Tu dévores les mots tu bois les paroles tu respires les phrases, tu vibres pour une élocution qui t’enchantes, tu trembles pour un regard qui se pose, tu n’es qu’être assoiffé de savoir et ton maître partage ton sang, ton héritage, ta lignée. Avalon tu au comble du bonheur, présentement les malheurs du monde ne sont qu’images floues dans un livre pour enfant. Ton père marches à tes côtés, toujours. Grand, fort, ton père il fait peur à tes amies, mais toi jamais, ô grand jamais tu n’as crains une seule seconde Lieutenant. Tu es jeune, très jeune et pourtant tu sais tout ce qu’il sacrifie pour toi, tout ce qu’il offre sans rien demander en retour. Ton père c’est plus qu’un héros pour rêves candides, non, tu es si fier de poser tes pattes près des siennes, de dormir contre son pelage chaud la nuit, de partager tes repas avec les siens. Tu es fier d’être son fils.
De son côté, Lieutenant était bien loin de s’imaginer toutes les pensées pleines d’espoirs et de douceurs de son enfant. Lui, était plongé dans un fil d’idées neutres au possible. Il avait prit à part sa progéniture ce matin pour lui annoncer qu’il désirait passer la journée avec lui, et c’était vrai. Il n’avait pas de plan en particulier prévu, juste voir la petite bouille de son soleil sourire; ça lui faisait tant plaisir. Qui l’eut cru, que le grand Lieutenant finirait par devenir un père attendri par les gribouillis laids de son fils. Pas lui, en tout cas.
Parce que tu as enfin réussit à avancer, tu as enfin réussit à oublier. Tu n’es plus courbé par la douleur, maintenant, tu es là pour protéger, pour le voir grandir sain et sauf. Ta vie n’a plus aucune valeur que celle de Lebannen. Tu n’es là que pour qu’il rentre en un seul morceau de ses aventures, tu es là pour qu’il ne trébuche pas dans ses courses, tu es là pour lui dire ô combien tu es fier de lui. Tu es fier d’être son père.
Aujourd’hui il faisait beau, la neige épaisse et humide avait enfin décidée de laisser place au soleil. Cela faisait un bien fou pour tout les lupins en présences mais surtout pour cette petite famille. Sortir se dégourdir les pattes ensembles; il l’avait tant rêvé. Avalon trottinait d’impatience, tentant tout de même de garder cette noblesse de tenue qu’abordait sans efforts son paternel. Ce dos bien droit, le menton légèrement relevé et le regard planté vers l'horizon. Bon sang ce qu’il l’admire.
— Père, où sommes nous supposés aller au final ?
Lieutenant prit de longues secondes à répondre, minutes, une heure entière passa pour être exacte. Une heure de marche sans réponses. Il ne voulait pas satisfaire la curiosité de son enfant, il ne voulait pas que celui-ci se mette à avancer avec des buts précis, il voulait lui offrir la patience et celle-ci vient avec le temps. Avalon n'insiste pas, ravalant ses désirs d’en savoir plus pour une simple mine concentrée. Concentré d’attendre. Cette expression provoqua un sourire attendri chez le plus âgé. Décidément, son fils était sa plus grande réussite.
Et après un long moment de marche, sortant d’un petit bosquet, devant eux un immense champs recouvert d’un manteau floral. Les yeux du louveteau s’écarquillèrent sous la surprise du spectacle ravissant et il jappa en faisant un petit bond sur lui-même.
— C’est sublime !
Le jeune mâle adressa un regard à son paternel, lui demandant s’il pouvait s’élancer à toute vitesse dans l’herbe sans se soucier du reste, mais Lieutenant fit un léger non de la tête.
— Avant de courir tête baissée jeune loup, observe tout autour de toi. Cela n’est qu’un simple champs et une simple activité, mais cette simple action de prendre le temps avant d’agir pourrait bien te sauver la vie plus tard. Accroupis toi.
Le borgne prit cette simple position ventre contre terre et leva le museau, sous le vent il pouvait sentir les fumets des proies, des animaux et autres détails de ce paysage. Avalon tenta d’imiter le plus âgé avec une certaine maladresse propre aux louveteaux, mais il s’en sortait plutôt bien.
Ses oreilles frémissent et ça attire son attention, tu vois en lui un éclat de virtuose, une grandeur de talent, tu veux le voir s’épanouir dans un monde de pureté et de bonté mais tu sais bien qu’un jour ou l’autre il finira par se heurter aux violences égoïstes des autres de ton espèce et ça te répugne. Tu ne veux pas lui infliger ça, alors tu lui apprends comment s’en sortir, tu lui apprends comment oublier la douleur et la vaincre, tu lui apprends à ne pas te laisser avoir, tu lui apprends à pardonner.
— … Qu’est ce que c’est ?
Lieutenant braqua de nouveau son attention sur son fils puis sur la chose qu’il fixait avec intérêt. Un petit sourire vint briser ses songes.
— Une fleur de coton.
Avalon qui était toujours ventre à terre sur le sol se redressa un peu, il avait scruté les environs bien avant d’agir et n’avait remarqué aucuns dangers potentiels, ils étaient seuls. Son museau se posa doucement contre la plante et dans un petit rire il nota que cette fleur était d’une douceur singulière.
— Ah !
A la plus grande surprise du louveteau, un insecte décolla de la plante duveteuse. Semblable à sa comparse végétale, l’insecte semblait aussi doux que ces fleurs, adoptant des couleurs vives d’or et d’ébène. Avalon allait s’approcher d’avantage pour poser son museau tout contre la bestiole qui venait de se poser un peu plus loin quand son père le stoppa net.
— ça mon fils, c’est une abeille. Aussi séduisante et attendrissante soit-elle, une piqure de son dard pourrait te provoquer bien des souffrances… Cependant ..
Lieutenant s’approche de l’insecte et lui adresse un petit regard vague
— Si tu auras mal le temps d’un instant, elle, sera sûrement morte car vois-tu, les Abeilles naissent pour protéger, pas pour attaquer. La nature leur a joué un bien ridicule sort en leur donnant la capacité de sacrifier leur vie pour sauver les siennes.
Pour la première fois en cette journée tu grimaces. Le chagrin vint s’installer dans ton coeur et tu restes silencieux, tu y penses. Tu te dis que toi tu es fort face à d’autres, que tu es bien chanceux et que tu utilises si peu cette chance. Tu peux défendre encore et encore mais tu vois aussi les autres attaquer pour le simple plaisir de planter les crocs, pour le simple plaisir de voir la défense tomber. Tu trouves ça cruel qu’un être aussi simple et sainement constitué périsse pour sauver.
Lieutenant et son héritier se remirent en marche, pénétrant dans le champs fleuris. Ce spectacle ralluma la flamme de joie chez le plus petit qui s’ébroua un peu, comme pour ôter ses mauvaises pensées - elles s’accrochent -. Le borgne n’était pas du type à parler pour les autres, il voulait que son enfant façonne ses propres moeurs, qu’il ne décalque pas stupidement ses monologues inspirants, alors il disait le moins possible et laissait les pensées d’Avalon se façonner petit à petit. Aujourd’hui encore ce fut efficace et il en fut satisfait. Tout deux décidèrent de se poser contre le tronc d’un frêle pommier qui peinait à rester debout. Le plus jeune s’étire longuement pour s’allonge sur le sol, observant les feuilles de l’arbre tandis que son père s’installait confortablement lui aussi.
— Tu entends ce bruit ? — Lequel ? — Tends l’oreille.
Avalon s'exécute, il ferme les yeux et se concentre. En effet, un bruit sourd mais lointain parvint à ses oreilles. Le louveteau ré-ouvrit les yeux et jappe.
— Qu’est-ce donc ?! — Vois-tu, sur la dernière branche de ce pommier se trouve un nid d’abeille. Tant que nous restons ici, nous ne sommes pas une menace. Elles nous offrent alors le spectacle de leur survie.
Le ciel est d’un azur parfait, il vient percuter les iris dépareillés du futur maudit qui se contente de sourire en observant ces insectes majestueux. Une reine et des soldats aux armes létales à sens unique. C’est calme et paisible. Harmonieux. Bien loin des Lazulis, mais cela ne vient pas des pensées de cet enfant, il ne critique pas encore la hiérarchie de son peuple; il se contente de l’observer. Pour l’instant il ne dit rien. Plus tard il piquera sûrement sa reine et mourra, mais cet instant ne lui appartient pas.
Cet instant, il le volera plus tard.
— Je t’aime Avalon.
Il s’est endormi. Lieutenant esquisse un sourire. Qui sera le piqué. Qui sera le défunt. Qui perdra son masque.
Accueil 
