Premières neiges [Libre]

Sachiel -

Les cloches sonnaient.

Depuis un moment déjà, il les entendait. Lointaines. Sourdes. Mais aujourd'hui, plus que jamais, elles vibraient en lui. Ronronnant presque. Chaleur apaisante, à peine troublée par le froid matinal.

Les cloches sonnaient.

Il avait salué ses proches amis ; embrassé son enfant, son tout petit, son si précieux. Il avait marché, prié sa déesse qu'il aimait tant, déposant à sa stèle quelques fleurs d'hiver, mauvaises herbes diront certains. Et puis, il s'était dirigé vers le jardin. Ce lieu si important à ses yeux. Un regard sur les pâturages que Raison avait labouré et cultivé avec acharnement ; sur les oies et les corneilles qui braillaient pour quelques fioritures ; sur ses arbres qui avaient protégé Sobieski de la pesante compagnie. Sur ce monde, sur cette paix mensongère. Si fragile. Si glaciale.

Les cloches sonnaient.

Il se posa là, près des derniers parterres de terres sèches et de foin, respirant à grandes bouffées le doux parfum de ces terres qui l'avaient vu naître. Grandir. Mourir. Ce parfum qu'il exhala sur son si précieux bras, fidèle arme de dessin ; irremplaçable outil de lien. Ce parfum qu'il exhala sur son glowstick, pâle violet pulsant au rythme du son tintant.

Les cloches sonnaient.
Mélodieuses et pourtant si bruyantes.
Légères et pourtant si pleines.
Les cloches sonnaient.

Et il ferma les yeux.

Sujet: Re: Premières neiges [Libre] Dim 03 Jan 2021, 14:38

Parfois, les journées commençaient bien tristement. Parfois, Kerguelen aurait préféré ne pas se lever. Mais nul n'échappait au cycle de la Vie et à sa Fin. Tous étaient obligés d'y faire face un jour ou l'autre. Certains, de part leur métier, la rencontrait bien plus souvent qu'à l'accoutumée. Alors, quand au détour d'une allée, elle vit ce corps au sol, elle sentit son cœur se serrer. La silhouette du Tatoueur était reconnaissable entre toutes. Elle lâcha sa truelle et accourut à ses côtés. Elle s'accroupit et chercha le mal qui le rongeait. Mais il s'agissait d'une maladie incurable. Une maladie qui faisaient blanchir les poils et voiler les yeux. Une maladie qui portait le nom de Vieillesse. Et elle était arrivée à son dernier stade. Celui qui raidissait les membres et volait le souffle. Le stade définitif après lequel il n'y avait qu'un grand mystère. La Mort tout simplement.

Et comme à chaque fois qu'elle apparaissait devant ses yeux, la Colombe sentit une grande tristesse l'envahir. Sachiel n'était peut être pas son ami le plus proche, mais elle avait aimé chaque aventure passée avec lui. Il représentait si bien les valeurs de la Corneille en acceptant de tatouer les loups de tout horizon. Un pilier de la meute les avait quitté. Avec douceur, elle entoura son corps de foin. Avant de dégrafer sa propre cape et de le border avec. Comme pour protéger son corps du froid de l'Hiver. Ou rendre plus confortable son dernier voyage.

Il était temps de prévenir les autres. Son museau s'éleva vers le ciel, ses larmes coulant en sens inverse sur ses fausses oreilles. Elle prit une profonde inspiration et laissa un chant funèbre sortir de sa gorge. Une mélodie qui appelait à être rejointe. Que ce fut physiquement ou par la voix. Pour un dernier hommage à celui qui fut le Tatoueur des Nakhus.

Repose en Paix, Sachiel. Merci pour le bien que tu as fait autour de toi.

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