Sang d'ours et sang de grenouille — Aka

Une décennie semblait s’être écoulée depuis la banquise.
Et pourtant cela faisait à peine une année.
Une année qu’elle était rentrée du grand nord.
Une année, qu’elle effectuait des allers-et-venus en terres nakhus, afin de voir Cendres se rétablir difficilement de ses blessures.

À chaque fois, elle priait pour qu’il ne soit pas conscient.
Parce que le voir ainsi, rappelait à Lewis que cela aurait dû être son fardeau.
C’était sa blessure.

Alors vie de solitaire, Lewis avait mené. S’établissant dans une tanière abandonnée des monts célestes. En quelques mois dans les montagnes, elle s’était évertuée de rencontrer le moins de loups possibles.
La lueur rouge de la chevalière à sa patte continuait de briller. Les yeux mauves la fixèrent un instant, fixant l’horizon. Aujourd’hui, elle se sentait prête. Quand bien même la Reine Bleue n’était plu. Cela ne changerait rien. Elle défierait Aka, et accepterait son rôle de mercenaire.

De loin, elle s’était approché des Nakhus, pour voir si Cendres allait mieux, mais plus rien ne serait comme avant. Tout avait changé. Elle l’avait détruit.
Complètement.
Parce qu’il était trop faible.
Et qu’elle n’avait pas su reconnaître cette faiblesse.
Et plus jamais, elle ne referait cette erreur.

La mauve se teint face au temple, le museau levé, sourire aux babines. Le regard glisse vers le Général, qui lui rôde autour, veillant sur le temple, à l’apparence menaçante. Pourtant Lewis n’éprouve pas de peur, elle n’en éprouve plus depuis longtemps.
Plus d’hésitation.
Plus de retour en arrière. Maintenant, elle allait au bout des choses.
Elle aurait ce glowstick.

« — Aka. Je viens pour toi. »

Le combat. Le vrai combat, c’était chose qui lui avait manqué. Plus qu’elle ne l’aurait cru au cours de ces derniers mois. C’est qu’ils étaient rares les adversaires dignes de ce nom sur ces terres. Bien trop.
Le commentaire d’Aka parvient à la faire sourire, alors que sa queue recourbée se balance. Et c’est finalement dans une arène que la louve mauve se retrouve, avec en face pas une petite bestiole lambda, non. C’était du vrai combat qui s’annonçait. Le poil se gonfle, alors les babines frémissent.

« — Je me demandais bien ce que tu valais, Légionnaire, avant que Celui-Qui-Pourfendit-La-Glace ne te mette k-o. »

À l’idée de combattre, tous les problèmes semblent s’envoler. En cet instant, il ne reste plus qu’elle et son adversaire. C’est tout ce qu’elle voit. C’est tout ce qu’elle pense, alors que ses yeux mauves étudient l’adversaire. Il était grand. Elle était petite. Elle pouvait donc l’atteindre par-dessous, mais il n’avait pas l’air stupide, il s’y attendrait.
Alors surprenons-le.
Faisons le danser.
Entamons donc cette valse.
Jusqu’à ce que l’un de nous ne tombe à terre.

(Lancé de dé)

Et pour de la surprise, Lewis en avait à revendre. Comme l'anticiperait sûrement son adversaire, elle utilise sa petite taille pour se glisser sous le ventre du légionnaire, mais n'attaque pas. Non. Elle se positionne à la droite de son adversaire, avant de bondir pour y planter férocement ses crocs dans la gorge.
Est-ce qu'il saignait, cet adversaire ?
Le pouvait-il seulement ?

Il hurle le soldat. Pointe ses crocs vers Lewis. Cette dernière sent le sang s’écouler de sa gueule. Il ne lui faisait pas peur. Plus rien ne l’effrayait maintenant. Il n’y avait que les regrets qui la hantait. Un éclat brille dans ses yeux mauves lorsqu’elle voit la faible attaque de son adversaire. Lorsque la morsure n’est que chatouillement.
Ne vois-tu pas, proie, que je porte cicatrices avec fierté ?
Des cicatrices qui auraient du me coûter la vie.
Ne vois-tu pas que mourir ne m’effraies pas ?

La douleur ce n’est rien. Cela ne représente plus rien. La solitaire encaisse le coup. L’ours de là-bas lui avait fait bien plus mal.
Son adversaire l’ennuyait.

Lewis se dégage de l’attaque et cherche de nouveau à atteindre la gorge de ses crocs.

(Lancé de dé)

Regardes bien Aka. Regardez bien, ceux qui ont trépassé et qui pourtant hante mes pensées. Je ne faillirai pas.
Plus jamais.

La mauve relâche sa prise. Elle avait gagné. Pourtant elle voulait encore plus. Son sang bouillonnait. Un large sourire étire ses babines alors qu'elle tourne autour de la dépouille de son adversaire vaincu.

« — C'est tout ce que tu peux m'offrir ? »

Elle en voulait plus.
Encore.
Combattre jusqu'à son dernier souffle.

Rien n’est jamais fini.

Alors ce n’était que le commencement ? La mauve se tourne vers celui qui la vaincu. Vaincu ? Les os craque chez lui, alors qu'il se relève, sous une apparence plus imposante. Plus dangereuse. Et loin d’être effrayée, la louve sourit. Ah ! Les choses allaient enfin se montrer intéressantes là. Le corps frémit, l’excitation se fait ressentir chez la petite.

« — Alors que le spectacle commence. »

Et elle voit ce nouvel adversaire foncer sur elle.
De toute sa force.
Et elle j’appète à tenter quelque chose qu’elle n’apprécie guère.
Faire un pas de côté.

(Lancé de dé)

Ce n'est pas ton genre d'esquiver petite grenouille, pas d'habitude. Alors pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi tenter quelque chose que tu détestes par-dessus tout ?
Pour continuer à jouer.
Mais tu n'en as pas envie ?
Non.

Lewis ressent le choc de l'attaque dans tout son corps, alors qu'elle entend os craquer. Outch. C'était pas agréable. Mais elle s'en remettrait. Depuis ce rêve obscur, elle se remettait de toutes ses blessures. Les traits sont crispés par la douleur, pourtant, la solitaire continue de sourire.

« — Toi... t'es à la hauteur... »

Tu es celui qui pour la première fois parvint à la vaincre.
Tu es celui devant lequel, elle est contrainte de ployer le genoux.
Tu es le premier à la battre.

Les yeux mauves fixent la gueule qui s’ouvre sur elle. Allait-il achever ce combat ? Dans la gorge de son adversaire, elle ne voit que le néant. Exactement comme dans ce rêve de noir et de gris, quand le duo infernal avait joué avec son corps. Pourtant cela ne l’effraie pas. La mort ne l’inquiétait plus.
Mais ce n’est pas la fin.
Pas aujourd’hui.
La réalité réapparaît sous ses yeux, alors qu’elle ne sent plus de douleur. Plus de sang. Pas même des restes dans sa chair. Le glowstick roule aux pattes de Lewis, qui lève une patte, avant d’interrompre son geste pour écouter le Grizzly. Les babines frémissent.

« — Est-ce que j’ai l’air d’une lopette, Ours-Rouge-Qui-Iradie-La-Force ? Amènes-les donc, tes ennemis, je les écraserai pour toi. »

Elle combattrai. Encore et encore jusqu’à son dernier souffle. Plus personne ne serait blessé par sa faute, plus personne à qui elle tenait.
Avec vivacité, la patte se referme sur le glowstick qui adopte la forme d’une plume rouge. Sans hésitation, la mauve l’accroche dans ses cheveux aux côtés des autres.

« — Je serais ton Légionnaire, mais plus forte. Bien plus forte. Jusque’à surpasser ton Général. »

De son capuchon, Poe sort. Pour la première fois depuis plusieurs mois, Lewis se sent de coeur à le faire parler.

« — Pour lui botter les fesses. »

Oui, elle reviendrait pour lui, simplement pour jouer.
Le dieu disparaît et la solitaire se retrouve seule. Mais l’était-elle vraiment ? Maintenant qu’elle avait une lumière. Maintenant qu’elle devait honorer son serment ? Non.
Elle était mercenaire.
Elle servirait.
Combattrait.
Verserait le sang autant qu’il le faudra.
Parce que c’était là son devoir.