Echo de Paix

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il n'aimait pas ça. Mais avait-il le choix ? Voila plusieurs heures que Pepper avait quitté l'arbre, le laissant seul avec ses choix, ses pensées. Enfin, ses choix. Quelle bonne blague. Il était invité à tabasser du pirate pour récupérer un enfant kidnapper ainsi que les cœurs divins dérobés. Si l'objectif lui était plaisant, la façon de faire ne l'était clairement pas. Elle avait cherché à utiliser la bonté de Kiro, qui offrait au solitaire la possibilité de passer son épreuve sans être de sa meute, simplement pour qu'il se sente redevable. Et pire encore, elle lui avait offert 'l'ouverture de ses frontières, à lui, un solitaire. Louable. Ou pas. Car sa meute le haïssait. Pour diverses raisons incluant entre autre sa naissance. Trainer sur ses terres, pour lui, revenait à se rendre en seine St Denis de nuit en hurlant un programme pro-FN.

Mais l'enfant.
Les dieux.

Il serra les dents.

- Kiro.

Il soupira, plus constipé sur son visage que rarement il l'a été dans sa vie.

- Je n'aime pas ça. Elle vous utilise pour me prendre dans sa petite ruse d'attaque. Et pourtant, je suis prêt à l'accepter. Pas cette manipulation. Mais cette épreuve, ce don que vous me faites. Pas pour elle. Pas pour la meute. Mais pour vous. pour vous tous, qui avaient été reniés par ses pirates. Qui avaient été pillés. Souillés.

Il se leva, laissant ses épaules craquer sous une tentative de réveil musculaire. Loin dans sa torpeur, il se devait de rester fidèle à ses idées. Quoiqu'il arrive.

- Je ferai ce qu'il faut pour que cet enfant revienne à ses parents, et que les cœurs volés soient rendus à leurs îles, leurs dieux. Et pour que mes chances de réussite soient optimales, j'ai besoin de vous Kiro. J'ai besoin de chaque dieu, chaque aide extérieure.

Il toisa le regard du serpent de marbre. Il n'était pas comme Pepper, loin de là. S'il avait besoin d'aide, il la demandait, sans détours, sans piège, sans surprise. Car une main tendue bénévolement valait toutes les complaisants chantages.

- Mais si je porte votre couleur, aussi temporaire soit-elle -car je vois mal Pepper laisser un solitaire se balader avec librement et impunément-, cela ne fera pas de vous mon dieu. Cela ne vous hissera pas au dessus des autres. Vous êtes, pour moi, tous mes dieux. Vous méritez tous d'être aimés, salués, glorifiés à loyauté égale. En aidant la petite reine dans ses desseins, je ne me bats pas que pour elle. Pour les Etelkrus. Ou pour vous. Je me bats pour vous tous. Mortels comme divins.

Le temps de la rigolade était terminé. Yersine se devait d'être sérieux en ces temps de guerre. Ne serait-ce que pour se convaincre lui-même de sa propre détermination. Qu'il était autre chose qu'un simple pion. Qu'un simple atout d'agilité. Qu'il était, tout simplement, quelqu'un à part entière.

- Je suis prêt à passer votre épreuve. Je suis prêt à reprendre ce qui à été volé.

Du jaune sur du monochrome.

Gotta go fast

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Le dieu était apparu. Rapide, furtif, tout ce que l'on attendait de lui. Et il parla ; longuement. Décrivant les desseins de Pepper, ainsi que ses projets pour lui, le petit loup sympathique. La petite mascotte improbable des dieux. Lui et son ambition digne d'un bisounours, de bien faire, quand bien même il ne faisait qu'empirer les choses.  Il avait attiré l'attention, encore une fois, sur son petit cul stupide et pourtant bordé de nouilles.

Enfin ça, c'était avant qu'il ne soit balancé sur un arbre mort -encore une téléportation, cela commençait a faire beaucoup-, entouré de crocodiles ensommeillés.

Une épreuve de furtivité donc. D'agilité. De rapidité, si les choses tournaient mal. Et c'est sur une promesse de lui éviter d'être croqué que Kiro disparut, désignant une dernière fois de la truffe l'horizon où devait se décrocher, quelque part, la silhouette d'un grand arbre.

Et ça puait pour Yersine.
D'un bref coup d’œil, il su que le nombre improbable de sauriens ne lui laissait guère de chance en confrontation. Probablement aussi parce que ce n'était pas ce qu'on lui demandait, Aka s'en riant d'avance. La terre, elle, était sèche, craquelée, quelques flaques laissant encore les traces anciennes d'un glorieux marécages, désormais asséché. Elle serait donc utile à ses déplacements, plus amples que dans l'eau, plus silencieux aussi. Quant au chemin emprunté, probablement devait il s'appuyer sur les rares trous se formant au gré des étirements des reptiles, entassés comme des Nahkus dans leur foutue grotte.

Alors il inspira, se donnant le courage nécessaire à une telle situation. Et d'un geste lent, calculé, il commença sa marche silencieuse pour descendre de l'arbre mort. Un simple craquement pourrait éveiller les crocodiles, qui, probablement par la conviction divine, s'étaient laissés porter par le sommeil malgré la voix du dieu Serpent. Il aurait dommage d'entamer son souffle dans une course contre la mort dès le début de l'épreuve. Une fois le sol craquelé atteint, il en descendit avec la grâce d'un chat, gardant un œil vif et alerte sur les environs grouillant d'écailles.

Devant lui, un énorme animal ronflait. Trop gros pour être contourné, sa queue s'abattant massivement contre les mâchoires d'un autre, lui faisant alors face. D'un geste ample, beaucoup trop peureux, il chercha à l'enjamber. Lentement. Très lentement. Et probablement devait il remercier la génétique de lui avoir fourni une taille si grande, véritable perche -ou cure dent suivant l'interlocuteur- pour cet exploit. Pourtant, malgré cela, il se rendit bien vite compte que son train arrière ne pourrait se poser sur une si petite zone non infestée. Et à tout moment, l'animal pouvait bouger, le touchant alors, déclenchant un réveil brutal.

Se pinçant les lèvres, il se dandina un temps, se préparant autant physiquement que mentalement à sauter, pour atteindre un rocher non loin, un énième reptile le séparant de son but. Et quand il détendit ses pattes arrières, se fut dans un saut de cabri, imitant presque un renard mulotant, pour atterrir des quatre pattes en douceur sur son nouveau piédestal.

Bon. Il avait fait. Allez, quoi. Cinq mètres ? Et le lit de la rivière en faisant bien un bon millier ? A moins que Kiro soit plus sympathique que prévu, et ne lui fasse faire qu'une centaine de mètres dans un tel bourbier ? Bah, qu'importe. Il ne gagnerai pas l'épreuve de la rapidité et de l'agilité ainsi. Il lui fallait un autre chemin.

Et si les crocodiles savaient nager, il était indéniable qu'ils ne savaient pas grimper aux arbres. Et des arbres, dans un marais, il y en avait pas mal, autant en bordure que dans les méandres salées du lit de l'ex rivière. Il fallait juste y grimper. Parce que bon sang, c'était haut, et les loups n'étaient pas connus pour leur souplesse ou leur escapade dans les branches. Il lui fallait un tremplin, une impulsion. Une force titanesque pour le propulser dans les branches. De là, il pourrait sauter en longueur de canopée en canopée, jusqu'à atteindre un endroit sauf. Là, il ne lui resterait plus qu'a sprinter jusqu'au temple.
Une force que lui fournirai les crocodiles.

Alors, non sans hésitation car son plan était aussi merdique que lui, il bondit de son rocher, s'écrasant de tout son poids sur le dos, non loin d'un arbre, d'un des sauriens. La gueule fut ouverte, un grognement s'en échappant, plus de surprise et de douleur que de colère. Putain, même lui devait se dire que ce plan était a chier, au regard qu'il lança au petit parasite qui trônait fièrement sur ses écailles. Do u fuckin even lift bro ?

Il claqua des mâchoires, cherchant à l'attraper, mais, peu souple, ou bien trop vif, Yersine lui échappa, se plantant le haut de son épaisse nuque, sifflant pour attirer les autres qui s'éveillaient lentement de leur torpeur. Et c'est sous les innombrables regards outrés, choqués, que Yersine se demanda si les crocodiles avaient conscience d'être dans une épreuve, et si tel était le cas, un loup avait déjà tout fait pour les emmerder à ce point. Ils ne devaient clairement pas être assez payé par Kiro pour subir cet affront.

Quoiqu'il en soit, ils se ruèrent sur lui. Ou plutôt, sur leur camarade pas si petit dont la nuque était le sommet d'un plat de résistance bien trop ambitieux. Qui roula sous l'impact, cette vague d'écaille l'emportant au loin. Un tas, oui ; un énorme tas de croco qui se marchaient les uns sur les autres en claquant, en grondant, en se chamaillant comme des gosses. Certains roulèrent en attrapant la patte d'un congénère, d'autres frappaient de la queue. Et à chaque écailles, chaque crocs s'approchant trop près, Yersine profitait de la discordance qu'il venait de provoquer pour sauter quelques centimètres plus loin. L'entassement des reptiles freinaient leur mouvement, et plus ils cherchaient a le saisir, plus ils se grimpaient dessus, s'étouffer entre eux, se confrontaient.

Et quand il fut assez haut, sur son petit tas de croco, le loup bondit sur la branche la plus proche, s'y agrippant de toutes ses maigres forces, pour finalement s'y hisser, fier, mais clairement traumatisé.

De là, le monticule d'écailles, de pattes et de mâchoires semblait bien ridicule. Il leur tira la langue, conscient d'être sauf en cette hauteur, mais pas à cette distance, avant de tourner les talons. Il marcha avec prudence sur les plus grosses branches de la canopée, y décrochant les dernières feuilles, jusqu'à atteindre la limite de résistance qu'il pouvait estimer aux grincements émit par le vieux bois sec. De là, il sauta, y mettant toute son énergie, pour atteindre maladroitement un second arbre, qui plia légèrement de ses racines vers le marais. D'un accoue instinctif, Yersine sauta de nouveau de l'autre coté des branches, stoppant l’abattement de l'arbre. Mais ce revirement de situation n'avait pas échappé aux reptiles, qui, déjà, avaient retrouvé leur cohésion, pour ramper vers le mâle.

Nouveau bond, cherchant la bordure rassurante du lit de la rivière, agrippant dès que possible aux lianes encore robustes. Encore un, plus bas, les arbres se couchant de plus en plus sous son poids et sous leur faiblesse déshydratée. Et un autre, tombant finalement sur les hautes racines embourbées, à une trentaine de centimètres seulement du sol boueux où rampait une vague de crocs au regard luisant.

Il n'était plus vraiment temps de jouer au singe. Alors, dans un dernier petit saut, il atteignit la terre ferme et herbeuse, quoique sèche, des pourtours du marais. Et sans plus atteindre, sentant la fougue meurtrière gagner ses opposants d'un jour, il détala.

Son cœur battait dans sa poitrine, manquant de lui exploser les côtes. Il pulsa dans ses pattes, les rendant douloureuses. Il frappa dans ses tempes, le laissant haleter, ses poumons ne parvenant à suivre le rythme. Et pourtant, il ne se stoppa pas. Car de chaque cotés, de chaque centimètre de bout semblait naitre un saurien, sorti de sa torpeur par ce souffle rauque et fragile ; par les sifflements de leurs congénères ; par l'odeur d'un repas à domicile qui se hâtait de rentrer au sien.

Il ne fit qu'une centaine de mètre avant de devoir recalculer sa trajectoire de course, les habitants du marais lui bloquant la voie sur la berge. Nouveau bond -sacrée savonnette que voilà-, et il s'écrasa contre un haut rocher, évitant une nouvelle fois le claquement sinistre sur ses cuisses. Et pourtant, malgré la distance moindre avec le haut arbre, qu'il pouvait voir de son trône primitif, la vague ne cessait de croitre, plus rapide, plus fougueuse, plus énervée que jamais.
Il semblait en sortir de partout. Jamais Yersine n'avait vu autant de reptiles dans un seul lieu. Et il était quasi certain qu'une intervention divine en était la cause.

Rapidement, l'amoncellement le prit au dépourvu, l'entourant, l'encerclant dans une danse infernale de grondements. Tous si proches. Tous si aveuglés par leur festin. Qu'ils en avaient oublié les petits bonds de cabri de leur repas, qui profita alors que la ligne secondaire d'attaque soit absente pour sauter sur la terre ferme. Tous firent demi tour, continuant leur course ridiculement maladroite sans eau, tandis que lui fonçait comme le vent, au travers de la boue et des arbres morts. A quelques reprises il changea de direction, semant les derniers crocodiles qui lui barraient le chemin.

Et dans un ultime saut. Un dernier effort de ses pattes endoloris, de son souffle saccadé, il quitta la terre de boue pour s'écraser contre les racines du gigantesque arbre. Là, agrippé à la verticale contre le bois souple, il chercha, tel un chat, à l'escalader. Mais ses griffes n'étaient pas rétractiles, et il peina bien plus que prévu, glissant jusqu'à ce que sa queue soit à quelques centimètres des mâchoires claquantes et bondissantes des reptiles.

L'entrée était là pourtant. Sous ses pattes. Bloquée par l'armée grotesque de Kiro.

Alors, il se balança, ses épaules menaçant de lâcher à tout moment, tant la puissance qu'il avait déployé dépassait ses habitudes. En avant. En arrière. En avant. En arrière. En avant.
En arrière.
En avant.

Et il lâcha prise, se faisant balader par l'élan, petite boule de poil dans les airs.

Il tomba sur le sol, roulant bien loin des pattes et écailles qui l'avait menacé, pour glisser, bien malgré lui, entre les racines ancestrales. Il glissa, fermant les yeux dans ce tunnel si sombre, si douloureux ; et quand enfin tout se termina, il était à quelques mètres seulement du temple, à l'entrée même du tunnel intérieur.

Il resta là, quelques instants, reprenant son souffle, maugréant intérieurement contre la stupidité de cette épreuve ; avant, enfin, de se relever, marchant, tremblant, la tête basse, la langue pendante, vers l'autel.

C'était terminé.
Tout était terminé.

Et il s'assit, épuisé.

Echo de Paix

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Glowstick Jaune.

Le dieu lui apparut, tandis qu'il soufflait enfin ; ses poumons brûlant autant que ses pattes. Il eut des félicitations, des conseils. Mais mieux encore, un glowstick. La petite fiole jaune, brillante, apparut à ses pattes. Et c'est dans un geste quoique tremblant qu'il la saisit, à la fois fier et apeuré par ce soudain pouvoir qu'on lui conférait, à lui, un solitaire, un paria.

« N'oublie pas, c'est pour t'aider à accomplir ce qui te semble juste, tu le perdras à l'instant où tu comptes t'en servir pour de mauvaises raisons. »

L'avertissement résonna à ses oreilles comme une promesse silencieuse, un pacte entre le dieu et lui-même. Ce qui lui semblait juste, n'est-ce pas ? Est-ce que condamner un peuple qui ne lui avait jamais rien fait pour sauver un enfant qui n'était pas sien, était juste ? Un enfant, qui plus est, qui appartenait à une meute dont les valeurs n'étaient pas siennes, dans la brutalité et le racisme latent ? Retrouver les cœurs volés des dieux pour condamner un acte répréhensible mais qui, d'une certaine façon, donnait survie aux pirates, était-il juste ?

Et tandis qu'il réfléchissait, Kiro, lui, parlait encore, avant de disparaitre.

« Et ne laisse pas les autres savoir ce que tu as le droit de mérité ou non, même si ça fait râler une certaine petite bleue cheffe d'une certaine meute. »

Sourire.
Oui. Il était adulte maintenant. Il avait beaucoup accompli depuis son arrivée sur ces terres. Il aurait été dommage de ne plus être ce qu'il avait toujours été pour le plaisir d'un tyran miniature. Alors, d'une révérence, il tourna les talons, partant ; non sans espérer que les crocos n'étaient plus à l'entrée de l'arbre.

Il savait quoi faire.
Et comment.

Le seul soucis restait les Etelkrus.