Vivre et laisser vivre | Libre [Défi RP]

Désiré venait de souffler sa première bougie, et en même temps que tout ça, ses premiers émois, ses premières balades seul, ses nouveaux amis, ses nouvelles questions.

Une des rares fois où l'on voyait cette grande silhouette barouder seul, la tête basse, muet.

Loin d'aujourd'hui, l'insouciance de l'enfance, lui l'enfant qui avait été laissé pour mort dans le désert, le fils de personne, l'indésirable. Zen l'avait pris sous son aile, l'aimant comme son père et ses autres ancêtres avaient pu aimer leurs familles. En longeant la plage, le gris sourit bêtement en y repensant. Pourtant, il avait eu des remarques peu agréable, trop jeune, seul, et sa seule expérience était celle de son activité au sein du clan.

Oh, il était fier d'avoir pu élever avec tous ces défauts un louveteau et le préparer aux aléas de la vie. L'existence, grandir, l'amitié, l'aventure, l'amour ... et même le sujet délicat de la procréation. Il avait surtout eu la chance que le petit loup doré ait un tempérament facile, et il l'en remerciait régulièrement.

Bientôt, ils feraient chambre à part, se disait-il.

Heureusement, Sakura lui permettait de combler ce manque. Les activités en plein air pour se revigorer lui redonnait le sourire. Son rôle de nourrice lui permettait également de garder la patte sur le sujet. Zen pensait parfois au manque que cela pourrait bientôt occasionner, lui n'ayant pas l'habitude d'être seul, isolé, sans contact. Son énergie gonflait auprès des siens, surtout auprès de ceux qu'il aime.

Il devenait vieux, avait l'âge d'un adulte responsable, et ça lui brisait le cœur.

Peut-être était-il temps de se rendre plus sérieux, et perpétuer sa lignée ? Désiré en serait ravi, d'avoir des frères et sœurs pour leur apprendre les choses de la vie à son tour, veiller sur eux quand papa ne serait pas là. Sans doute se mentait-il. Zen avait aimé ce rôle de protecteur et de guide en pleine fleur de l'âge.

Il s'arrête de marcher.

Son regard pastel s'égara au loin, les oreilles bien droites, pas très à l'aise. Toutes ces questions ... Elles le rendaient malade. C'est si moche de grandir, et aurait chéri un peu plus ces moments si le temps passait moins vite.

Il y en aurait d'autres, toujours la tête dedans grâce à la bénédiction de son clan qui lui faisait confiance. Un léger sourire s'étira tout de même. Il avait fait les choses bien, évidemment, mais il avait inculqué des choses de façon à être le plus irréprochable possible. Il en était capable ! Le grand loup soupira, s'approchant de l'eau. Au loin, une île. Il proposerait bien à quelqu'un d'aller la visiter, à l'occasion.

Zen regarde son reflet. Il se savait jeune, avec une santé en béton, une force encore bien présente, mais il ne pouvait pas s'empêcher de voir, dans l'eau, une partie de lui amputée. Il lui était vraiment temps de se reprendre comme un adulte, murir un peu plus, rendre fière sa lignée. Il ne comptait pas y faillir, lui aussi devait rendre quelqu'un heureux à tout jamais, évoluer, aimer encore plus de lui, plus de ce quelqu'un, le tout dans une seule âme, ou même plusieurs ! Oui, plusieurs serait encore mieux. Son sourire s'agrandissait un peu plus.

Bon, il n'avait personne en tête, et après tout, n'avait jamais fait vraiment attention non plus à cet aspect de la vie. Mais il était vrai que ça l'angoissait un peu plus, maintenant qu'il avait mis le doigt sur ce sujet. Évidemment que Désiré resterait toujours sa plus belle fierté ! Leurs routes se croiseraient sans doute un peu moins souvent, mais ne cesserait de le lui rappeler tout de même à chaque fois qu'ils se reverront. Sa queue remua doucement. Son regard se perdit un peu plus au loin, inspectant les environs.

Les environs ... Si blancs, si purs, si froids. De la fumée très fine sortait de sa truffe, lui faisant sentir l'humidité ambiante autour de lui et la condensation que ses poumons créaient.

Quelque chose n'allait pas.

Il n'était à priori pas si seul. Dans la brume légère qui l'encerclait , il y avait quelque chose avec une forme un peu tortueuse. Très grand, très difforme, très flou ... Un arbre brisé ? Non. Il était assez venu ici pour être sûr qu'aucun végétal n'avait cet aspect, et il n'y avait pas eu de tempête justifiant une casse, ou autre.

Humant l'air, sans rien. L'air filait vers cette ombre. Et il était totalement seul, trop éloigné de tout pour appeler à l'aide, et pour rentrer, il devait aller là-bas pour retrouver les siens. Il s'arrêta après avoir fait quelques pas -inutiles car la chose était encore floue-, la tête haute, stressé. Il ne s'agissait plus de ce grand solitaire sombre de l'autre fois. Etait-ce au moins un loup ?

Il fit face à cette chose, plissant ses yeux pour y voir plus clair, poil gonflé, muscles bandés, attendant un mouvement qui trahirait l'identité de sa cible.

Il était resté planté ainsi plusieurs minutes, comme un vieux chien de chasse trop usé, immobile, la queue fouettant l'air de temps à autre. Un râle ressemblant à un petit grondement sortit de sa gorge, il avait pu deviner quelques mouvements inhabituels.

Très méfiant, Zen fit encore quelques pas. De toute façon, il lui fallait avancer, aussi bien par curiosité que par nécessité de revenir chez lui. Un léger soupire, toujours tendu, sa démarche se faisait silencieuse. La brume s'effaçait au fur et à mesure, mais ne comprenait toujours pas ce qui se dressait ainsi devant ses yeux.

Personne ne le sauverait, Sakura n'était pas là pour venir à son secours.

Prêt à partir pleine balle dans le sens inverse, le gris baissa la tête, observant un peu plus l'être.

- Qu'êtes-vous ?

Son air se fit plus menaçant, enfin, il essayait ... Sa voix et son corps tremblaient, sa queue épaisse s'aligna avec son dos, gonflée comme celle d'un gros écureuil. Ses postérieurs étaient aussi tendus que des ressorts prêts à se détendre.

Même inquiet, Zen reste un loup, et un prédateur.

La créature floue part comme une balle dans la brume, et il se veut de savoir ce que c'était. Ainsi, il ferait part de sa découverte aux autres, ce qui ferait de chouettes contes pour enfants. Le fait que l'animal ait fuit si rapidement ... Ce n'était pas un danger, et le voilà à sa poursuite, le tintement de ses chaînes résonnant dans la plaine.

[Dé réu sur AGI]