Dissection [Solo/MJ]

-Iris-

Iris avait dit vouloir s'intéresser aux loup-poissons, pour aider Nirvana. Petite, elle n'avait vu que leur utilisation potentielle, mais peu à peu, son avis avait évolué. Après tout, c'était dans le nom : des loup-poissons. Donc, potentiellement, des loups. Iris avait arrêté d'en manger, simplement par dégoût. Tant qu'elle ne saurait pas de quoi ils étaient faits, tant qu'elle ne saurait pas dire avec sûreté qu'ils n'étaient pas éloignés d'eux à 100%, elle se refusait d'en manger. L'idée même de cannibaliser d'autres loups lui retournait l'estomac.

Cela n'empêchait pas les autres d'en chasser régulièrement. Avec ça, elle avait moins de mal : ils peuplaient leurs terres de manière envahissantes. Personne ne les avaient vu se reproduire, peut-être étaient-ils voués à disparaître. En attendant, la louve avait chopé un des cadavre pour aller l'étudier dans un coin, plus tranquille. Elle avait déjà eu l'occasion d'ouvrir un animal en deux, mais n'avait jamais vu l'intérieur d'un loup : la comparaison serait peut-être difficile, mais elle allait s'y atteler avec courage.

Le cadavre était froid et rigide, déjà, ce qui n'arrangerait pas ses affaires. Elle commence par la tête : le plus intéressant pour elle était la gueule : elle l'ouvre, pour en regarder les dents. Cela lui donnera déjà une information sur ce qu'ils mangeaient. Si elles étaient pointues, lisses, plates ... S'ils en avaient, tout simplement. Puis, elle examine leur nez pointu : chitine, os, nageoire ? Elle tente de le briser, en évalue la solidité.

La louve relève ensuite les oreilles : inexistantes. Mais elle trouve bien des trous sans pavillons, qui peut-être servent à capter les sons. Sûrement même, puisqu'ils l'avaient repéré avec Maps, lorsqu'elle était plus jeune. Elle examine les pattes, à la recherche de griffes semblable aux leurs.

Puis vient le moment de la dissection. D'un coup de griffe gauche, elle ouvre le ventre et vient inspecter l'intérieur. A la recherche des organes qu'elle connait, elle fouille dans le corps pour y trouver les poumons en priorité. Ils vivaient sur la terre, alors comment respiraient-ils ? Avaient-ils de quoi respirer sous l'eau également ? Elle revient à la tête, couverte d'un vieux sang peu ragoûtant, pour chercher des branchies. Puis, va chercher l'estomac, ainsi que le foie, seuls organes qu'elle est vraiment capable de reconnaître. Ha non, il y avait l'intestin aussi ! Elle le sort, grimace avant de l'ouvrir en deux et d'en inspecter l'intérieur, à la recherche d'indices sur leur alimentation.

Enfin, tant qu'elle est là, elle se replonge dans le corps pour chercher les organes reproducteurs. S'il y en a, sont-ils semblables aux leurs, ou y-a-t 'il des œufs ? L'adolescente a beau s'intéresser à la nature, ses connaissances en reproduction sont bien limitées. Mais des œufs, elle ne passera pas à côté.

-Iris-

L'inspection touche à sa fin, et la jeune louve s'écarte, couverte de sang et puant le poisson. Ce qu'elle a découvert ne lui plaît pas tellement : les loups poisson seraient bien plus proches des loups que ce qu'elle pensait. Le vestige de poumons et les os trouvés semblent indiquer qu'ils ont évolués de la forme terrestre jusqu'à celle marine, s'adaptant à l'eau comme l'auraient fait les readers. Ils en auraient perdus la capacité de dialoguer avec ceux restant la surface.

Mais autre chose la titillait : ils ne semblaient pas capables de se reproduire. Un peu à la manière des fourmis, peut-être qu'un seul petit groupe était capable de cela ? Ils seraient donc une espèce sociable, travaillent ensemble. Cela allait avec ses observations précédentes : ils communiquant ensemble, restaient ensemble. Ils auraient donc été amenés sur terre et errer aient sans but, car sans commandement de leur.... Reproducteur principal ?

Iris grimace. Plus elle regarde le corps éventré, plus le dégoût vient retourner son ventre. Un parent éloigné restait un parent, et soudain le sang poisseux sur son pelage se fait plus lourd. Mais il lui faut plus d'informations, sur l'état de santé global du corps. Alors, elle fait demi-tour pour rejoindre un cours d'eau où elle rince le sang et l'odeur, avant de partir vers la tanière des panseur. Il lui faut un œil plus expert.

Elle cherchait Tawana, mais en passant sa tête dans l'embrasure de la grotte, ne trouve que Désastre. Elle ne connaît pas le loup qui semble calme et taciturne, mais se dirige vers lui, sérieuse.

Bonjour Désastre, je cherche un panseur pour m'aider à examiner quelque chose, serais-tu disponible ? C'est par là-bas.

Elle pointe du menton l'extérieur de la grotte, vers l'endroit à l'écart où elle a laissé momentanément le cadavre.

-Iris-

Le panseur accepte, et elle patiente le temps qu'il aille chercher son livre. Lorsqu'il l'ouvre devant elle, elle ne peut s'empêcher une œillade curieuse devant les schémas, notations complexes et mots qu'elle ne connaissait pas. Les panseurs étaient spécialisés en soin de loups, mais devaient aussi avoir des connaissances sur le reste, et tout cela l'intriguait. Mais elle ne dit rien, se contente d'absorber l'information que Desastre veut bien lui donner. D'abord, que les loups-poissons seraient simplement des poissons osseux espadons à qui on aurait fait pousser des pattes. Iris penche la tête : elle le voyait plutôt dans l'autre sens, que ce fut des loups qui se seraient adaptés à l'eau ... Comment le savoir ? La présence de poumons peut-être : les poissons ne respiraient pas sur la terre, si ?

Mais lui continue, avec quelque chose qui l'intéresse d'autant plus : la créature était malade. Il illustre en lui montrant les poumons, perçant un abcès, lui parle également de son régime alimentaire. Des poissons plus que des insectes ... En somme, les loup-poissons ne sont pas adaptés à la vie sur terre. Ils ne respirent pas bien, n'arrivent pas à bien manger, sont en mauvaise santé. Iris coule un regard vers le panser qui continue son étude avec méthode et application, concentré, sans émotion. Est-ce qu'il a un avis, lui, sur ces animaux ? Elle revoit ses aspirations à la baisse : ils ne peuvent pas se reproduire, sont en mauvaise santé, et à vrai dire, bien trop proche du loup pour qu'Iris soit complètement détachée à l'idée d'en manger. Nirvana avait peut-être raison, alors : il valait mieux les réexpédier sous l'eau. Mais, et si les readers s'en servaient, eux ?

La louvette se recule, un peu. Elle est partagée. La dissection lui aura apporté beaucoup de réponses, mais encore plus de questions. Quel casse-tête ... Il fallait qu'elle en parle à sa soeur. Elle tourne la tête vers le panseur et hoche la tête.

Elle penche la tête, regarde le poisson-loup, avant de demander, curieuse :

-Iris-

Elle voit le panseur réfléchir, prendre son temps. Détaille de ses yeux curieux son silence et son calme. Il respire une impression contenue, tout le temps, et elle ne peut pas lire son avis sur son visage, pas une seule expression. C'en est presque fascinant. Les instructions de l'Araignée refont surface, encore : où accrocher ses fils, sur quelqu'un comme ça ? Elle ne voit pas pourquoi elle le ferait, de toute manière. Desastre était un élément important du clan, comme tous les panseurs. Et comme tous ceux ayant des connaissances qu'elle ne possédait pas, elle écoute.


Et lui parle. Il ne rapproche pas le loup-poisson d'eux, mais bien plus du poisson : de ceux qui ont des os, et pas des arrêtes comme Iris les connait. Ils ne sont pas comme nous, ce qui peine à convaincre Iris. Mais ils se rejoignent sur un point : ils sont malades, et pas adaptés à l'environnement actuel. En somme, ils devraient retourner dans l'eau. Leur cerveau aussi est sous-développé, comme si l'air l'avait rabougri. Pourtant, ils possèdent bien une intelligence collective ... Iris regarde le cadavre un instant, avant de redresser le regard vers Désastre. Il avait beaucoup parlé. Elle avance une patte, lentement, avant de la passer au dessus du livre, presque effrayée d'en toucher les pages avec ses pattes sales.


Elle aimait bien les livres. Et inconsciemment, elle cherche encore des crochets pour ses fils, même si elle se persuade qu'elle ne le veut pas.

-Iris-

La jeune louve observe le panseur, qui est toujours concentré sur le livre. Les reptiles, c'était ça qu'il aimait ... Et il avait un serpent de compagnie ? Comment l'avait-il domestiqué ? Encore une foule de questions qui se pressent aux lèvre d'Iris, qu'elle maintient cependant fermées. Il lui avait proposé de le voir, alors elle accepterait. Mais avant elle l'observe encore un peu, maniant le livre avec dextérité. Il fallait des pattes agiles, pour recoudre et soigner. Comparé à lui, Iris avait des pattes de rustres. Mais elle se destinait au combat ... Peu importe. Elle relève ses yeux mauves :


Réfréner les questions, chercher l'information où elle était, dans le comportement du mâle. Mais Iris était bien peu expérimentée : tout ce qu'elle y lisait était une sorte de concentration calme. Le charmeur de serpent avait pourtant bien du apprendre cela quelque part, et la curiosité titillait la fille d'Holly : il fallait qu'elle sache.

-Iris-

L'intérêt du mâle rayé se voit dans ses oreilles qui se dressent, dans son regard un peu plus vif. C'est subtil, et Iris a rarement rencontré de loup aussi peu expressif que lui : alors, voir un peu d'émotion, d'intérêt, est une sorte de petite victoire. Elle attend, alors, que le mâle appelle son serpent -est-ce qu'ils avaient des oreilles ? sûrement ?- ou bien l'amène à l'endroit où il était gardé. Mais au contraire, il ne la guide nulle part : c'est l'animal qui vient à eux, se glissant contre son maître qui le soulève. Surprise, Iris ne bouge pas mais se tend imperceptiblement. Il était long. Elle le détaille, remarque l'étoile au front qui n'a rien de naturel. Et lorsqu'elle attend son nom, il le lui donne : Serpent, tout simplement.

Il sait faire des tours, Serpent. C'est Désastre qui lui a appris. Iris se recule un peu pour lui laisser la place, les yeux rivés sur l'animal, d'une curiosité dévorante. Et il ne la déçoit pas : le serpent forme un cercle, se tend et roule. La roue, Desastre avait dit : elle l'imaginait bien moins impressionnant. Ses yeux se relèvent brièvement vers le panseur, qui est perdu dans la contemplation de son animal, et cela la frappe : il ne sert pas à attaquer, pas à défendre. Il est juste un compagnon, d'une autre espèce. Elle baisse de nouveau les yeux. Elle s'était méjugée, en pensant pouvoir asservir les loup-poissons, ou bien n'importe quel autre espèce pour leur clan. Il y avait bien, bien plus à découvrir que simplement l'utilité de quelque chose, ou même de quelqu'un. Tout comme il y avait plus à découvrir de Désastre, au delà de son statut de panseur. Il lui restait beaucoup de choses à apprendre. Alors pour commencer, lorsque le serpent termine son tour, elle lui dit :


Et espère fort que les serpents ont bel et bien des oreilles, sinon elle passerait pour une idiote. Ses yeux mauves se coulent de nouveau vers ceux du panseur, espérant les trouver, et elle demande, curieuse :

-Iris-

Elle entend le corps écailleux du serpent frotter contre le sol, mais n'en a pas peur. Après tout, si Désastre a choisi de lui montrer son animal de compagnie, c'est qu'il était sans danger. Elle ne voyait pas un panseur mettre en danger ses pairs, ou c'est qu'il était fort mauvais. Son regard s'est relevé, et croise celui du mâle. Elle remarque, sûrement pour la première fois, ses iris gravées de jaunes et de rouge, comme un rappel à son glowstick. Une fois encore, il semble choisir ses mots avec soin, lui répondant de manière précise : c'était son ami. Le regard de la jeune louve se baisse de nouveau sur l'animal, qui avait terminé son tour. Pouvait-on réellement devenir ami avec une autre espèce ? Elle avait du mal à croire, et pourtant, en avait la preuve sous les yeux. Il n'était pas apprivoisé, simplement lié d'amitié au loup noir et blanc.

Il lui semble alors entendre presque un écho à sa situation initiale. Les loup-poissons pouvaient-ils eux aussi faire office d'amis ? Dans quel but, communiquer avec eux, découvrir d'où ils venaient ? Si Nirvana avait à coeur d'aider cette espèce si différente et pourtant si semblable, ce n'était pas le cas d'Iris. Si elle s'était lancé dans cette aventure, initialement, c'était pour faire plaisir à sa sœur -la véritable "amie". Mais finalement, elle s'était prise au jeu de la découverte, poussée par une curiosité dévorante. Peut-être que trouver un ami parmi eux lui permettrait d'en savoir plus. Elle relève les yeux, et hoche la tête.

C'était vrai. On ne voyait pas de telles amitiés tous les jours, et pourtant, lorsqu'elle y pensait, elle pouvait en lister quelques autres : sa mère et le démon invisible qui la suivait partout n'en était qu'un parmi d'autres. Était-elle amie aussi, avec ce démon-là ? Finalement, elle sent le vent courir dans son pelage, et se relève. Elle sourit à Désastre : il l'a beaucoup aidée aujourd'hui :


Elle le salue, salue serpent d'un pas un peu gauche (connait-il aussi les codes lupins ? Elle en doutait) avant de faire demi-tour. Il lui restait une dernière chose à faire, avant de rentrer pour coucher ses résultats au propre sur papier. Elle regagne l'endroit où gisait toujours le corps éventré du loup-poisson, répandant son odeur de charnier dans l'air. Elle se saisit d'une patte et se met à le traîner, à la force de son corps, jusqu'à un endroit non loin où la terre était plus sableuse. Elle ne pourrait pas le ramener à la mer, n'en aurait ni la force, ni l'envie, mais ici ... pourquoi pas. Elle ne savait pas encore si elle devait considérer les animaux comme faisant partie de leur espèce ou non, mais savait que sa soeur tenait beaucoup à leur respect. Alors, elle passe l'après-midi restant à creuser, de ses pattes encore faibles, se réchauffant dans le soleil hivernal. Et, enfin, après quelques heures de travail, le trou se trouve assez grand pour y mettre le cadavre de celui qui l'a tant aidé. Elle l'y place, tente un peu de recouvrir ses boyaux sortis et examinés, avant de reboucher son trou. Lorsqu'elle eu terminé, la nuit était tombée, et seule une légère bosse restait, comme un aveu de faiblesse de sa part : elle avait mal visé la profondeur. Tant pis. Epuisée, elle ne prend pas la peine de marquer la tombe : son respect s'arrête ici. Elle repart, des questions restées sans réponse plein la tête, mais au moins en paix avec sa conscience.