Survivre jusqu'au bout [Epreuve de Vie]

Sujet: Survivre jusqu'au bout [Epreuve de Vie] Dim 01 Sep 2019, 16:06

Hanna était consciente que sa fille n'aurait aucun choix pour son avenir. Son futur était déjà tracé. De part sa faible constitution, le rang de Mage lui était fermé. Même si Yurai lui accordait un puissant pouvoir, son caractère ne correspondait pas. Elle était bien loin d'être offensive. Le rôle de Couturier ne lui conviendrait pas non plus. Au moindre effort, ses griffes se brisaient. Il n'y avait plus qu'une seule option possible : Sortcellier. Pour l'instant, elle était bien trop jeune pour avoir un Mentor. Alors, la Solitaire avait planifié cette sortie pour elle. Pour l'aider en lui faisant déjà connaitre certaines plantes médicinales. Cette anticipation lui ferait gagner du temps sur son apprentissage. Elle avait donc laissé Kerguelen aux bons soins de son père pour partir à la cueillette.

Son petit sac improvisé, fabriqué avec des chutes de tissus offertes par Raison, était déjà à moitié rempli. Elle avait trouvé de nombreuses fleurs lors de sa montée dans les Montagnes. Mais elle savait que les hauteurs étaient le refuge apprécié par certaines types spécifiques de végétation. Alors, la voilà, toujours plus haut et seule dans les Monts Célestes. Cela faisait du bien de voir autre chose que la verdure omniprésente de la Vallée des Murmures. Le vent y était également agréable et la vue bien jolie. Son regard finit par accrocher un arbre qui lui fit immédiatement monter un sourire au visage. Du Frêne ! C'était excellent pour une louve aussi âgée qu'elle. Cela permettait de combattre certains effets de la vieillesse. Elle avait de la chance de tomber dessus. Elle se dirigea gaiement dans sa direction. Une fois sous l'arbre, elle se mit à ramasser les plus belles feuilles. Il lui en faudrait beaucoup car elle comptait en apporter à son Bien Aimé.

Ce fut en faisant le tri avec ses pattes que l'accident arriva. Deux fins crochets se refermèrent sur son antérieur droit, juste sous son bracelet à piques. La Dame poussa un cri de surprise avant de découvrir un serpent accroché à elle. Une tête triangulaire et des pupilles fendues. Son cœur loupa un battement. Une vipère ! Elle devait s'en débarrasser au plus vite. Sa première réaction fut de secouer vivement sa patte pour l'en décrocher. Geste inutile, elle ne lâcha rien. Alors, elle essaya de la frapper au niveau des yeux. Qu'elle les lui crève pour récupérer sa liberté ne la dérangeait pas. Mais son ennemi semblait bien coriace. Malgré les coups, il était toujours là, à distiller son poison dans son organisme. Ce n'était pas normal. Et si il s'agissait d'un serpent créé de toute pièces par l’œuvre d'un Glowstick ? Hanna paniqua face à cette éventualité bien sombre. Elle fit ce qu'elle savait faire de mieux : elle prit la fuite. Elle courut sur le chemin rocailleux avec son boulet vivant. Le sol était malheureusement instable à certains endroits. Tout s'effondra sous elle. Elle fut emportée par l'éboulement et atterrit quelques mètres plus bas. Sonnée mais vivante, la mère batailla pour se sortir du tas de terre et de cailloux. Dans son malheur elle avait eut de la chance. Elle ne souffrait que de contusions et écorchures, aucune blessure grave à l'horizon. Et sa chance ne s'arrêta pas là. En inspectant minutieusement son corps, elle découvrit que la vie avait quitté son précédent adversaire. Le serpent avait fini écrasé dans sa chute. Sûrement par le poids de la louve. Elle s'empressa de décrocher l'être dangereux. Elle le jeta avec dégoût bien loin d'elle. Elle ne voulait plus sentir son contact. Elle n'avait qu'une envie : rentrer chez elle, auprès des siens.

Elle s'ébroua pour se débarrasser de la poussière et se mit rapidement en route. Elle se concentra sur son chemin, fermant volontairement ses pensées à l'empoisonnement qui devait la ronger. Il ne fallait pas que la peur reprenne possession d'elle, sinon elle ne parviendra jamais à rentrer. Sauf que le poison était bel et bien là, en elle. Sa panique précédente avait accéléré sa dispersion dans son organisme. Les effets ne se firent pas attendre. Très vite, la fièvre s'installa. Le chaud et le froid jouaient avec elle. Il n'y avait plus aucun juste milieu. Elle se sentait si mal. Les idées folles arrivèrent au galop.

Et si elle se coupait la patte infectée ? Le problème venait bien de là, de la morsure. Peut être que çà irait mieux si elle s'en séparait ? Mais comment trancher son membre sans arme. Elle jeta un regard flou sur le paysage. Une pierre bien aiguisée pourrait faire l'affaire. Ou même ses propres dents ! Ce serait un long processus. L'os ne sera pas facile à briser. Il faudra toute sa force pour y parvenir. Ce serait également extrêmement douloureux. Et cette souffrance l'inquiétait. Finalement, elle n'était pas sûre d'avoir des nerfs suffisamment solides pour s'auto-mutiler. Elle secoua la tête, laissant son sang fiévreux l'emporter sur d'autres rives toutes aussi délirantes que les premières.

En fait, le but était une course contre le venin. Pour la gagner, il fallait descendre le plus rapidement possible la Montagne. Et quoi de plus simple que de créer un nouvel éboulement ? Déjà, elle se mit à sauter sur place. Bah oui, la chute de pierres l'entrainerait forcément vers le bas. Elle gagnerait de précieux mètres comme çà ! Il valait mieux mourir dans les bras de son Ange plutôt que seule sur un chemin rocailleux. Elle avait seulement besoin de trouver la faille du sol. Où paraissait-il le plus instable ? Ses iris dorés ne distinguaient pas de fissures. Pourquoi n'était-il pas abimé ? Il devait l'être pour qu'elle puisse tout faire s'effondrer ! Agacée de ne pas réussir, elle finit par se pencher vers le vide. Et si la solution la plus simple était là ? Faire quelques pas en avant et s'envoler ? Planer jusqu'en bas et hurler pour faire venir sa famille ? Ils seraient tous réunis et tout ce calvaire serait terminé. Au revoir la douleur et la solitude.

Brusquement un croassement brisa le silence. Un cri si particulier car son propriétaire mettait toujours Hanna mal à l'aise. Une Corneille ! Une des sbires de Yurai ! Tout s'éclaircit brutalement dans l'esprit de la malade. Elle recula précipitamment, fuyant la Mort qui lui tendait les bras. L'horreur s'engouffra en elle quand elle prit conscience qu'elle s'apprêtait à se jeter dans le vide. Elle se recroquevilla, tous ses membres tremblotants. Elle devait se calmer. Le poison circulerait plus vite si elle continuait à s'agiter aussi inutilement. Il avait déjà presque réussi à la faire se défenestrer ! La Solitaire se força à respirer lentement. En regardant derrière elle, elle put constater qu'elle avait parcouru la moitié du chemin dans ses délires. Il ne restait plus que l'autre moitié à faire. Elle n'y arriverait pas comme çà. Elle besoin d'un moyen pour neutraliser ou ralentir la progression du venin. Elle observa sa blessure. Les deux petits trous saignaient toujours. Mais elle se souvenait qu'il ne fallait surtout pas lécher une morsure empoisonnée. Cela ne ferait qu'accélérer sa dégradation. A ses côtés, il n'y avait que des rochers et un unique chemin. Pas l'ombre d'un point d'eau pour la rincer. Elle devra restée non désinfectée. A moins qu'elle ne trouve des plantes sur sa route ? Mais là, c'était le désert. Point de feuilles ni de fleurs. Rien de vert. Que du brun.

Elle baissa la tête, cherchant à trouver du réconfort auprès de l'Améthyste offerte par Volstein. A la place de la surface lisse du cristal, elle sentit la douceur du tissu. Du tissu ?! Mais oui ! Son sac ! Il était encore là ! Elle ne l'avait pas perdu dans sa chute. Elle fit glisser la lanière autour de sa nuque et le récipient tomba à ses pattes. Son salut se trouvait sûrement à l'intérieur. Sans perdre plus du temps, elle déversa tout le contenu au sol. Son museau se mit à fouiller dans ce tas de verdure. Enfin, elle trouva ce qu'elle cherchait : du Plantain. Ses vertus contre les morsures venimeuses étaient réputées. Elle n'avait rien à perdre à essayer. Elle attrapa quelques feuilles dans sa gueule. Elle les mâcha avec détermination. Lorsqu'elle n'eut plus qu'une pâte sur sa langue, elle s'allongea et ramena sa patte blessée vers son poitrail. Il était trop tard pour enlever son bracelet à piques. La blessure avait enflé, elle allait boiter. Point positif : elle était ainsi plus accessible. Sans attendre davantage, elle recracha sa mixture et l'étala minutieusement sur la plaie. Les deux trous des crochets du serpent disparurent, engloutis par ce cataplasme improvisé. C'était la seule chose qu'elle avait à sa disposition. Elle ne pouvait pas faire plus. Elle ne devait plus s'attarder ici. Elle se releva doucement, remit sa cueillette dans son sac et reprit sa marche. Elle comptait sur son endurance et sur le pouvoir de la plante pour l'aider à survivre. Un pas devant l'autre. Avancer malgré la douleur et la fièvre. Penser à ses êtres chers pour puiser du courage en eux. Encore et encore. Jusqu'au bout.

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