And flowers grew wild ♖♥ Libre

And flowers grew wild

▬ ft. Libre

Été 2019.
8ans et demi / Quelques mois

Il y avait des fleurs.

Elle tournait autour de toi, petites pas rapides pour combler une seule de tes lentes foulées. Ses crocs claquaient dans l'air, attrapaient des papillons qu'elle dépeçait immédiatement, laisser tomber sur le sol une miette d'aile colorée. Tu ne la reprenais même plus, ta voix s'éraillait dans le silence lorsque tu tentais de le faire.
Qu'elle fasse.
Qu'elle détruise.
Qu'elle blesse, comme tu étais blessé.
Cœur vide et âme perdu. L'agitation de l'enfant te gardais éveillé, t'empêchais de tomber dans ce gouffre sombre qui tentait de te happer. Celui après duquel tu marchais si proche, celui qui hérissait ton échine comme il pourrait calmer tes troubles, si tu acceptais de t'y laisser tomber. Une déprime qui suintait sur ton corps, qui raidissait tes membres en de lents déplacements, comme si marcher te devenait douloureux.

Tu souffles.

Ton glowstick t'étouffe un peu. Les ailes spectrales s'étaient effacées, remplacées par un demi-cercle porteur de pointes épaisses qui entoure ton encolure et convoite ton dos. Il en coulait parfois un fragment brûlant, une goutte d'un rose vif qui s'écoule et faisait frémir ta peau épaisse lorsqu'elle y tombait. Brûlait l'herbe, lorsque c'est elle qu'elle atteignait.
Ton pouvoir porte tes tourments : tout ça te brûle.

Et les fleurs sont devenues sauvages, et les ombres se sont transformées en arbre.

Et elle, elle profite, Méluciole. De cette faiblesse mentale qui te rend négligeant, de tes préoccupations qui la laisse à ses occupations. Alors elle déraille, oh, oui, elle déraille : elle te file entre les pattes, elle perd ces bonnes choses que tu lui enseignes. Elle recommence à grogner envers tous les membres de la meute, à mordre les enfants. Elle porte sur le monde un regard plein de haine, que tu ne fais que rendre plus fort.
Parce que tu ne t'occupes plus que d'elle, tu la rends même plus dangereuse encore. Avec une voix morne, chaque matin, de reprendre des enseignements qui ne sonnent que perfide à ses oreilles. Vicieuse, devient l'enfant. Elle comprend de mieux en plus le corps, elle corrompt de plus en plus l'esprit. Elle est une mauvaise chose, que tu entretiens.
Parce que tu avais tout perdu, parce que tu avais tout jeté. Il ne te restait plus qu'elle, l'enfant méchante.

Et les fleurs sont devenues rouges, et les ombres ont grandi.

Tu avais d'abord perdu Anianka, que tu considérais pourtant comme une amie. Une déception à son égard, jusqu'à te vienne plus tard une réflexion. Parce qu'elle avait eu raison, à ne te conseiller de te perdre dans le sang. Tu devais trouver la paix sans ta vengeance, concilier enfin tes choix à tes désirs. D'apprendre à être heureux, sans objectif qui ne faisait que te perdre et qui jamais n’allégerait ton esprit. Mais tu avais pourtant besoin de quelque chose, d'un objectif autre que de t'occuper de tes nièces en disparition...
Mais était-ce une bonne voie ? Serais-tu capables de tuer, Teddy, après tout ? Toi, non. Mais l'enfant, oui. Tu la suis de tes yeux violets, parce que tu sais ce qui l'habite. Elle, au potentiel plus lourd encore que ces adultes en devenir. Elle, qui possédait déjà mort entre ses crocs, et allié à ses côtés. Elle, que tu aurais pu faire arme, si tes desseins auraient été plus sombres.
Mais non. Non, Teddy : ce n'est jamais toi qui la rendrait ainsi.
C'est elle, qui le deviendrait seule, si tu continuais à ainsi la laisser libre de ces mauvaises décisions, sans raison à lui transmettre. Alors, tu en resterais finalement le responsable, de tout ça, de ses hostiles agissements envers la vie...

En foulant ses terres, celles de Moiro, tu n'étais pourtant venu retrouver Anianka, pour rattraper ce que tu avais cassé, ni pour lui présenter ta fille. Elle l'aurait blessé, en se jetant sur elle : tu avais encore l'esprit à penser à ça, au moins.

Tu n'étais pas non plus venu retrouver Leikn. La deuxième que tu avais perdue. La perte la plus douloureuse. Parce qu'après le silence, il n'y avait plus rien eu, pas même une apparition d'elle. Son odeur s'était estompée dans le gouffre, c'est presque si tu perdais la moindre trace d'elle. Elle n'était plus là.
Et tes craintes, de les supposer un peu plus réelles à chaque matin qui passait sans que tu ne captes l'ombre de ses cornes et de son corps gracile. Peut-être qu'elle ne reviendrait plus. Elle était parti, loin d'ici, loin de cette tension ambiante. Et de toi, aussi. Ou peut-être étaient-ce ses craintes à elles, qui s'étaient concrétisées. L'appel du sang d'avoir résonné.
Elle était peut-être blessée. Souffrante. Seule.
Ça te rend dingue, Teddy, de penser ça. Ça coupe tes nuits et abrège ton sommeil. Pourtant, tu n'oses jamais aller plus loin sur ces traces, de peur de tomber nez à nez avec elle, de te partager en sentiments.
Parce que tu lui en veux plus encore, comme tu ne cesses de l'aimer.
Et ça te déchire.
Et ça te fait plus mal encore.
Et ça te conduit, là.
Goutte de trop d'un état en berne.

La petite fille déchire un rosier de ses crocs, fait trembler les feuilles et tomber les rouges pétales en une pluie sanglante. Les épines percent ses gencives, il s'y accompagne des gouttes écarlates. Elle sème sa destruction dans ton sillage.
Tu finis par franchir le temple de ta déesse, celle dont tu es le disciple sans plus savoir pourquoi. Méluciole dans tes traces, juste derrière toi.
Elle pose ses dents contre la statue, effrite la pierre. Tu lui caresses les cheveux.
Inspire enfin, comme si tu peux trouver ici un nouveau souffle. Tu as tant besoin d'air.
Alors respire.
Il te restait encore ta déesse, tu venais la trouver aujourd'hui. La Tigresse pour qui tu avais continué de t'entretenir. Gardant ton pelage impeccable, laissant tes cheveux décoiffés retomber sur ton visage pour masquer tes yeux fatigués.

« Déesse Moiro. J'aimerais trouver une voie à suivre. Pour respecter le don que vous m'avez fait et dont je ne trouve pourtant bon usage. Pour faire valoir votre volonté. Pour continuer à trouver ma place en ce clan que vous protégez. »

Un objectif à ta vie. Une chose à accomplir. Une moindre apparition, pour relancer ton panache en berne. Ne serait-ce que savoir qu'ici était sa place...
Ou le silence en réponse, qui ne ferait que te faire prendre de mauvaises décisions.

Dernière édition par Jolitemps le Dim 18 Aoû 2019, 12:37, édité 2 fois

Bienvenue à nouveau, fille des ombres. 

N’étais-ce dont pas ce que tu étais devenue, Descada ? Une louve perdue, dont la noirceur de son poil reflétait celle de son âme. Une âme dont la folie avait fini par prendre le dessus en dépit du fait que tu n’aies même pas un glowstick pour excuse à celle-ci.

Le noir.
Tu voyais tout noir.
Étais-tu devenue complètement aveugle, Descada ? Tu avais pourtant ton oeil indigo qui semblait vivre pour toi. Mais tu ne voyais que du noir.

Étais-ce dont cela dont il s’agissait ? Étais-ce ce que voulait dire cette expression, de « broyer du noir » ? Tu te posas sérieusement la question. Et pourtant, tu semblais avoir mis ta vie, ta conscience, ainsi que ton âme, en dehors de ton corps, en dehors de ce monde, tandis que tu le parcourais sans pensée, ce dès ton réveil au terme du calvaire de tous les endormis, il y a un an maintenant.
Ou étais-ce plus ? Tu n’arrivais pas à t’en souvenir, tu étais que noirceur parcourant un monde de lumière trop brillante, trop brûlante pour toi.

Ton poil était transpirant, moite, épais et sale. Tes longs cheveux blancs à l’origine si soyeux, immaculés, doux et ondulés, étaient aujourd’hui en désordre, emmêlés, formaient des noeuds innombrables et semblaient presque bruns-gris avec cet encrassement accumulé durant ta Longue Route.

Ton corps était raide et faible à la fois.
Tu marchais, mais tu n’en étais pas si sûre.
Tu regardais devant toi, mais était-ce avec ta vue ?

D’où venais-tu, Descada ? Tu ne savais pas si tu pourrais y répondre, si seulement une âme oserait te poser la question. Tu revenais de loin, étant partie sans raison, sans questions, comme si le Sommeil t’avait pris une partie de ton âme.
Tu n’étais même plus sûre de qui tu étais.

Avais-tu faim, Descada ?
Tes côtes marquait ton corps, saillantes, témoins de ta maigreur. Tes yeux, dont un seul couvrait sa fonction, avaient tant pleuré que tu ne savais pas s’il te restait de l’eau.

Ainsi tu arrivas au temple d’une déesse que tu te rappelas au moins son nom, Moiro. Déesse rose, de la grâce, de la beauté, l’opposé de toi. Peut-être aurais-tu pu prétendre à obtenir son glowstick, autrefois. Tu étais cette princesse, que tu te devais d’être.
Mais en ce moment présent, tu étais la princesse des ombres et de la répugnance.
Tu t’écœurais toi-même sans vraiment savoir, la cause, la raison. Et tu ne savais pas pourquoi, ni comment, tu étais revenue sur ses terres, où se trouvait auparavant ta famille. Était-elle encore vivante? Ton frère devrait l’être, même si tu ne pouvais oublier la disparition de tes parents, qui n’étaient cependant pas en ton esprit maintenant, et ce depuis un moment.

Alors, fille perdue, tu t’avançais dans ce temple de l’île au roses. Paradoxe de te retrouver là. Tu y vis deux silhouettes devant la grande statue. Un mâle et une louveteau.

Ayant entendu ses paroles, sans avoir pourtant recouvert toutes tes capacités mentales, ceci dû à la faim, la fatigue, l’épuisement de ton corps qui semblait mourir à chaque pas ; tu t’avançais tel un fantôme vers ces deux êtres bien vivants et parla d’un ton sans émotion aucune et sans intonation. Comme la coquille vide que tu étais pouvais s’exprimer à ce moment précis :

« Un don n’est jamais un cadeau si on ne sait pas s’en servir. La vie est là et te met face à des situations que tu ne sais pas comment affronter. Un clan n’est qu’un terme lié à la peur des êtres de se retrouver seuls… »

Tu tourna lentement la tête vers la gamine, qui te fis pencher la tête.

« Tu es mignonne, petite créature… »

Tu avais parlé d’une voix si faible qu’elle parue inaudible. Tu n’étais pas sûre que quelqu’un entende mais tu éprouvais une certaine fascination pour cette enfant que tu n’avais jamais vue.

 Forcément, tu étais une revenante de la Longue Route.
 Alors, il te faudrait réapprendre.

And flowers grew wild

▬ ft. Libre

Été 2019.
8ans et demi / Quelques mois

Il n'y a pas de réponse.

Il n'y a pas de réponse, de ta déesse.

Elle, de qui tu espérais tant. Peut-être trop. Elle t'ignorait, te tournais le dos lorsque tu aurais eu besoin d'elle. Et ça t'énerve, Teddy. Ça t'énerve tellement que tu baisses la tête sur l'enfant, en soufflant.
Et puisque tu t'énerves, l'enfant s'en va, sans que tu ne cherches à la retenir.
Qu'elle parte, semer tes troubles.
Tu la regardes cueillir des roses, prenant avec soin les épines dans sa gueule sans se soucier des entailles dans ses gencives. Elle aime le goût du sang : même du sien. Elle te revient, passe à côté de toi sans un regard ni en cherchant à te frôler le poil.
Pas d'affection, alors qu'elle jette dans la fontaine ces morceaux de la roseraie. Tu regardes se nimber du liquide brillant ces pétales. Ils se gorgent et explosent, coulent ou se font décor sur la surface. Elle se penche au-dessus, l'enfant, y plonge sa patte, repêche ce qu'elle y a jeté lorsqu'elle finit pas de les couler.
Elle s'amuse, l'enfant.

Et puis vint la voix.

Celle qui te crispe, et fait se coucher tes oreilles. Ta fourrure se gonfle sous la surprise, dans cet instinct de devenir plus imposant face à cette nouvelle venue. Cette revenue.
Celle que tu ne pouvais t'attendre à revoir ici, Teddy. Combien de temps, hein, combien de temps depuis votre dernière rencontre ? Tu te retournes, lentement. Tu sais que sur elle, tu trouveras l'amulette cousine de la tienne, celle qui vous fut offerte à la fin de votre épreuve, comme elle le fut à l'un de ces loups que tu aurais dû considérer comme ton ennemi à partir de maintenant. Quand bien même tu ne pourrais jamais t'y résoudre.
Ses paroles sont étranges. Son allure rachitique.
Elle a changé, bien plus que tu ne l'as fait toi. Elle ne ressemble plus à celle que tu avais quitté, il y a bien longtemps de ça, retournant vivre en solitaire lorsqu'elle était encore Nakhu. Tu n'es plus sûr qu'elle l'est, désormais. Elle ne porte plus d'odeur.

Elle te faisait penser à une fille oracle.

Elle est sur les terres de ta meute, et tu aurais dû la chasser pour ça. Pourtant, tu peines encore à y croire. Tu as l'air hagard des gens perdus, ceux dont la fatigue altère tant les sens qu'il ne pourrait plus se choquer de rien.
Tu crois à une apparition.

« Es-tu seulement vivante, pour me dire ça ? »

Ou était-ce le fruit d'une perfide imagination, bercé par un subconscient malade. Ou peut-être... Tes yeux jettent un regard sur la statue de Moiro. Imposante. Qui vous regarde, tous les trois. Était-ce elle, qui envoyait sur ton chemin le fantôme d'un passé que tu croyais heureux ?
Tu te sens d'un coup perdu, Teddy.
Et lorsqu'elle s'intéresse à la fin, tu l'attrapes pour la rapprocher de toi. C'est une enfant que tu sais mauvaise, par les actes qu'un jour elle commettra. Et pourtant, tu l'aimes assez pour chercher à la protéger, en cet instant présent.
On ne toucherait pas à la fille.
Pas tant que tu serais là, pour veiller sur elle.

Méluciole n'a pourtant pas peur. Elle tend son cou, curieusement. Intriguée, par elle. Parce qu'Augure et elle ressentent les différences, parce qu'elles captent ensemble les pas qui longue la longue route. Elle s'est Perdue, fait semblant de retrouver le chemin.
C'est la première fois qu'elle en voyait une. Alors, elle continuait de vouloir l'approcher. En s'agitant entre les pattes des DeuxCornes, en voulait lui échapper. Elle voulait, sur elle, poser sa truffe. Sentir l'odeur d'une presque mort, d'une vie déjà passée. Savoir ce que ça faisait, de n'avoir qu'un demi palpitant au milieu de la poitrine.
Aurait-elle rangé à la cave ses émotions ?
Jamais tu n'auras vu dans les yeux de la fille se passer tant de chose.
Elle semble captiver, à en oublier ses crocs qu'elle brandit pourtant si aisément. Tu hésites, un instant. Et puis tu relâches ta patte, la laisse quitter ton poitrail.
Elle s'avance vers elle, son regard coloré dans ses yeux si ternes. C'est si rare qu'elle parle, pourtant elle le fait.

« Tu es revenue, Perdue. »

Du royaume d'ailleurs. Elle savait, où tu t'étais rendu : c'est elle, qui le lui avait dit, la mante qui jouait la fleur au cœur d'une orbite de louveteau.
L'Augure avait toujours raison.

Tu ne t'attendais pas à être accueillie bras ouverts, Descada. Oh ça non. Pourtant, lorsque tu vis ce loup violacé coucher ses oreilles brunes sur son crâne, le long de ses cornes cristallines, ton cœur manquât un battement. Ton corps voulu avoir ce mouvement de recul réflexe, mais tu ne pouvais pourtant t'y résoudre. Tu étais complètement déconnectée de ce corps qui t'accueillais. Ou bien tes muscles refusaient de bouger, et resteraient ainsi, immobile, faisant de toi leur prisonnière, comme la statue de la déesse devant toi.

« Tu dis cela de moi, et pourtant tu pries un fantôme. »

Tu penchas la tête, comme pour le contempler un instant.

« Un fantôme, ou une illusion d'espoir. »

Tu reportes alors ton attention sur l'enfant. Tu nota avec agacement le geste protecteur du mâle à cornes envers la petite femelle lorsque tu posais ton œil sur elle.
Ce cornu, qui te semblais bizarrement familier. Tu ne sus le reconnaître avec le temps passé, et ton âme qui était oubliée. Tu ne savais même plus qui tu étais, que tu ne saurais reconnaître un autre.

Tu vis cependant que la louvette semblait vouloir se détacher de l'emprise du cornu, comme fascinée à son tour par ton âme déchue. Tu la regardais s'approcher sans bouger, et tu la détaillais en silence. Il y avait quelque chose de spécial chez cette enfant que tu ne saurais décrire, ni expliquer. Alors tu l'observas, avec ton œil unique, voilé de noir sur ton iris violet, ses yeux à elle, colorés, uniques, mais qui sont deux, eux.

Tu ne connaissais pas la fille, et elle était si jeune que tu n'avais pas pu être en ces terres lors de son arrivée en cette Vie. Mais elle te semblait familière sans l'être vraiment. Et elle, elle te savait perdue.
Elle semblait avoir un don secret.

Ton regard se voile, comme si l'espace d'un instant, en fixant la luciole à tes pattes, tu avais repris conscience.
Mais cet instant fut court, car, rapidement, tu sombras de nouveau dans la perdition.

Cependant tu ne pouvais oublier ton tatouage, ce croissant bleuté sur ton épaule, héritage familial qui te rappellera toujours tes origines - bien que celui-ci était quelque peu couvert de boue à cause de la Longue Route.

« Un morceau de lune se tient ici. Le reste est éparpillé dans le ciel. Je ne sais pas si on peut récupérer les morceaux. »

On pouvait trouver de la nostalgie dans tes paroles, Descada. Que t'arrivais-tu ? Tu étais un morceau de lune perdu par la Longue Route. Mais tu t'étais retrouvée en ce temple qui ne t'appartenait pas. Et pourtant, tu semblais rassurée de te retrouver au milieu de ces deux ombres.

Tu voulais crier, mais tu n'y parvins pas.
Tu voulais pleurer, mais tes yeux étaient trop secs.
Tu voulais hurler à la mort, mais tu n'avais pas assez d'air.
Tu voulais parler de ce qui te ronges, mais tu t'étais résolue à te fermer il y a bien longtemps déjà.

Alors, tu restais ainsi, bloquée sur tes pattes, fixant une Luciole, ignorant l'ombre de deux cornes.

Un courant d'air se lève sur l'Île aux Roses. D'abord il ne s'agit que d'une brise, à peine perceptible, mais bientôt brise se transforme en vent, arrachant pétales après pétales aux rosiers mordillés par le louveteau, puis vent se transforme en bourrasque. Une bourrasque puissante, assez forte pour faire basculer la petite Méluciole sur ses pattes. Les yeux félins des tigres de pierre s'illumine soudainement d'une familière lueur rosée. Les têtes majestueuses des deux prédateurs sculptées se tournent vers les trois loups réunis dans un râpeux craquement minéral. Ils semblent fixer Teddy.
Il semble que la patience porte ses fruits.
La voix langoureuse de la Déesse de la Luxure résonne d'abord dans le crâne de Teddy, inaudible aux autres oreilles.

« Je sens discorde et incertitude en toi, beau disciple. Discorde et incertitude qui s'étend dans ta meute comme une maladie. Guérit-toi d'abord, puis aide les autres à guérir, et vous aurez peut-être un espoir »

La voix de la Déesse s'éleva cette fois réellement dans la Roseraie, entendue de tous.

« Petite ! Prend garde à ce que tes crocs touchent dans mon temple, ou reçoit mes foudres »

Un rire cristallin s'élève, puis disparaît. Le regard menaçant des tigres se pose sur la petite Méluciole une dernière fois, les traits sévères, avant de reprendre leur place et de perdre toute vie surnaturelle.

And flowers grew wild

▬ ft. Libre

Été 2019.
8ans et demi / Quelques mois

Tu te sens piqué, lorsqu'elle se moque presque de toi.
Mais tu le sais, toi. Que tes prières ne sont pas vaines, que tu ne pries ni un fantôme, ni l'illusion d'un espoir. Oh, Teddy. Tu le cherchais bien, l'espoir : mais tu l'espérais bien réel, dans des paroles qui sauraient te guider sur une route meilleure. Des trois mortels qui sont ici, il n'y a pourtant que toi qui porte une dévotion pour le divin : les deux autres en reviennent et n'y croient plus.
Ton regard neutre, posé sur elle, passerait presque pour trop froid désormais. Tu restes impassible. Las et fatigué, te perdant pourtant face à elle. Si tu lui réponds, tu crains de te percuter contre un mur. Ou de lui passer au travers.
Ta tête suit pourtant la même flexion que la sienne, se tournant dans un air qui interroge.
En miroir, c'est ainsi que ce retrouve vos deux êtres.

Si tu te souviens d'elle, tu ne sais si elle se rappelle de toi. Tu n'en as pas l'impression, et tu restes persuadé qu'elle est morte. Une revenante qui ne savait pourquoi ses pas l'avaient conduites ici. Et toi, qui ne savais pourquoi elle était venu à toi.
Ou peut-être était-ce à l'enfant, qu'elle était venue ?
Car il n'y avait qu'elle, pour capter sa véritable attention. La mante capte les fils de l'âme perdue, elle bouge ses pattes, se fait fleur puis se défait au fond d'une orbite. Elle sait. Elle sent.
Tout ce qui est spécial. Ce qui ne l'est pas.
L'intrigue la poussait vers cette louve : elle est maintenant à ses pattes. Avec les couleurs sur le seul qui brille, le seul qui ne s'est pas oublié dans le noir. Celle qui aurait pu être une amie t'oublie, pour ne se souvenir que de la présence de l'enfant.
Celle qui semble la capter, toute entière.
Celle qui est capable de se souvenir de qui elle est, sans jamais l'avoir rencontré. Toi, tu avais son nom sur le bout de la langue. Elle, elle avait son existence toute entière.

L'apparition de ton ancienne vie, fugitive, dit alors chercher les fragments de lune. Ceux qui se sont éparpillés, dans le ciel. Tu as assez parlé aux filles oracles pour comprendre les choses étranges : mais tu ne peux rien répondre, à ça.
Il y a Méluciole, qui le fait tant mieux que toi. Elle s'approche au contact, comme jamais elle ne l'avait cherché avec toi. Une langue qui passe sur l'épaule, avant que les dents ne dévorent du bout des canines la boue : elle fait les puces, avale la terre qui s'en va du poil.

« On peut faire autre chose, du morceau. On peut le laisser devenir entier, s'il ne sera plus jamais lune. »

Elle parle comme sa mère, Teddy.
Elle parle comme sa mère.

Tes yeux se ferment, alors que monte en ta bouche le goût amer d'une déception profonde. Tu ne la changerais pas, quoi que tu essaies de faire. Elle ne serait jamais ta fille : elle resterait la sienne. Capable de partir, avec cette inconnue, sous prétexte qu'elle était différente.
Elle, qui désormais nettoie de la poussière cette manifestation qui ne parait que surnaturelle, tant est improbable cette situation, tant tu te sens déconnecté d'une réalité dans laquelle tu t'es perdu, Teddy. C'est quelque chose de presque affectueux. D'inhabituel, chez l'enfant.
Elle prend soin, elle fait tout avec les dents, mais jamais pourtant elle ne blesse.

Ça te blesse. Tu te sens écarté, de ce spectacle que tes yeux mauves capte sans comprendre. Et tu avais l'impression de sombrer un peu plus, dans une décadence folie.

C'est là qu'elle choisit d’intervenir.
La voix qui fait rebattre ton cœur, qui soulage ton esprit. Celle pour qui tu étais ici venu, avant que tu ne penses qu'elle ne t'envoyait qu'une apparition de ton passée.
La brise se lève, c'est déroutant.
Elle arrache les pétales des fleurs cueillies plus délaissées, souffle si fort que l'enfant perd l’équilibre et grogne alors.

Les tigres te fixent, Teddy, d'un regard rosé qui ne concerne que toi.

Tu entends alors sa voix : précieuse, elle t’enivre. Elle sent ta discorde, elle sent tes incertitudes. Ces mêmes maux qui menaçaient votre meute. Et elle t'invite à te soigner pour, si tel est ton destin, aider à ton tour ces autres à guérir.
Ta respiration s'intensifie, ton organisme cherche son nouveau souffle. Puis tu inclines la tête, si respectueusement.
Tu n'avais besoin que de ça.
Et tu te sens prêt, à devenir une meilleure personne.

« Je vous remercie, Tigresse, pour ces paroles : elles feront la force qu'il me manquait. Veuillez aussi pardonner les offenses de l'enfant, elle ne comprend encore tout ce de monde. »

Et si tu gagnes un soulagement, l'Enfant, elle, grogne encore. Elle se joue de l'avertissement, elle montre à ces regard menaçants des crocs qui le sont tout autant. Parce que tout ça ne peut l'atteindre, parce qu'elle ne peut aimer les dieux. Parce que même avec preuve de leur existence elle ne peut que les détester un peu plus. Elle aurait envie de cracher, d'attraper pour de bon le pied d'une statue pour n'en faire que des miettes.
Ce qui l'en empêche, c'est toi. Toi, et ton regard brillant rivés sur ces statues qui ne bougent désormais plus.
Et ça la dégoutterais presque.
Heureusement qu'il y a elle. La réfugiée, pour détourner son attention du massacre qu'elle organise dans sa tête.
Elle reprend la toilette, alors que tu t'assoies là. Tu la surveilles, mais tu la laisses faire. Tu as l'impression que c'est ainsi que tu aideras celle que tu avais, jadis, appris à apprécier lors d'une épreuve passée en commun.

« Quelle fut la route, pour être oublié des dieux ? »

Parce qu'à elle, Moiro n'avait rien dit. L'enfant se demandait, se questionnait.
Toi, tu n'avais qu'un peu plus l'impression d'être face à une entité inexistante, où seul un loup plus censé que l'enfant aurait pu cesser d'ainsi te faire penser qu'elle n'était plus de ta réalité.

Seulement un songe.

Irréel.

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