Think, with your claws l P.V. Nala

Si c'était une période temporelle un peu hasardeuse, elle était au moins notable par l'espède de félicité dans laquelle se trouvaient plongées les pensées d'Ajani depuis quelques temps. Depuis un moment précis en vérité, qui éveillait en lui des émotions contraires - oscillation entre une sorte de gêne ou de trac, et quelque-chose d'autre de bein plus positif et de bien plus heureux. Les jours s'étaient écoulés depuis, et il avait vu Eva se remettre progressivement de ses blessures, à sa plus grande joie. Et était venu le jour qu'il avait à la fois attendu et craint de la reprise de leurs entraînements. Si cette petite routine lui manquait un peu, il portait également avec lui la crainte de la blesser à nouveau sans le vouloir, et de la clouer au sol pour encore de longues semaines. Il avait bien vu combien cette liberté arrachée durant sa convalescence forcée avait eu d'impact sur l'attitude de la louve bicolore, et ne souhaitait en aucun cas lui faire réitérer l'expérience.

Le rendez-vous était fixé aux Champs Mystiques, de bon matin, sous les rayons d'un soleil printanier qui teintait le paysage d'or et de lumière blanche. Il ne fallut pas longtemps à l'Oracle pour se rendre sur les lieux, le trajet faisant un excellent échauffement à ses muscles qui devraient mouvoir plus agilement que de coutume sa large et haute silhouette. Si lui-même tâchait d'entretenir sa forme en chassant et patrouillant sur le territoire chaque jour, ce n'était pas vraimetn comparable à un véritable combat contre un congénère. Et surtout pas contre Eva, qui - il l'avait bien vu lors de leurs dernières séances - avait opté pour un style de combat tout particulier et contre lequel sa force ne pouvait pas grand chose. Si elle réussisait ses coups, il se retrouvrait impuissant, en revanche si elle échouait elle parvenait difficilement à l'éviter, concentrée sur son action précédente. Pour lui il y avait un point d'amélioration potentiel : celui de voir venir les coups qui l'imobiliseraient, voire même d'apprendre à composer avec. Pour elle, en plus du perfectionnement de ses techniques, il y avait la gestion de leur échec. Finalement tous les deux devaient apprendre à se remettre rapidement sur leurs pattes quand les choses ne tournaient pas comme ils le souhaitaient.

Il s'avança donc dans les champs mystiques d'un trot assoupli par le trajet, à larges foulées, et ses yeux clairs ne mirent pas longtemps à trouver la silhouette ailée qui se trouvait étendue au sol non loin. Son coeur bondit dans son poitrail à sa vision, et une lueur chaleureuse s'alluma dans son regard.

"Bonjour Eva." Lança-t-il avec un sourire. "Comment te sens-tu ce matin ?"

Il s'approchait pour la frôler de son museau. Ils étaient seuls, et il appréciait la complicité toute particulière qui s'était créée entre eux ces derniers temps. Il l'appréciait beaucoup.

Il secoua doucement la tête avant de lui lancer un regard en coin, indubitablement amusé, lorsqu'elle sous-entendit qu'une telle proximité risquait de mettre à mal leur entraînement. En d'autres circonstances, il aurait probablement été un peu gêné par ce sous-entendu, mais il flottait encore dans une bulle de félicité mentale qui lui donnait simplement envie de sourire d'un air un peu mutin à cette idée. Il eut un petit souffle avec le nez, pas tout à fait un rire, mais presque, et répondit doucement :

"Pardonne-moi. Je suis venu en tout innocence."

Bon peut-être était-il un petit peu gêné lui aussi, mais c'était si délicieux comme sensation, il était si heureux qu'il prenait cela comme une chose positive de plus qu'elle lui apportait et n'y voyait pas de négatif. Il la regarda se relever sans mot dire, contemplant simplement sa silhouette gracieuse avec l'émerveillement qu'elle lui inspirait, et commencer elle aussi à s'échauffer, tout en lui affirmant qu'il était bien inutile de retenir ses coups. Ce serait sans doute là l'aspect le plus ardu de leur entraînement. Il l'avait vue si blessée que son esprit rejetait véritablement toute idée qu'elle le soit à nouveau - et il avait la secrète intention de s'en tenir au pire à des hématomes, mais pas d'attaquer véritablement avec griffes et crocs. Et l'espoir inavouable qu'elle réussisse à le mettre au sol et à esquiver ses coups suffisamment pour qu'il n'aie pas du tout à la heurter. Mais ça n'en ferait pas un entraînement très instructif, probablement... Il s'ébroua et répondit :

"Je te propose que d'attaquer chacun notre tour, pour pratiquer, mais également se concentrer sur la manière de retourner en combat lorsque l'on échoue à esquiver ou toucher l'adversaire. Et de terminer par un duel amical. Qu'en dis-tu ?"

Il fit quelques pas de côté pour s'éloigner, ses prunelles claires rivées sur elle, lui laissant naturellement le premier assaut, si elle était d'accord.

Ses iris clairs accrochés à la louve contemplèrent sans mot dire le changement qui s'opérait dans son faciès. La louve calme et innocente revêtait son masque de prédateur, réveillait les instincts qui couvaient dans l'esprit de tous les loups. Lui-même inspira profondément et tendit ses muscles, baissa la tête et rabattit les oreilles. Ses pas se firent plus souples, plus posés, comme calculés avec grand soin. Un instant s'écoula durant lequel ils se contentèrent de se fixer, les prunelles flamboyantes. Il voyait rouler sous son pelage fin les muscles élancés qui s'y dessinaient, qui la faisaient se mouvoir avec tant de grâce et de légèreté, qui portaient comme des étendards ses grandes ailes. Elle était rapide, trop rapide pour lui. Lui était lourd, il devait absolument toucher sa cible sans quoi il était terriblement exposé. Leurs exercices étaient des plus intéressants pour eux-deux.

Il ne vit pas arriver le premier, assaut, pas assez vite au moins pour l'éviter. L'ombre noire fondit sur lui avec vivacité, et à peine un bruissement de plumes. Elle le connaissait bien, et de ce fait faisait un adversaire de taille. Elle connaissait ses points forts et ses points faibles. Il amorça un mouvement pour l'éviter, voire même réutiliser la vitesse qu'elle avait prise pour la retourner contre elle, mais cela ne suffit pas. Elle le heurta de plein fouet, faisant vaciller son équilibre et claquer ses mâchoires avec une vibration douloureuse. Son grand corps tituba une fois puis roula sur le côté, projeté à demi sur le flanc. Il laissa l'inertie le lancer sur le côté pour échapper à l'emprise de la louve ailée et se remettre sur ses pattes. Avant que la douleur ne se rappelle à son corps et profitant de la décharge d'adrénaline qui y courait, il se jeta aussi pour riposter.

[Lancer 2 dés FOR pour l'attaque d'Ajani]

Il crut la toucher, elle se trouvait là devant lui, à saportée. Son mouvement avait été juste. Mais un instant plus tard, elle n'était plus là. Son corps souple s'était glissé entre ses assauts, souple, insaisissable. Ombre elle s'était faite, ombre elle demeurait, impossible à saisir entre les griffes et les crocs. Ses mâchoires se refermèrent sur de l'air, saturé de son odeur mais dépourvu de sa présence physique. Emporté par son élan, il décida de ne pas ralentir et se contenta de se réceptionner et de pivoter sur ses épaules aussi, dessinant un arc court pour revenir à sa cible. Il ne pouvait pas miser sur la vitesse de son corps, mais déjà son regard attrapait à nouveau la silhouette dans un coin de son champ de vision. Il se sentait capable, avec sa trajectoire, d'enchaîner une autre attaque. Autant profiter du fait qu'elle lui ait échappé, et était potentiellement elle-même entrain de revenir en combat, pour lancer une seconde offensive.

Il tira sur ses muscles pour forcer un peu plus le virage - une manoeuvre un peu risquée vu sa masse, mais l'excitation du risque était quelque-chose qui rendait les combats d'entraînements plus palpitants puisqu'ils ne comprenaient pas les autres dangers d'un vrai combat - et s'accorda une large foulée pour se jeter à nouveau dans sa direction. Ses griffes arrachèrent quelques mottes de terre au sol alors qu'il s'y raccrochait pour prendre son élan, tous crocs dehors.

[Lancer 2 dés FOR pour l'attaque d'Ajani]

Encore une fois, elle disparut de son champ de vision à l'instant où il aurait dû la toucher. Aussitôt, son équilibre précaire le rattraper, et il fit une foulée maladroite, emporté par sa masse lancée à toute vitesse. Il ne fallut qu'un instant pour qu'il soit complètement déséquilibré. Les pas qui suivirent furent saccadés, il perdit l'espèce de souplesse presque féline qu'il parvenait parfois à toucher lorsqu'il savait jouer de la vitesse pour contrebalancer son manquer d'agilité. Il redevint le grand loup un peu lourd, qui s'acharne à poursuivre une hirondelle. A peine s'était-il rattrapé de lui-même qu'il vit du coin de l'oeil l'ombre fondre à nouveau sur lui et le frapper avec précision au-dessus de la patte arrière. Sa hanche eut une sorte de réflexe étrange qui acheva de le faire trébucher, et il roula au sol avec un grognement étouffé. Il laissa couler une seconde, signe tacite d'une pause dans leur combat, et se redressa assis, secouant la tête pour que ses cheveux retombent à peu près correctement sur ses épaules.

"Magnifique." Lança-t-il avec un sourire amusé.

Il se remit debout et testa ses quatre membres, histoire d'être certain de pouvoir repartir à l'assaut. Puis il donn aà nouveau la charge, une fois la sensation d'engourdissement passée. cette fois-ci, il se dirigea droit vers elle à foulées plus souples, plus lentes, pour tenter d'anticiper la direction qu'elle pourrait prendre dans une tentative d'échappée.

[Lancer 2 dés FOR pour l'attaque d'Ajani]

Cette fois-ci, le lion fut plus preste que l'oiseau. Il la cueillit entre ses énormes pattes et ils roulèrent au sol, jusqu'à la plaquer au sol sans aucun doute avec un peu plus de délicatesse qu'il ne l'aurait fait avec un véritable ennemi. Dans un combat, cela aurait pu être le coup fatal. Cela où avoir sonné son ennemi lui offrait l'ouverture de sa gorge, le laissait à la merci de sa gigantesque stature à laquelle il était bien plus simple d'échapper que de s'en débarrasser. Il fourra le museau dans le cou de la bicolore avec un grognement affectueux, puis s'écarta d'un bond sur le côté, le regard brillant.

"Tu as fait beaucoup de progrès." Lança-t-il en détendant sa silhouette, signe que lui ne prévoyait pas une autre attaque pour tout de suite. Peut-être même pas pour ce jour-là. "Je n'aimerais pas être ton ennemi."

Pour ça, et pour beaucoup d'autres raisons.
S'il avait craint que sa rencontre avec Safran n'aie entaché ses capacités et son agilité, il pouvait désormais être rassurée. La belle louve était toujours aussi vive et rapide, était toujours cet oiseau virevoltant à la légèreté qu'il ne pouvait même pas imaginer, lui si lourdement cloué au sol. Il savait que demeurait la tâche de son combat contre sa demi-soeur qui avait mal tourné, et hésita à lui en parler. Peut-être pourraient-ils en discuter un jour ou l'autre et comprnedre comment la pirate avait réussi à la clouer au sol, par quels moyens elle avait attaqué, comment elle était parvenue à l'attraper. Cela pourrait faire le sujet d'un entraînement intéressant. Il eut la vision brève et cocasse de lui imitant Safran en surgissant des flots, et l'ombre d'un sourire passa sur son museau. pas juste une ombre, en réalité, un franc sourire.

Il lui lança un regard interrogateur, pour savoir si elle désirait continuer ou non.

Il fut touché par le compliment, dont il ne doutait aucunement de la sincérité. Et pour cause, il avait conscience que la louve bicolore était exactement le genre d'ennemi capable de le mettre à terre, parce qu'elle n'était que vitesse, souplesse et agilité. Lui ne pouvait espérer l'également, mais leurs séances lui avaient au moins appris à jauger avec plus de précision où l'emmèneraient ses mouvements, comment y réagir, comment utiliser un peu mieux la force brute qu'il incarnait pour mettre la patte sur ce délicat feu-follet. Tous les deux faisaient de parfaits adversaires de combat. Il la remercia d'un regard chaleureux, et frémit au contact de sa langue sur sa joue. Il eut envie de rire, presque bêtement, bêtement heureux de partager ce moment avec elle. Il lui rendit son geste d'affection, et lança :

"Veux-tu rentrer avec moi ?"
Ou t'envoleras-tu vers d'autres cieux ?

Il ne lui en voulait pas d'être si souvent partie par monts et par vaux. Elle avait connaissance de bien des choses qui se passaient sur le continent, de bien des loups aussi de tous les clans. Il savait que c'était là son mode de vie, qu'elle était heureuse en passant ses journées à voler de gauche à droite, à explorer, à faire de nouvelles rencontres, et de ce fait elle avait toujours énormément de choses à raconter. Mais il fallait bien admettre que le moment que lui préférait, un peu égoïstement sans doute, était celui où elle revenait de ses voyages pour à nouveau se blottir à ses côtés.