GIANTS — Ysée

C’était allongée dans les fleurs que Prudence passait le temps en cette après-midi. Les pattes parfois se levaient, pour jouer avec les papillons qui volaient autour d’elle. Un rire qui parfois franchissait sa gueule, alors qu’elle profitait de la chaleur du soleil. Le matin elle était allée prier Moiro, avait observer le gardien du temple avant de manger un bout.  
Une odeur. Le museau se lève légèrement, alors que les yeux se posent sur la louve que Prudy avait pu croiser de loin à plusieurs reprises.

« — Ysée ! Tu veux venir t’allonger avec moi ? »

Un sourire, alors que la queue nattée remue doucement. La Licorne aimait beaucoup rencontrer d’autres loups, sympathiser avec eux…. Maintenant qu’elle faisait partie d’une meute elle essayait de connaître au mieux les Nakhus.

Elle avait voulu aller au Petit Eden, aujourd'hui, Ysée.
Bien mal lui en avait pris : Sur le trajet, elle s'était sentie un peu mal, avec le souffle un peu court et le coeur battant dans une cadence trop soutenue pour être agréable et elle avait du s'arrêter en chemin. La louve claire avait beau être de constitution fragile depuis sa naissance, il y avait toujours des choses qu'elle peinait à anticiper.
Il y avait quelque chose de gênant, dans le fait de se retrouver dans un tel état après un effort si maigre. Mais soit, avait-elle seulement le choix ?
Dans tous les cas, elle ne devait pas s'en plaindre autrement que mentalement.

Alors qu'elle cherchait un endroit où se reposer, elle aperçut une louve brune couchée dans les fleurs. Elle, elle n'était pas là depuis très longtemps et venait de l'extérieur. Ysée tâcha de se remémorer son prénom.
Prudence, voilà.

- Bonjour Prudence.

Elle hésita un peu : N'allait-elle pas la déranger, de par sa présence ?
Non, puisqu'elle le lui proposait.

- Oui, avec plaisir.

Un mince sourire fendit son visage clair et elle prit place aux côtés de la licorne.

- Ton intégration se passe bien ?

Fallait quand même l’avouer, les Nakhus ils étaient graves mignons avec toutes ces formalités. Sans compter que pas mal semblaient timides. Prudence trouvait cela très amusant.
L’intégration. Ysée était peut-être la troisième à lui poser la question, à croire que c’était le sujet numéro un des préoccupations ! La Licorne sourit.

« — Je crois que oui, c’est amusant de voir comment fonctionne les Nakhus, c’est différent de la vie de solitaire. »

C’était une sorte d’aventure au final.
La disciple de Moiro s’intéresse alors à la chevelure (méga impressionnante fichtre) d’Ysée.

« — Tu as de si longs cheveux, ça doit te prendre beaucoup de temps de les coiffer non ? »

Prudence glisse son museau sous une des longues mèches en riant avec bonne humeur. Ils sentaient bons en plus ! La truffe de l’ancienne solitaire vient toucher celle de la blanche.

« — Ça te va très bien en tout cas. »

La queue nattée remue doucement.

Le sourire d'Ysée devint un peu plus grand.

- Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite surtout pas.

Elle allait la questionner sur sa vie de Solitaire, mais la louve brune enchaîna sur un autre sujet, auquel elle ne s'était vraiment pas attendu.
Ses cheveux ?
Ysée ne sut quoi penser, aux contacts imposés par Prudence. C'était la première fois qu'elle se retrouvait face à quelqu'un d'aussi tactile, une inconnue, surtout et... et elle ne savait pas vraiment si ce genre de choses étaient pour la mettre à l'aise.
Non, en fait, la réponse était évidente : elle n'était pas à l'aise et pas réceptive pour deux sous à ce genre de choses.

- Non, ça va.

Ils étaient lisses et ne faisaient pas beaucoup de nœuds, heureusement pour elle. Le plus embêtant était encore de devoir en retirer les brindilles et les feuilles, en revenant de promenade.
Ysée s'écarta un peu, discrètement.

- Merci.

Prudence continua de sourire malgré le mouvement de recul de la louve. Oups. D’accord, pas de contact avec celle-ci. C’était bien la première Nakhus qu’elle rencontrait qui ne cherchait pas le contact.
Amusant.

« — Pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise. »

La voix est chaleureuse, la disciple de Moiro n’en tient pas rigueur à la blanche.
Elle avait beau aimer taquiner, dragouiller… jouer, ce n’était pas une forceuse. Enfin pas si on lui mettait un stop (ce qui était le cas ici).

« — Parles moi des Nakhus, tu dois y être depuis bien plus longtemps que moi et j’ai l’impression d’avoir tant de choses à apprendre ! »

Un moyen de passer à un autre sujet.

Ysée hocha doucement la tête.

- Il n'y a pas de problèmes.

Ou du moins : il n'y avait plus de problèmes. La frêle louve appréciait de constater que sa comparse ne comptait pas insister dans ses contacts et dans ce qu'elle... semblait vouloir initier.

- Effectivement, je suis née chez les Nakhus. Mon parent était solitaire et les Nakhus nous ont accueillis comme ils l'ont fait avec beaucoup d'autres.

D'autant qu'elle se souvienne, Ysée s'était toujours sentie Nakhu, malgré ses origines, et n'avait jamais connu l'envie de les quitter.
Son regard s'illumina.

- Nos camarades sont des loups formidables ! Nous avons de la chance de faire partie d'une meute aussi soudée, je pense. Les choses sont un peu compliquées, actuellement, je te parle de la fermeture des frontières... Mais je suis persuadée que les choses s'arrangeront et que notre meute saura, à nouveau, bien vite offrir une patte secourable à ceux qui en ont besoin, quelles que soient leurs croyances et les couleurs de leurs glowsticks.

C'était ce qu'elle espérait de tout son cœur.

Ah mais ce que parler des Nakhus rendait la blanche bien bavarde. À l’évocation des frontières fermées, Prudence se retint d’hausser les épaules. Ça ne l’empêchait pas de sortir ni de se rendre à la bibliothèque… puis sa famille étant solitaire ce n’était pas un problème pour leur rendre visite. Disons que cela l’impactait moins.

« — Je pense que si un loup dans le besoin vient jusqu’aux frontières, les portes ne seront pas fermées. »

Prudence marqua une pause avant de sourire.

« — Enfin moi en tout cas je ne lui claquerait pas la porte au nez… mais peut-être que je fais une bien mauvaise Nakhus. »

La Licorne trouvait cela plutôt amusant.

La louve blanche hocha à nouveau la tête.

- Oh, je pense !

C’était juste malheureux, de voir que les réfugiés n’étaient plus acceptés… qu’ils avaient du partir, avec la fermeture des frontières. Ils pourraient apporter une aide ponctuelle, oui, mais est ce que Papa et Kerguelen accepteraient de laisser un étranger venir loger dans leur dédale, désormais ?
Que se serait-il passé, si elle était née durant cette sombre période ? La réponse lui paraissait évidente et elle préférait, finalement, ne plus y penser.

- Je ne pense pas que tu fasses une mauvaise Nakhu, Prudence. J’ai à coeur de faire la même chose. J’aimerais faire davantage.

Elle regrettait de ne pas avoir pu aider ce mâle étrange, venu dans le temple de Yurai.

Difficile de faire de l’humour avec certains Nakhus. La discussion semblait si sérieuse pour Ysée, une pointe d’humour mal dosée pourrait être mal prise. La blanche semblait regretter de ne rien pouvoir faire d’autres pour ceux à l’extérieur.

« — Tu pourrais. En faire davantage. »

La disciple de Moiro pencha sa tête sur le côté, un sourire étirant ses babines.

« — En tant que disciple de Yurai, t’es censée être un puit de sagesse non ? Tu pourrais faire entendre raison aux autres. Je t’aiderais si tu veux. »

Même si Prudy elle, n’était pas aussi sage ou calme. M'enfin elle avait de la famille là-dehors, savoir qu'ils ne pouvaient pas lui rendre visite comme ils le souhaiteraient, ça la peinait.

Encore un hochement de tête, et, sur ses babines, un sourire.

- Un puits de sagesse, je ne pense pas. Mais j'accepte ton aide avec plaisir.

Elle n'avait pas la prétention de se définir ainsi : Ses défauts, ses doutes, restaient nombreux.
Enfin, même les adultes, doutaient, parfois, c'était pour ça que les frontières demeuraient fermées.

Prudence se releva, secouant doucement ses cheveux pour remettre quelques mèches rebelles en place.

« — Fais-moi signe quand tu auras besoin d’aide. »

Un clin d’oeil.
La Licorne laissa la blanche à ses occupations.