De nouvelles aventures · Libre

"Ah ben ça alors..."

Si on lui avait dit hier qu'à son âge et après toutes les conneries qui avaient remplies sa vie, il arriverait encore à être surpris, et bien il aurait répondu que ce ne serait pas demain la veille. Il aurait eu tort. Car la vie était capricieuse, apparemment, le destin farceur et l'augure mal lunée. C'était pourtant dur de faire plus surprenant que l'arrivée d'un monstre avec une bouche dans le thorax et un regard qui hantait encore ses nuits... Et la venue d'un enfant qu'on avait engendré en étant ivre, bien que bienvenu. Mais non, la vie trouvait toujours un moyen de lui mettre une caisse de n'importe quoi sur le coin de sa tête nue et scarifiée.

Quelle vie, que celle d'un PWien.

Surprise passée, il observa donc autour de lui, assis sur son gros derrière, les pattes arrières touchant tant le sol que les coussinets disaient bonjour au ciel. 'Clou était... en plein milieu du QG Raeder. Ces bulots endurcis qui avaient essayé de kidnapper Karigan ! Ça aurait pu être une occasion de leur rendre la monnaie de leur pièce, par exemple en chipant l'une d'elle de leur trésor s'ils en avaient... Mais il était seul. Il ne pouvait pas être discret,  ses gros jambons présents en plein milieu de chez eux, là où ils passeraient le plus.

Il prit donc l'option de ronchonner. Il allait falloir expliquer ça à Anette pour ne pas qu'elle déclenche une razzia si elle pensait qu'il avait été pris en otage.... Et ça allait encore décaler l'apprentissage d'Horus ! Mais quelle vie... Quelle vie.

Dans dans sa gueule, un maquereau fraîchement pêché qu'elle rapportait aux bébés de Creek. Ce n'était pas grand chose, poisson trop petit, ils se battraient probablement pour l'avoir mais aujourd'hui, Limule n'avait pas été chanceuse à la pêche. Pas agiles sur la pierre, la louve blanche s'engouffra dans une des multiples grottes qui faisaient de l'île de Morne-oeil une vrai passoire mais qui était très pratique pour y cacher quelques trop louveteaux des goélands. Les oiseaux marins ne faisaient pas de différence entre l'éclosion de bébés tortues ou la naissance de petite boule de poil, d'un autre côté, c'était donnant donnant, les Raeders ne se priaient pas pour aller vider les nids accessibles.
Ces grottes, elle les connaissait par cœur, résultat d'une érosion faite par la mer. Limule savait lesquelles étaient inondables, lesquelles, connaissait les heures et les risques, ce labyrinthe, qui aurait perdu n'importe quel loup n'ayant pas grandi ici. Des lieux à peine aménager ou humide, si inhospitalier pour une durée prolongée que les non initiés auraient du mal à s'imaginer que c'était là que les Raeders venaient se réfugier pour échapper aux tempêtes et aux aléas de la vie sur une île. Personne n'aurait pu les trouver ici, alors vous pensez bien quelle fut la surprise lorsqu'elle tomba nez à nez avec ce gros mal inconnu.

La louve blanche avait reconnu une silhouette canine mais loin de se douter de la présence d'un étranger et la truffe quasi coller aux écailles rayées de son poisson, elle ne remarqua pas le moins du monde que ce loup n'avait rien à faire là. Elle pensa au départ à un des trois frères et la petite femelle avait sauté de rocher en rocher pour atteindre la silhouette, souhaitant venir s'y frotter affectueusement la tête contre le pelage. Limule sursauta dans un glapissement, lâchant le poisson, lorsqu'elle se retrouva sous la truffe du mâle sans le reconnaître. Bondissant en arrière, elle trébucha et tomba sur son arrière-train, son crâne de crocodile lui tombant devant les yeux.
Doucement, la petite blanche releva le crane d'une patte pour regarder l'inconnu de ses yeux bleus. Si la louve était fine et agile, ce mâle, c'était l'exact opposé, un peu comme Ajani, mais en chauve... et en vieux.

« Vous, vous êtes perdu »

Ce n'était pas une question, juste un constat. On les voyait arriver les loups qui partaient du continent pour venir jusque sur l'île. Lui, personne ne l'avait remarqué, Limule aurait été la première au courant, du moins sa fierté voulait le penser. Pour être arrivé jusqu'ici, il s'était passé quelque chose de plus, un tour de Céto peut-être ? Il y avait eu ce genre de chose pendant la quête des cœurs non ?

< Ann ; 2/3 mois


Pour une fois, la louvette était relativement sage au fond de sa grotte. Et la raison à cela c'était que, pour la première fois, ses parents étaient sortis sans leur prodiguer leur sempiternels rappels de sécurité et que l'esprit de contradiction de la noiraude la forçait à ce calme reposant. Bon, en fait, elle somnolait paisiblement en attendant le retour d'un grand à embêter et suivre partout par curiosité. Dans son demi-sommeil, les points bioluminescents de son dos s'étaient presque éteints, la rendant invisible dans ce sombre tunnel humide. Sa respiration ralentie était silencieuse et Mavis, Mary ou Barthélémy n'était pas là pour dormir prêt d'elle et lui tenir chaud, aussi Ann était roulée en une boule compacte dans un creux de la roche. C'est sans doute pour ça qu'on ne la vit pas, et qu'elle sursauta brutalement lorsqu'une grosse patte clair se posa non loin d'elle avant de s'éloigner en lui tournant le dos. La boule de poil sombre fronça le museau et montra ses petits crocs tout pointus prête à aboyer furieusement contre ce loup qui osait perturber son repos avant de réaliser qu'il était immense et gros et pas d'ici. Alors l’inquiétude s'activa en elle et avec elle, sa capacité à être aussi discrète qu'une plume. Malgré les nombreuses breloques de ses cheveux et les os qui s'entrechoquaient au bout de ses dreads lorsqu’elle se releva, aucun son ne fût émis et elle commença à suivre la silhouette de la montagne en longeant le mur de la grotte. Comme il était bien plus grand qu'elle, il marqua rapidement la distance entre lui et la petite louve blonde qui dût courir pour le rattraper. Heureusement ce couloir de rocaille ne possédait pas de bifurcations tout de suite. La voix de Limule s'éleva et la prudence s'évapora. Si l'apprentie de son oncle était là, elle ne risquait plus rien du tout !

« Limuuuule ! Elle m'a presque marché dessus la montaaagne ! »

S'écria l'enfant en dévoilant soudainement sa présence dès qu’elle passa en bombe à côté dudit presque-écrabouilleur. Ann se jeta entre les pattes de la louve blanche en tirant la langue à ce loup sorti d'on ne savait où. Ses prunelles sanguines, héritage maternelle, s'ancrèrent dans celle de l'immense mâle beige à la lumière rubis qui lui piquait les rétines, maintenant qu'elle la voyait en face, et elle le fixa sans plus un mot mais une mine chiffonnée.

Quel bazar… Lewis cherchait juste à clamer la cacophonie de grenouilles qui campaient devant sa tanière, jusqu’à entendre la petite Ann s’exclamer. La Raeder rejoignit Limule et Ann, attroupées autour d’un étranger portant l’étrange odeur des Etelkrus. Le petit groupe de grenouilles la suivirent, attirés par ses marmonnements, en croassant gaiement. La tête de la louve s’inclina légèrement en voyant Limule avant de se poser sur la gamine.

« — Du calme lardons, tu vas faire peur à notre invité. »

Ses eux vinrent finalement se poser sur l’étranger vêtu de beige et de blanc, porteur d’une étrange lumière rouge. La même que celle d’Alys, mais d’une couleur différente… Intéressant.

« — Pardonnez cet accueil, Loup-Surgissant-De-La-Lumière, mon nom est Lewis. À qui avons nous l’honneur ? »

C'était une réelle curiosité, savoir auquel des Etelkrus ils avaient à faire au beau milieu de leur île.

Toute une ribambelle de gens...  'Clou avait eu envie de répondre à la grise quand elle nota qu'il était perdu, avec un "Non, sans dec", mais se ravisa car une appela son nom. Limule, donc. Il n'eu pas non plus le temps de s'insurger de son surnom de la "Montagne" car la violette, Lewis, lui donna en donna un pire encore. Avec l'arrivée d'une autre gamine qui semblait être la jumelle de celle l'ayant traité de pic rocheux, il se retrouva donc face à quatre femelles Raeders. Lui qui aurait juré que c'était tous vieux alcooliques célibataires endurcis. Il essaya de ne pas être trop grossier devant les gamines les plus petites, et observa faiblement Lewis. Il chancelait un peu, là où il était assis, commençant à suer un peu.

"Uh euh... v'pouvez m'pler 'Clou. J'suis... l'croque-mort," balbutia-t-il, sa voix mourant sur la fin.

Ses yeux jonglèrent autour d'eux tous, dans cet espace un peu petit à son goût désormais. Passée était l'envie de ronchonner, ne restait plus que le malaise qui galopait dans ses pattes. Elle lui donnait envie d'ajouter qu'il était sans doutes celui qui prenait le plus de place ici, qu'il serait plus sage qu'il rentre chez lui ! Mais il avait l'impression, l'intuition, qu'on ne le laisserait pas filer si facilement... Et qu'il ne valait mieux pas faire le malin face à ces loups sanguinaires qui avaient effectués des sacrifices. Il se permit une autre parole, cependant.

"J'pas fait exprès, juré."

D'avoir atterrit ici, ses yeux continuaient pour lui.

Une petite voix cria son nom et hop, en quelques secondes, Limule se retrouva avec une petite boule noire entre les pattes avant même d'avoir eu le temps de se relever. La blanche n'eut pas le temps à plus de réaction, à peine reprit-elle conscience de la surprise du louveteau qu'elle avait récupéré que Lewis se pointa, prenant directement la tête de la conversation. Hé bien, si la louve aux grenouilles voulait gérer cette situation, qu'elle le fasse, Limule resta silencieuse afin de profiter du bébé loup qu'elle avait contre elle. Elle resserra un peu les pattes autour de la petite boule noire qu'était Ann' afin de l'avoir plus proche de sa poitrine puis elle entreprit de passer de gros coup de langue rose d'adulte sur le haut de sa tête, laissant Lewis à la discussion, dressant cependant les oreilles en entendant la voix de la seconde jumelle.
La pirate blanche finit tout de même par pousser le louveteau afin de se laisser champ libre pour se gratter l'encolure d'une patte arrière, avant de se relever et s'étirer dans un cliquetis d'os de ses accessoires. Puis Limule se décida d'observer un peu plus ce loup étranger, elle vint se placer juste devant son nez, le regardant les yeux plissés avant d'en faire le tour.

« Ici il peut pas rester, il prend trop de place et... il fait tâche. »

Elle s'arrêta à côté du mâle, puis se dressa ses pattes arrière pour poser ses avants sur le dos large, s'appuyant dessus pour voir Lewis de l'autre côté.

« Mais il passera jamais par les galeries, trop gros sauf que l'entrée principale, à cette heure-ci, elle est inondée, marée haute. Faudra attendre au moins six heures »

Elle reposa ses quatre pattes à terre avant de revenir vers Ann contre laquelle elle vint donner un coup de museau affectif.

« Donc pour l'instant, Monsieur le croque-mort est le prisonnier de Morne-oeil alors autant faire un jeu en attendant ! »

Limule sautilla jusque devant le mâle beige à nouveau, ses yeux dans les siens, un grand sourire sur les babines.

« Première question : Tu les manges vraiment, les morts ? »

Oh peu-être que c'était un ennemi, peut-être qu'il était méchant sous ses airs de papy perdu, si c'était le cas, il suffirait de le laisser là et le regarder mourir de faim, ici, on ne ressortait pas sans déjà connaître le chemin.

< Ann ;


Lewis ne tarda pas à pointer sa truffe à son tour, suivie bien évidemment par sa cour de batraciens. L'enfant la voyait comme une princesse triste et déchue, qui emportait dans son sillage une ribambelle de prince charmant potentiel. Donc aucun n'était à la hauteur puisqu'ils restaient grenouilles et, le plus souvent, se faisait manger par un prédateur ou un autre. De toute façon, son père lui avait dit que les princes ne valaient pas le coup et que la plupart des mâles croyaient en être. Il lui avait fait jurer de ne jamais croire les mâles qui faisaient semblant d'être des rois ou des chevaliers ou quoi que ce soit d'autres parce que dans le fond, ils étaient tous des andouilles ou des pirates. Et s'ils ne l'assumaient pas, c'est qu'il ne méritaient pas ses filles. La noiraude ne comprenait bien sûr pas tout dans ce discours, mais elle avait retenu de se méfier des princes. Hors, devant elles, il n'y avait que la Montagne, pas du tout à l’allure royale. D'autant plus que la violette ne semblait pas inquiète de le voir ici. La voix de sa jumelle résonna alors et Ann, la connaissait par coeur, releva instinctivement le museau vers le sombre plafond. Quoi que bas, l'obscurité présente permettait presque à sa soeur de bien se cacher. Enfin... Si son dos n'était pas picoté d'étoiles orangés !

Le grand loup semblait se décomposer face à Limule et Lewis, alors un sourire naquit sur la face de la louvette. Un sourire triomphale, jusqu'à ce qu'il explique qui il était. Le mange-mort. Contrairement aux deux jeunes adultes, Ann fût très impressionnée par ce mot et un frisson d'effroi lui parcourut le dos alors que la femelle blanche la lâchait pour étudier l'étranger. Ce n'était cependant pas de la peur, mais bien du dégoût, à l'idée de manger des morts. Elle avait eu l'audace, une fois, de croquer dans un merlan abandonné par une mouette et n'étant plus très frais... Eh bien elle l'avait regretté toute la journée suivante ! L'enfant fît la grimace, alors que Limule énonçait un certain nombre de fait certain. La montagne était leur prisonnier cannibale jusqu'à la marée basse... Ce n'était pas tout à fait rassurant.

« Tu vas nous manger aussi si on meurt ? »

Questionna la noiraude en s'approchant à la même manière que Limule qu'elle prenait en exemple, en sautillant, le pas toutefois bien moins assuré et encore pataude.