Curieuses terres l PV Yuurei

La Vasque de la Lune était la terre désolée la plus proche de celles des Nakhus. Maintenant qu'il était assez grand pour qu'on le laisse aller seul sans s'inquiéter toutes les cinq minutes, Cendres avait choisi d'aller explorer un peu ces terres dont tout le monde parlait mais qu'il n'avait pas eu l'occasion de voir de ses propres yeux. Accompagné de son fidèle écureuil, perché sur son épaule, le loup à la cape blanche avançait à pas précautionneux, empruntés. Il donnait l'impression de flotter au dessus du sol. Il ne savait où ses pas le porteraient exactement, mais il n'avait plus peur de ce qu'il pourrait rencontrer. Il était sûr de pouvoir ne serait-ce que s'enfuir en courant, Menthe le guidant à travers les arbres pour lui indiquer la meilleure route à suivre.

Alors il avançait, une patte après l'autre, le museau en l'air, attentif. C'était... Plutôt joli comme endroit, pour des Terres Désolées. Peut-être n'avait-il pas choisi le lieu le plus à-propos ? Il avait ouï-dire que certains avaient été préservés par les dieux eux-mêmes.

Après avoir passé une petite colline, se dévoila sous ses yeux le coeur de la Vasque. Il se raidit, pupilles écarquillées, souffle coupé. Le lac... Il brillait. Cendres s'assit avant que ses pattes ne le portent plus. Une disque d'argent au milieu d'un léger dénivelé, l'ensemble cerclé d'une herbe d'un vert éclatant et délicat. Comme c'était... Beau. Il n'y avait pas d'autre mot.

Curieux plus encore, Cendres se redressa et dévala le versant d'un galop évanescent, jusqu'à rejoindre la berge. Il plongea le bout d'une patte dans le liquide qui se révéla tiédi par le soleil. Il immergea ses deux pattes avant, clapotant le liquide joyeusement.

C'était une belle journée.

Plongé dans les ténèbres, il fallut un certain temps au loup noir pour se frayer un chemin du temple jusqu’à la sortie. Chaque couloir, chaque recoin faisait écho à ses souvenirs perdus. C’était la seconde fois qu’il circulait dans ce dédale. Heureusement pour lui, il avait pris soin d’en mémoriser les subtilités et les détails afin de se laisser guider par ses souvenirs. Ainsi porté, son esprit ne laissait place qu’à un méandre de réflexion.

Lorsqu’il quitta enfin l’antre du Dieu vert, Il fut frappé par la candeur éblouissante du soleil. Clignant des yeux plusieurs fois afin de les habituer à la lumière du jour. Il sembla un instant confus, éblouie par la lumière. La confusion  lisible sur son visage s’étendait jusqu’à son esprit tant il avait cru être apparu près du temple sur ces terres en pleine nuit, avait-il sommeillé jusqu’à l’aube ? Peut-être était ce l’aube qui avait illuminé la vasque de ses rayons couplé au pouvoir du Dieu qui y veille lorsque nécessité.  A croire qu’il avait perdu toute notion du temps,  perdu ainsi dans ses réflexions et dans l’obscure lueur verte qui aujourd’hui éclairait ses pas. Devait-il en sortir grandit comme un loup nouveau éclairé par l’intelligence de Mido. Peut-être. Il vaudrait mieux pour lui dans tous les cas ne pas décevoir le divin.

Immobile sur le seuil, il finit par se mettre en mouvement, prenant la direction du lac. Il avait pris la décision d’aller s’y abreuver car une soif matinale se faisait sentir. Il s’y engagea, dévalant la pente au trot avant de stopper sa course au bord de l’eau. Il commença par se passer une patte dans les cheveux replaçant ceux-ci afin d’y voir plus clair. L’eau perla contre ses tempes, il put en sentir toute la fraîcheur qui pénétrait la fine fourrure de son visage avant de glisser et s’égoutter le long de ses joues. Enfin, il pouvait souffle, il avait eu chaud ce matin vraiment très chaud.

Après s’être rafraîchît, il se posa au bord du lac. Attentif. Et posé. jusqu’à ce qu’une boule de poils attire son regard. Une silhouette connue, déjà aperçue parmi les couloirs. L’enfant du mentor et d’une camarade, du moins c’est ce qu’il paraissait dans les rumeurs qu’il avait ouï-dire. Sa présence ici apportait quelques questions, seul, alors que gamin semblait d’habitude accompagner sa mère. Peut-être était-il parti sans crier garde ou bien avait-il reçu permission.

L’adulte dressa ses deux oreilles vers le gamin, avant de contourner l’étendue d’eau et d’aller à sa rencontre. Une fois à porté de voix, il l’interpelle.

« Hé salut, tu es l’enfant de Yersine, dis-moi si je me trompe ? » Lança-t-il curieux voulant vérifier ses sources.

Il penche la tête, l’observe. Peu de chose pouvait à ses yeux trahir son mentor, peut-être un peu de bleu, mais rien de plus.

Il ne fit pas attention à la silhouette noire avant que cette dernière ne soit qu'à quelques pas de lui, absorbé qu'il était dans sa contemplation des lieux. Mais une fois qu'il se fut approché, Cendres détailla le nouveau venu avec curiosité. Il le reconnaissait pour l'avoir déjà vu au Dédale, on lui avait dit son nom. Lestat. Ou quelque chose comme ça. Mais maintenant... Il arborait un glowstick vert. Il fronça les sourcils. C'était... Non conventionnel. Il se souvint de sa discussion avec Nocera, et ouvrit la gueule pour dire quelque chose lorsque le loup noir prit l'initiative.

Ah.

Un instant, il ne sut comment réagir. Ainsi, il connaissait son père. Ce père qu'il n'avait jamais vu, qui n'avait jamais pris la peine de venir à leur rencontre quand bien même il était au courant de leur existence. Devait-il... Être en colère ? En ressentir de la peine ? Cendres se contenta d'une moue blasée.

Ca n'était pas son problème. Quand bien même il partageait ses gênes, il ne serait jamais son père.

Oui.

Mais il ne pouvait nier son ascendance.

Tu es Lestat, c'est ça ?

Il pencha la tête sur le côté.

Tu as demandé à Yurai pour passer l'épreuve de Mido, et elle t'a dit oui ?

C'était, après tout, exactement ce que souhaitait faire Nocera. Alors pourquoi pas Lestat ? C'était une bonne nouvelle, d'ailleurs. Ca voulait dire que la femelle des étoiles pourrait faire la même chose, et enfin retrouver ce dieu qu'elle avait perdu.

Beaucoup de mots et de concepts le dérangèrent dans les paroles du petit loup noir. Jamais rendu au temple. Mido guide de foi. Déranger la déesse, quitter la meute. Peu d'importance. En partie libres de nos choix.

Choisir sa foi.

Eh. Elevé entre le rejet agressif de l'autorité par sa mère Octavia, et la méfiance prudente de sa mère Eva, bien que baigné dans l'idéologie Nakhu, Cendres comprenait ce qu'il essayait de lui dire bien que lui-même ne l'aurait jamais décrit en ces termes. Il se recroquevilla légèrement. Assertif ? Ou fuyant, peut-être. Il n'était plus tant l'éponge qu'il fut à une époque.

C'est dommage d'attendre de savoir si ça lui plait ou pas, alors que tu aurais pu directement lui demander. Ca m'étonnerait aussi qu'elle s'offusque pour si peu. Ca n'est pas une raison pour lui manquer de respect.

Il cligna des yeux. Il avait envie... Il avait envie de le provoquer, un peu. De voir comment il allait réagir. De le confronter. Ca n'était pas très... Sage. Et probablement qu'il n'avait pas envie de voir le résultat, n'est-ce pas ?

Mais si ça t'importe peu.

Un souffle.

Pourquoi disait-il ça ? Après tout, lui-même n'avait que peu d'attaches chez les Nakhus. Il avait beau y avoir été élevé, l'une de ses mère les rejetait, l'autre n'y était pas depuis longtemps. Et Lewis avait beaucoup joué dans ce détachement.

Alors, pourquoi chercher des puces à ce loup noir son ainé avec qui, pourtant, il avait tant en commun ? Etait-ce parce qu'il avait connu son père ? Etait-ce parce qu'il dénigrait avec tant de hauteur ses paroles et les roulait dans la poussière, piquant ce collier de fierté que Cendres ne se savait pas posséder jusqu'alors ?

Peut-être.

Peut-être.