncé à cette politesse depuis qu'il l'avait croisé lors d'une chaleur extrême. Il esquissa un sourire, le grognement lui avait au moins la certitude que Némésis était en vie, si c'était bien elle.

Et si c'était vraiment elle, Agravain ne pouvait espérer meilleur soulagement réconfortant après ce terrible cauchemar.

Némésis faisait face au loup étranger, le poil hérissé, le dos couvert de neige. Loup qui resta étranger jusqu'au moment où il commença à parler, atténuant le grognement de la louve Raeder sans pour autant le faire disparaître. Elle plissa les yeux. Était-ce bien lui ? Cela fait longtemps qu'elle ne l'a pas vu ! Leur dernière rencontre doit remonter à avant la désertion des Raeders... Elle força sa vue et reconnut finalement le Brethen, ses cheveux noirs, son pelage roux et blanc, sa cape blanche recouvrant son dos et sa ceinture de dagues... Elle soupira, rassurée.

"Agravain..." lâcha-t-elle comme évacuant la pression. " Je t'aurais presque pris pour un Précursor..."

Elle fit quelque pas vers le Brethen pour pouvoir mieux le considérer de son unique œil. La mâle n'avait pas changé : toujours la même silhouette fine semblable à celle d'un renard et cette allure de chevalier renforcée par ses cheveux bouclés qui tombait autour de son visage. Il était resté le même contrairement à Némésis qui essayait au mieux de cacher ses douleur du en partie à la vieillesse mais surtout à Everbloom qui continuait de couler dans ses veines, lui rappelant par de petits signes qu'il la hanterait jusqu'à la fin de ses jours. Elle ne se laissait pas abattre pour autant par cette vermine et continuait à être fière, à ne jamais se montrer abattue. Pourtant ce n'était pas toujours facile et Agravain avait été témoin de cette faiblesse la dernière fois à l'Erg Ocre. Elle ne pouvait plus lui cacher ça maintenant...
La louve aux cheveux noir s'ébroua, faisant tombé un peu de neige de son pelage sans pour autant retirer toute la pellicule blanche qui le recouvrait.

"Comment vont les Brethens ?... Et comment vas-tu ?" demanda-t-elle après une courte hésitation.

Némésis n'était pas du genre à montrer des sentiments quelconques, mais elle devait bien avouer que Agravain était un des loups auxquels elle se sentait la plus proche. Même si elle ne serait pas du genre à l'avouer là, tout de suite, son sort lui importait beaucoup... Et elle cacherait aussi tout au fond d'elle les quelques moments où elle pensait à lui et à ce qu'il pouvait bien devenir alors qu'elle cheminait en solitaire...

Agravain

Agravain sourit en voyant la louve s'approcher, il se retint de se serrer contre elle. Il était heureux de la revoir, et éprouvait une certaine affection pour elle, une naissance d'amour courtois, sûrement. Il leva un sourcil et un rire sortit de sa gueule.

"Un Précursor ? Ai-je si mauvaise mine que ça ?"

Ses yeux espiègles se posèrent sur la louve, elle semblait fatiguée, et un plus abattue que la dernière fois mais il émanait d'elle une certaine puissance, une beauté insolente. Il détailla chacun de ses cheveux semblables au sien et vit de minuscules flocons couronner son crâne, comme une Reine oubliée. Il baissa un peu les oreilles en l'entendant prendre des nouvelles. Le moral était au plus bas chez les Brethens, mais une certaine euphorie régnait : jusque maintenant, les Précursors avaient complètement oublié les Brethens.

"La meute va bien, ils vivent leur vie, loin de toute agitation..."

Il se tut un instant, hésitant à répondre à sa seconde question. Il n'était pas dans ses habitudes qu'on lui demande de parler de lui, en tant que chevalier, il avait été éduqué pour être discret, silencieux, et serviable envers les autres. Il chercha une chose imaginaire sur le sol et soupira :

"Moi, ça va. Je viens de faire un terrible cauchemar."

Il haussa les épaules et sourit d'une façon qui disait "haha c'est drôle les rêves, n'est-ce pas ?" puis il planta son regard de chêne dans celui de Némésis.

"Et les Raeders ? Et toi ? Comment vas-tu ?"

Il voulait demander bien plus, il voulait savoir si elle n'avait pas subi de pertes suite à une attaque d'un ou des Précursors, il voulait savoir si toute sa famille allait bien, et surtout si elle allait bien. Il s'assit et observa la louve, serein. Il était heureux de la voir, elle semblait éloigner toutes les mauvaises ondes autour d'elle, elle avait dans sa voix quelque chose qui rendait tout plus merveilleux qu'à l'ordinaire. Il sourit une fois de plus, roulant quelque peu des épaules pour que sa cape tombe dessus, il ne pouvait s'empêcher de ressentir le froid qui l'engourdissait peu à peu.

Un sourire en coin apparut sur le visage de Némésis à la plaisanterie du Brethen. Il est vraie que malvoyant ou non, il était difficile de rater un Precursor, ils avait tellement des visages déconfits comme si ils n'avaient pas dormis depuis plus d'une semaine. M'enfin, avec un seul œil visible et à moitié aveugle,
elle avait quand même du mal. Elle replaça son cache-œil correctement, ce dernier ne cachant cependant pas totalement la cicatrice que ce tigre lui avait fait dans sa jeunesse en pleine forêt pluviale alors qu'elle venait de rencontrer un solitaire... Sh'Eym ! C'était son nom... Elle doutait que ce dernier soit encore en vie, tout cela remonte à si longtemps déjà... Elle n'avait qu'un an ou deux.
Si longtemps...
Elle reporta son attention sur son amie, heureuse d'apprendre que les Brethens n'étaient pas trop affectés par les Precursors. Au fond il n'y avait que les Séides qui prenait à cause d'eux, les Brethens étant en retrait et les Raeders s'étant volatilisés. C'était donc une bonne décision de quitter les Séides même si elle paraissait un peu égoïste de ce point de vue là...

"Tant mieux si les Brethens se portent bien, en voilà d'autres que les Precursors n'auront pas..."

Même si rien ne pouvait égaler la stratégie de Paprika et son idée de disparition des Raeders. Némésis était à ses côté depuis bien longtemps maintenant :
d'abord en tant que bêta chez les Séides puis en tant que seconde chez les Raeders, elle avait passé plus de la moitié de sa vie à l'assister. Elle pouvait donc confesser que Paprika avait toujours été une chef brillante et charismatique qui a su prouver qu'elle pouvait faire preuve d'intelligence et de force malgré quelques erreurs qu'elle a commise. Même si beaucoup ne l'ont pas compris, Némésis le savait.
Un cauchemar ? Ce n'était pas étonnant en cette période. Difficile de dormir quand on a des fous qui se sont installés dans le voisinage...

"On ne doit pas être nombreux à bien dormir en ce moment je pense..." commenta-t-elle.

Puis Agravain lui retourna ses question, demandant à son tour comment sa meute allait, comment elle allait... Némésis hésita à raconter la disparition programmé des Raeders. Déjà, si il demandait, il ne devait pas être au courant de leur désertion. Elle pouvait donc lui dire que tout allait bien comme si de rien était ou lui expliquer la situation... Et elle choisit finalement la première option. Il n'avait pas besoin de savoir et elle ne lui mentirait pas en disant que tout allait bien, elle voyait quand même les Raeders parfois lors des rassemblements.

"Les Raeders se portent bien, il y a eu des moments compliqués au début mais nous somme tranquilles depuis un petit moment maintenant." posa-t-elle. "Pour ma part je vais bien... Je suis juste... Fatiguée de toutes ces histoires et j'ai besoin d'un break. Si seulement c'était possible..."

Ces derniers mots étaient sortis de sa bouche sans qu'elle y fasse attention. La fatigue devenait telle qu'elle s'échappait de sa gueule sous forme de mots...

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