Amis de jeunesse [Ft Quartz]

Amis de jeunesse
Ft Quartz.

L'après midi battait son plein, le soleil était plutôt chaud, les oiseaux batifolaient dans le ciel et l'air était parsemée d'une douce odeur sucrée. C'était le printemps ! La saison préférée d'Anie : ni trop chaud, ni trop froid, c'est la saison de la chasse et de la séduction, tout ce qui plait à la jeune prêtresse rose.

Son repas digéré, elle s'était rendue à la bordure de la frontière où la mélodie des moineaux se mêlait au clapotement de l'eau dans le fleuve. Dans un son plus lointain, on pouvait entendre la fureur de la cascade où se cachait le temple d'Ao. Anie fit attention de ne pas glisser sur la mousse et lapa délicatement la surface de l'eau, tendant son cou et pliant ses pattes avec finesse.

L'endroit lui rappelait des souvenirs, c'est ici qu'elle avait franchi le territoire Lazuli pour la toute première fois et fait la rencontre de Quartz et Gloriel. D'ailleurs, il ne devrait plus tarder, il traînait souvent sa carcasse vide par ici. Quartz était un solitaire dans l'âme, mais dans le coeur il aimait la compagnie malgré tout. Anie l'avait vu, elle avait vu ses faiblesses dans la source sacrée. Il y avait quelque chose qu'elle aimait bien chez lui : sa noirceur. Infime, parfois reniée, pourtant visible pour ceux qui y prêtent attention.

En attendant, elle allongea son ventre rond sur le sol et s'attaqua à la toilette de ses pattes, affinant ses griffes et les taillant de sorte qu'elles soient légèrement courbées et à la même hauteur.

Routine s'installait, la nuit hors du camp à errer sur le territoire de la dragonne, il rentrait de plus en plus tardivement la journée. Il ne pouvait même pas dire qu'il servait la meute, il n'avait pas cette utilité qu'avaient les vivants et il ne voyait plus beaucoup non plus ces quelques rares loups qu'il appréciait. A quoi bon tenter d'être autre chose que l'âme errante des Lazulis, on revenait à la fin toujours à la même chose : il était seul et n'avait aucun but ou objectif pour remplir un peu sa non-vie. Bien que pourtant, il avait trouver deux mômes une nuit, deux boules de poil nettement pas en âge de traîner seuls au fond des bois, ils avaient eu de la chance qu'il leur tombe dessus sous le couvert de la lune, bien qu'ils en auraient eu plus s'ils étaient tombé sur un vrai loup appartenant au même monde qu'eux. C'était l'ancienne alpha Anastasia qui les avait récupéré, il avait entendu dire que la naissance de sa portée s'était mal passée, une mère à enfant unique qui avait besoin de plus d'amour à distribuer probablement. Les deux petits machins qu'il avait récupéré étaient probablement sous bonne garde, il passerait voir s'ils s'en étaient bien sorti à l'occasion, juste pour tuer le temps, après ils l'oublieront probablement grandissant et cessant de le voir, évidemment.

Il longeait la rivière depuis quelques dizaines de minutes déjà, cherchant le sentier habituel. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Quartz détestait cette journée, il n'aimait pas beaucoup le printemps non plus, saison où la vie reprenait pour continuer son cycle sans jamais l'attendre lui, celui qui était mort à l'aube de sa vie d'adulte. Perdu dans son propre agacement, il ne la vit pas vraiment de l'autre côté de la rive, il ne traversa pas pour elle non plus. La rivière était relativement agité et déconseillée aux mauvais nageur à cette époque de l'année, la fonte des neiges et les pluies récente ayant rendu le courant dangereux. Mais le fantôme n'avait pas à ce soucier de ça, il ne se souciait même pas de l'eau en elle même, se laissant couler en la traversant pour rejoindre l'autre côté en marchant de le fond. A la différence d'un noyé, il ne ressortit pas de la rivière le pelage trempée, les yeux exorbités, la peau flasque et les lèvres gonflés. Ah s'il y avait bien une chose dont il ne pouvait pas se plaindre, c'est que s'il gardait la même apparence qu'il avait avant sa mort, il n'avait pas celle de cette dernière et donc pas de trou béant dans la poitrine, les louveteaux auraient fait deux fois plus de cauchemars.  
Le mâle tricolore se rendit finalement compte de la présence de la louve alors qu'il allait lui marcher dessus... enfin, la traverser plutôt. Surpris, il recula d'un pas avant de dresser ses oreilles en avant.

« Anianka ? Si je m'attendais à te croiser ici... »

Il se laissa tomber son arrière-train au sol pour prendre une position assise, un léger sourire chassant l'air maussade.

« Mais j'admets que c'est une bonne surprise. »

Mais son apparence l'était moins bien qu'il n'y fit aucune réflexion. C'était quoi cette bedaine ? Est-ce que c'était réellement le même genre de ventre rond que celui des futures mères ? Genre d'où, comment ? Quartz ne savait même pas qu'elle s'était trouvé un copain, il était redevenu âme bien plus errante qu'il ne l'imaginait.

Un frisson parcourut son échine, il était là, mais elle ne l'avait ni vu ni entendu s'approcher. Il était bien le seul à pouvoir la surprendre comme ça, un des points sur lequel le fantôme pouvait se vanter.

Quartz. Salua-t-elle jovialement en tournant le museau en sa direction.

Il n'avait pas changé d'un poil, l'immortalité le réussissait plutôt bien.

Ce territoire est aussi le mien. Commenta la prêtresse avec un sourire narquois.

Il avait finalement repéré son ventre arrondi et le fixait non sans une perplexité apparente. Une surprise ? Pas totalement en ce qui concerne sa venue ici, en revanche pour sa grossesse, il y avait de quoi être étonné.

C'est plutôt moi qui devrais être surprise, on ne te voit plus beaucoup ces derniers temps. Répondit-elle en soutenant son regard.

Que deviens-tu ?

Curieuse ou inquiète, difficile de savoir pourquoi elle s'intéressait tant à lui. Il était probablement le seul en qui elle pouvait faire confiance et puis l'avantage avec les yeux de Moiro, c'est qu'elle pouvait intercepter la moindre parcelle de tromperie. Il était donc hors de question de lui mentir ou d'avoir des secrets avec elle.

Un sourire narquois sur les babines tout en soutenant son regard, cet air de malice fourbe qui ne la quittait pas depuis qu'elle était devenue adulte et ce malgré la déformation actuelle de son corps.

« Oui, bien sûr que c'est aussi ton territoire. Il m'avait simplement semblé remarquer que nos prêtresses aimaient particulièrement rester sur les terres des dieux qu'elles servaient. »

Il lui offrit un sourire un peu moqueur. Si elles n'auraient pas servi les dieux, elles auraient été reines, deux d'entre elles étaient des louves à très fort caractère. Finalement, celle qui servait le raptor était beaucoup plus effacé, c'était à peine si elle existait contrairement à ses paires qui avaient fini par faire parties du lore de la meute.
Mais il pouvait bien parler, lui le fantôme qui ne quittait pas le territoire de celle qui l'avait condamné, tel un gardien maudit prisonnier d'une fausse errance. D'ailleurs, Anianka ne manqua pas de le faire remarquer, il était vrai qu'il ne rentrait plus beaucoup au camp, se renfermant à nouveau dans cette insupportable solitude à laquelle il tentait vainement  de s'échapper de temps en temps.

« Oh rien ne change vraiment, je continue de hanter la terre des Lazulis, ça a profité à deux gamins au moins. »

Il laissa quelques instants le silence s'installer, ses yeux revinrent doucement sur le ventre rond de la louve.

« Mais visiblement, l'errance a peut-être été un peu trop grande ces derniers temps. J'ignorais que tu avais fini par te caser. »

Tant de questions se bousculaient dans sa tête : qui était ce loup ? Ou même cette louve ? Où l'avait-elle rencontré ? Comment ça avait fait pour aller aussi vite ? Le fantôme n'aurait pas pensé qu'Anianka était ce genre de femelle à avoir rapidement des mômes dans les pattes. Pour tout avouer, il était peut-être un poil jaloux. Bien qu'il n'aurait jamais imaginé aucun avenir typique des vivants avec la rousse, le fait qu'elle attende des petits au même moment où Vivaldi avait les siens faisait naître en lui un drôle de sentiment. Comme d'habitude, la vie continuait son cours sans jamais attendre ceux qui avait trépassé, après tout, eux, le temps les avait déjà rattrapé.

Il n'avait pas tort le fantôme, Anianka s'était beaucoup renfermée sur l'Île aux roses depuis sa nomination. Enfin, lorsqu'elle n'était pas hors du territoire.. Anie avait ses propres secrets, personne ne la voyait et pourtant elle savait tout sur tout le monde. Pour ceux qui lui murmurent aux oreilles, ils diront qu'elle est curieuse mais pour ceux qui la connaissent réellement de l'intérieur, ils savent que c'est bien plus grave que cela. Mais les félins savent bien cacher leur jeux, n'est-ce pas ?


Ah oui ? Je suis bien curieuse d'entendre cette histoire ! Intima-t-elle en penchant la tête sur le côté d'un air interessé.

Deux nouveaux gosses dans la meute, elle en avait entendu parler bien sûr.. mais elle ne les avait jamais vu, c'était l'occasion d'en apprendre plus sur leur intégration.

Elle sourit, plus timidement cette fois-ci. Son regard dévia vers ses pattes d'un air étonnamment contrarié. Son attitude taquin disparut derrière le miroir de glace de ses iris pourtant si flamboyantes. Elle soupira par les naseaux avec agacement et releva son regard sévère sur le mâle.

C'est une histoire bien triste que celle-ci, je ne suis pas sûre que tu veuilles l'entendre.

Son sourire s'évanouit sur son visage aussi facilement que si l'on soufflait sur une poussière. C'était bien la première fois que son ami la voyait avec une mine aussi triste et énervée. Bien sûr, elle lui dirait tout à lui il si s'y intéressait. Quartz était le tout premier à l'avoir protégée à l'époque. Elle lui faisait confiance, et c'était probablement le seul en dehors de sa famille.

Il haussa les épaules. Probablement parce qu'elle le concernait un petit peu et probablement parce qu'il n'avait pas l'habitude d'être au centre des racontars concernant des vivants, Quartz ne jugeait pas vraiment cette histoire comme intéressante. Oh pourtant elle l'était probablement un peu, après tout, personne ne savait d'où venaient ces mômes et le fait qu'ils aient été ramenés par le mort qui hantait la meute donnait un petit côté surnaturel à ces petits aux pelages d'étoile.

« C'est juste des p'tits sur lesquels je suis tombé. C'est Anastasia qui s'en occupe maintenant, tu sais, comme une grosse partie de sa portée n'a pas survécu... »

Une mère à qui il manquait des enfants et des enfants à qui il manquait des parents, c'était une drôle de coïncidence et certains diront que c'était les dieux qui avaient liés les destin. Si c'était le cas, le fantôme ne changerait pas d'avis à leur sujet, les divinités étaient des êtres bien cruels, pour une si belle histoire, il fallait décimer et briser deux familles.
Quartz leva légèrement un sourcil lorsque Anianka aborda le sujet de sa propre famille à la question du mâle. Il ne l'avait jamais vu aussi... glaciale. Malgré la curiosité plus que grandissante du fantôme, il comprit bien rapidement que les réponses seraient coûteuses, le prix de la douleur du cœur de la louve. Le mâle tricolore secoua les oreilles d'un gestes sec, à défaut de pouvoir souffler du nez sur le mime d'un comportement agacé.

« Ne la raconte pas si t'as pas envie, d'façon les histoires de cœur des vivants n'intéressent pas les morts, il n'y a plus de battement pour ce genre de connerie. »

Si ça l'intéressait, si la jalousie naissante voulait savoir mais il mentait en faignant le désintérêt et l'agacement à l'histoire pour que la louve n'ait pas à la subir si elle ne le voulait pas. Oh elle devinerait probablement, elle était forte pour ça, le fantôme n'en doutait pas mais il sauvait les apparences du mauvais caractère, qu'on ne le croit pas attentionné tout de même.  

J'espère ne pas avoir à vivre cela. Souffla la prêtresse sans pour autant montrer de la compassion.

Anianka ne connaissait pas grand chose de son ancienne alpha à part qu'elle était proche de sa mère et qu'elle lui a laissé faire tout le boulot. A vrai dire elle s'en foutait un peu, la prêtresse avait le coeur trop noir pour se soucier des autres, elle avait bien trop à faire avec sa propre personne.
Ses iris tournèrent un instant sur le fantôme, elle guetta ses réactions imitées avec une certaine curiosité. Elle pourrait presque en rire tant sa reproduction des vivants était absurde, à la place elle haussa simplement une arcade.

Te voilà donc père, c'est une bonne nouvelle non ? Tu sembles un peu plus vivant chaque jour.

Elle sourit à cette réflexion, mais ce fut de courte durée car ce qu'elle s'apprêtait à confier n'avait rien de joyeux. Elle soupire, cherche ses mots, un silence s'installa pendant lequel une boule gonfla dans sa gorge.

Le mâle responsable de ma grossesse est un monstre, Quartz. Commença la féline. Sa voix était plus fragile, plus.. tourmentée.

J'étais à l'extérieure du camp lorsque cela s'est produit. Je pensais poursuivre quelqu'un, alors que c'était moi qui était poursuivie. Il faisait sombre et je ne l'ai pas vu venir avec son pelage ébène... Seule son odeur de charogne l'avait trompé, mais c'était trop tard il m'avait sauté dessus. Il m'a écrasé contre le sol et j'étais prisonnière de son poids, de ses crocs.

Ses yeux se plissèrent alors qu'ils étaient orientés dans le vide. A cet instant, ce n'est pas le paysage qu'elle admira, mais la scène dégoûtante de ce souvenir.

Il ne m'a pas violenté, bien qu'après cela j'aurai préféré qu'il en finisse. Mais je me suis relevée et j'ai décidée de surmonter ça, j'ai décidé qu'il devait payer pour son acte et que plus jamais personne n'oserait me faire autant honte.

Ses prunelles pétillèrent d'une colère intense et effrayante, personne, ô non personne ne souhaiterait avoir un jour un tel regard braqué sur lui.