Savoir s'adapter [Libre]

Malédiction casino: Indigestion/gastro

Junlahdwiin

Ces derniers temps avaient été extrêmement difficile. La joie d'avoir enfin atteint son but, celui de rejoindre la surface, de retrouver le monde extérieur s'était mué en un sentiment de vide profond, presque de tristesse avant que la cruelle vérité ne vienne à sa rencontre. Junlahdwiin était l'ancien gardien des ruines sous terre ou du moins, s'il ne l'avait pas véritablement été, au moins un habitant de passage. Bien qu'il savait qu'il avait eu une vie avant, à la surface, une existence dans une meute dont il n'avait plus comme souvenir que ces sensations de ne pas avoir été seul avant, indéniablement, il était devenu un loup des ruines.
Ce qu'il avait toujours rêvé, son espoir si grand de retrouver la surface, s'il avait su qu'au fil des années, atteindre ce but serait une erreur qui lui serait probablement fatal. Là où il avait pu sortir, de cette brèche qui creusait le sol comme une immense plaie, il ne pouvait plus faire marche arrière et repartir de là où il venait, retrouver villes anciennes, galeries et voix, les lieux avaient été inondés. Alors le mâle d'acier, du haut de son tiers, avait du réapprendre les choses, réapprendre la vie. Malheureusement, elle n'accordait pas de seconde chance face aux échec et le loup ocre lui, les accumulaient.

Dans les galeries, la vie était loin d'être simple, la nourriture était rare mais Jun avait toujours réussi à trouver et attraper des chauve-souris, ne laissait pas passer une taupe, profitait des espèces endémique d'une marre unique, il avait toujours su se débrouiller et puis... c'était comme si les voix le guidaient. Mais elles n'étaient plus là, lui confirmant peut-être qu'il n'avait jamais été tout à fait seul jusque là, maintenant il ne les entendait plus, l'extérieur de leur appartenait pas. Jun ne savait plus quel genre de loup il était avant mais maintenant, avec son corps lourd et bruyant, dans ce monde de grands espaces, il ne parvenait pas à approcher suffisant les proies pour les surprendre, les poursuivre s'avérait également inutile, il était toujours rapidement semé.
Si ça n'avait été que ça, en plus de la faim constante -mais dont il avait parfois eu l'habitude déjà dans les galeries- les intempéries l'affectaient grandement. Son pelage fin ne lui permettait pas vraiment de supporter les températures qui parfois allaient grandement dans le négatif durant la nuit, il lui restait encore des marques de gelures à certains endroits. Son pelage était terne et hirsute, ses yeux, plus habitués à la poussière qu'au vent coulaient de temps en temps et le stress de la situation lui faisait perdre quelques poils. Il n'avait pas beaucoup eu le temps non plus de s'occuper de ses parties mécanique, certaines refusaient d'ailleurs de correctement se mouvoir, le pied de sa patte avant gauche était d'ailleurs coincé. Cailloux et terres s'étaient coincé dans les interstices des mécanisme, il y avait même une mauvaise herbe qui avait réussi à pousser quelque part sur son dos.

Avoir trouvé cette proie abandonné avait semblé être un coup de pouce du destin dans un premier temps. La viande était mauvaise mais n'avait pas semblé avariée, pas de trace d'insecte non plus, du moins, il lui avait semblé pourtant, à peine quelques heures plus tard, de douloureuses crampes d'estomac l'avait contraint à se trouver un coin à l'abri. Ce n'était pas un véritable abri, à peine plus qu'un trou boueux où reposait un vieux tronc d'arbre quelque part dans un immense champ d'herbe. Il aurait tout donné quelques temps plus tôt, pour profiter d'un tel paysage, là, il vidait juste le contenu de son estomac avant de se laisser retomber sur le côté, le souffle court, le corps douloureux.

Il avait fini par s'endormir mais sans doute avait-il fait de la fièvre, il avait l'impression que son sommeil était plus épuisant que réparateur. Il avait rêvé également, des images absurdes, penchant dangereusement vers le cauchemars sans que ça en devienne véritablement... vraiment ? Ce fut pourtant dans un sursaut soudain qu'il ouvrit les yeux. A moins que ça ne soit la voix de cet inconnu qui le réveilla.
Jun avait tellement peu l'habitude des rencontres avec d'autres loups qu'il ne prit pas en compte la possibilité qu'il y ait vraiment qu'un d'autres, du moins pas tout de suite. Sa tête lourde encore allongée sur le sol, il chercha quelques instants à se rappeler où il était, ce qu'il se passait. La forte odeur de bile proche de sa truffe lui rappela désagréablement son indigestion. Le mâle ocre sentait encore la brûlure et les crampes de son estomac mais sa petite sieste avait été un minimum bénéfique, il lui semblait être un poil moins au fond du gouffre – bien que tout ça ne serait pas arrivé, s'il y était encore, dans un gouffre- bien que tout ses muscles étaient encore douloureux et courbaturés à force de manquer de nutriments et de soin. Son œil mécanique parcourut alors légèrement les alentours alors qu'il gardait sa tête au sol. L'herbe, la boue, le ciel, une silhouette lupine, des insectes... sa réflexion se stoppa nette. Une silhouette lupine ?
D'un seul coup, Jun se redressa, dans grincement abominable des mécanismes manquant terriblement de soin, tirant une grimace au mâle ocre qui du forcer un peu pour ne pas se retrouver coincer à mi-mouvement. Ses yeux se posèrent alors sur un autre mâle, blanc, bleu et et fauve et le loup mécanique ne sut comment réagir plus, restant ainsi figer, encore à demi couché, dans un état lamentable face à cet inconnu.  

Oh, l'inconnu allait l'aider, du moins c'est ce qu'il prétendait avant de s'éloigner. Jun ne savait trop quoi en penser, il ignorait toujours quel comportement adopté face aux loups, face aux êtres de la surface. Dans les souterrains, c'était plus simple, manger ou être manger et de toute façon... jamais personne pour se comprendre ou avoir l'impression qu'une communication était potentiellement envisageable. Il se releva totalement durant l'absence de l'autre, faisant un bruit d'enfer à cause de tout ses mécanismes encrassés, il allait vraiment devoir faire une pause dans tout ça pour sérieusement s'en occuper, sinon il risquait de finir rouiller sur place, prisonnier de ce corps qui l'avait sauvé des années auparavant.
Finalement, l'inconnu revint avec en gueule un petit bouquet de feuilles vertes qu'il déposa à ses pattes avant de lui expliquer leur utilité, il enchaînant en attrapant et déposant un bout de mousse gorgé d'eau à côté. Des plantes, Junlahdwiin n'en avait pas vu beaucoup dans les galeries, quelques mousses et lichen tout au plus, parfois une plante plus feuillue dans un puits de lumière, ensuite, que des arbres morts de ces villes qui devaient être autrefois ouvertes ou illuminées. Aussi, il fut bien incapable de savoir ce que le mâle lui avait donné, s'il y avait véritable volonté d'aide ou simple tentative de se servir de sa crédulité pour le piéger. Suspicieux, Jun resta silencieux, fixant l'autre loup, le diaphragme de son œil mécanique bougeant dans un petit cliquetis comme s'il essayait de se régler ou de zoomer, qui sait ? Seul Jun le savait véritablement.
Finalement, le loup d'acier finit par accepter l'aide, ses pièces mécaniques grinçant à nouveau entre elle alors qu'il essaya de s'asseoir avant de se pencher au dessus des feuille, il les renifla un peu avant de commencer à les mâchonner. Il fut d'abord surpris par le côté urticant de la plante et ne put se retenir de foudroyer du regard l'inconnu quelques instants bien qu'à force de mastication, les piqûres finir par passer. Il finit par attraper la mousse qu'il serra entre ses crocs pour en sortir toute l'eau avant de la recracher. La technique avec la mousse, il la connaissait.
Restant assis et courber, Jun finit par détourner le regard, les oreilles en arrière, restant encore méfiant tout de même.

« … Merci. »

Sans doute.

Lorsqu'on vit constamment avec un toit au dessus de la tête, on ne prend pas forcément l'habitude de regarder le ciel, aussi Junlahdwiin fut surpris ce voir cette ombre immense surgir entre lui et l'inconnu pour l'interpeller par la version raccourcie de ce nom qu'il portait. Le loup sable eut besoin de quelques instants pour reconnaître celle qui les avait rejoins, la laissant parler, s'expliquer, repartir aussi vite qu'elle était venue. Ce fut lorsque la créature ailée s'envola à nouveau que sa mémoire se souvint, c'était la louve ange, celle du rêve lointain qui lui avait semblé un instant être réalité. L'était-ce ? Elle semblait concrète et exister, le mâle inconnu la regardait, elle existait pour lui aussi et malgré tout elle connaissait son nom. Il mélangeait ses souvenirs, les vrais, les faux, dans les galeries où il avait vécu seul si longtemps, c'était la seule chose qu'il restait à faire, mélanger réalité et rêve.
La silhouette de la louve ailée disparaissant à l'horizon, Jun fut attirer ensuite quelques instants par la proie abandonnée. Tout son être hurlait de se jeter sur ce repas facile en dépit de toute bonne conduite ou de questionnement sur la présence de cette proie ici -il ignorait qui des deux loups l'avait rapporté, ne l'ayant pas remarqué dans la patte d'Eva. Mais son estomac l'incita à détourner le regard, la brûlure de l'infection provoquant un haut le cœur à l'idée même d'avaler quoique ce soit.

La voix du mâle qui l'avait aidé jusque là le tira de ses pensées, se proposant encore une fois pour lui offrir une aide. Penchant une oreille sur le côté, Jun lâcha méfiance et tension pour un air un peu désemparée suivi d'un soupir.

« Je ne sais pas trop... je suppose qu'il faudrait tirer un peu dessus ou un peu d'eau pour chasser la terre mais en réalité, la bonne solution serait de tout démonter. »

ça lui était déjà arrivé de la faire, quelques pièces, rien de bien compliqué à gérer mais au vu de l'état où il s'était mis il allait sans doute falloir plus et ça, il n'avait jamais essayé.

« Mais pour être honnête, je ne suis même pas certain que ça puisse être possible. »

La plupart des pièces n'étaient pas que simples prothèse mais ce qu'était devenu son corps, comme une colonne vertébrale ou une partie de crâne.

Si Jun avait oublié la plupart des codes sociaux, si sans doute, il serait lent à comprendre ce que signifiait une attitude, il sentit bien cette tension qui montait, enfin, surtout quand le mâle s’en alla pour dire vrai. Il baissa un peu la tête, les oreilles, discret derrière les deux loups qui cherchaient à l’aider. Il se sentait coupable, s’il n’avait pas évoquer son idée de démonter les pièces, s’il n’avait pas été malade, s’il était parvenu à s’en sortir dans ce monde extérieur. Au-delà de tout ça, et s’il n’était jamais sorti de ses galeries? Peut-être que sa vie étaient plutôt à se dédier à elle, que c’était vraiment sa destinée de tomber dans ce trou, après tout pourquoi on lui aurait sauvé la vie si ce n’était pas le cas?

Lorsque le mâle ocre se retrouva seul avec la louve ailé, il ne put qu’afficher un air gêné avant de baisser son museau vers le sol sans un mot, grattant la terre de ses griffes d’acier sans vraiment y faire attention.
Mais il revint le mâle! Pour l’aider lui plus que par affinité avec la louve, relevant son regard vers lui, le diaphragme de son œil mécanique fut une mise au point bruyante comme le réglage d’un appareil photo. C’était... si gentil, ils étaient tout les deux si gentil. C’était étrange de voir les autres prendre tant de soin à s’occuper de vous quand au final, on s’était toujours débrouiller seul, qu’on avait toujours vécu seul.

« ... merci »

A vous deux, d’être là, de simplement revenir à chaque fois, apportant toujours un peu plus d’aide alors que sans doute, il aurait dû juste mourir dans ce trou, son corps finissant d’être la carcasse mécanique oubliée et envahie par les plantes.