Poissons grillés (Narcisse)

Le regard suit la silhouette du goéland. Peut-être n’aurait-il aucun mal à l’atteindre s’il se mettait à bondir… maintenant ? Hum… Narcisse laissa la bête prendre son envol, à la plus grande frustration du Phénix qui voyait un autre de ses repas lui filer sous la truffe. Ne comprenait-il pas le loup, que lui aussi avait besoin de se nourrir ? Avant même son pitoyable peuple ? Tout cela pour rendre fière la Reine Bleue et les siens.
Mais les sens de l’assassin sont attirés par autre chose. L’odeur de l’océan. Pourriture. Immondice des profondeurs venu souiller les nobles terres de ceux qui n’ont pas été victimes de la malédiction d’un dieu de pacotille. Le poil se gonfle, alors que le museau ne peut que se redresser face à telle créature. Elle représente bien ses semblables, parasite.

Il n’était pas en terres Etelkrus. Juste à proximité. Pourtant, il ne pouvait laissé ce loup partir sans rien faire. Sa présence n’était que pure provocation. Narcisse observe avec dégoût cet inconnu.

« — Tu veux le dévorer ? »

C’est une proposition, Narcisse ?

« — Dépêches-toi de te décider, sinon je m’en occupe tout seul. »

Alors qu’il en soit ainsi.
Le disciple de Kiro inclina la tête, pour laissé le Phénix prendre le contrôle de son corps. Une aura dorée apparaît autour de l’Etelkrus, qui se redresse progressivement, un immense sourire venant étirer ses babines. Car elle était bien là, la différence entre l’Oiseau et son porteur. Là où l’entité se pensait maître de toute situation, que rien ne pouvait lui résister, il ne cachait pas sa prétention. Il s’en jouait même. Cela faisait longtemps que Narcisse ne lui avait pas laissé prendre le contrôle trop longtemps. Et il avait terriblement faim l’oiseau.

« — … Tu sais, Raeder, tu n’as vraiment pas de chance. Habituellement, il ne me laisse pas sortir, mais lorsqu’il le fait, ce n’est jamais pour rigoler… »

Le Phénix fait cliqueter les longues griffes entre elles. Les yeux dorées se posent presque avec folie sur le pirate,

« — Alors je compte bien profiter de cette liberté pour t’écraser et te dévorer ! »

Et que le plus fort règne.

Tuer la vermine. Détruire les impurs pour purifier les terres. Laisser les dignes héritiers en paix, pour uniquement se concentrer sur les parasites. Oui.
Car tel avait le pacte entre le Phénix et son porteur. Ne pas blesser les Etelkrus, mais le reste, tout pouvait y passer. Que l’Oiseau les broie dans leur mâchoire, qu’il leur arrache la chair, si cela pouvait permettre de détruire toute menace. Les yeux dorés étudient cette nouvelle proie avec curiosité. Quel genre de goût aurait-il ? Celui du poisson ? Ou de la chair putride ? Curieux. Le corps se penche vers l’avant, pour mieux écouter les mots, qui n’ont guère de sens aux oreilles du Phénix. Il ne comprend pas cette nécessité de se soucier du bien être d’autrui, quand seul le sien importe. Pourquoi ne pourrait-il pas le dévorer ? Alors qu’il avait terriblement faim et que Narcisse lui avait dit oui ?

« — Mais parce que je n’ai encore jamais eu l’occasion de me mettre de petits poissons sous la dent. »

Le Phénix s’arrête, presque pensif. Il n’était pas très futé, simplement guidé par des instincts primitifs. Pourtant il réfléchit aux mots du loup des océans, alors que son sourire se fait de plus en plus grand. L’aider ? Le loup avait proposé de l’aider, peut-être ne verrait-il pas d’inconvénients à ce que soit prélevé une petite bouchée alors ?

« — Disons que le jeu, ce sera de ne pas te tuer du premier coup… »

À chaque mot, un pas de plus.
Pour s’approcher un peu plus de cet étranger.

(Lancé de dé)

Alors, le Phénix bondit, profitant des longues pattes de Narcisse pour se donner de l'impulsion, pour envoyer ses crocs vers l'avant afin de goûter un peu de ce poisson. Peut-être ne parviendrait-il qu'à le blesser, sans emporter un peu de chair...

Le Phénix sent le goût du sang sur son palais, la chair vient avec, petit morceau, mais suffisant pour qu’il puisse en avoir un échantillon. Il lui fallait un plus gros, pour qu’il mieux se souvenir du goût de la vermine. Les griffes s’enfoncent dans le sable, alors que le Phénix sent son emprise se relâcher, il fuit l’insecte. Les yeux dorés suivent le corps verdâtre se glisser dans l’eau. Dans le sel, là où le Phénix n’iraient se souiller. Ses longues griffes viennent saisir le morceau de chair qu’il tient encore entre ses crocs. Un sourire narquois étire ses babines, alors que le petit poisson parle de là-bas.  

« — Pourquoi parles-tu de là-bas, viens donc petit insecte, je ne t’ai pas encore écrasé. »

Et il détestait ne pas finir son travail le Phénix.
Parce que enfin, Narcisse l’avait laissé sortir pour qu’il puisse s’amuser et le pouvoir avait bien l’intention de s’amuser encore un peu. Il lève le morceau de chair, pour le mettre au niveau de ses yeux, avant de glisser son regard vers le corps dans l’eau.

« — Ils ont bien raison, de vous pensez si faibles, mais je dois dire que je suis déçu. »

Les crocs se referment sur la prise du Phénix, qui mâche un bref instant la chair avant de la recracher dans le sable. Les oreilles se couchent vers l’arrière de son crâne.

« — Ta chair est abjecte. »

Quel temps gaspillé, tout cela pour un repas indigne de lui.
Le Phénix était vraiment déçu.
Personne n’était donc prêt à venir jouer avec lui et a payer le tribut du sang ?

Pas aujourd’hui, tu as assez joué pour le moment, Phénix. Si je reprends le contrôle maintenant, peut-être te laisserais-je jouer la prochaine fois.

« — Et pourquoi le ferais-tu ? »

Parce que, je n’ai qu’une parole.