Tracés indésirables [Libre]

Daisy a écrit:

Feather - Emilitia : Rendue à la Lagune du Crépuscule, tu t'impregnes de la magie étrange de l'endroit. En t'avancant au plus proche de la falaise, tu découvriras un cercle semblable à celui d'une école (saurais-tu deviner laquelle ?), découvert jadis par deux Nakhus et tracé par, semble-t-il, Mido lui même. Malgré la nausée qui te saisie un peu la gorge, dans un effet semblable a celui des temples bien que amoindri, tu t'y interesseras.
Quel est son usage, à ton avis ? Peux-tu l'utiliser ? Tu es libre d'essayer...

Emilitia

Elle ne s'y était jamais vraiment rendu à cet endroit, jamais bien longtemps, toujours de passage malgré la proximité qu'il avait de son antre – abri d'ailleurs un peu abandonné durant l'été, on voyait bien plus de trace de la nécrose autour des territoires Nakhus plutôt que sur les frontières Etelkru en ce moment et la petite clairière tuée durant l'hiver avait vu quelques bruns d'herbes repoussés. Emilitia n'avait jamais eu vraiment besoin de grimper en haut de ces falaises pour voir l'île de son amie, il suffisait de trouver le bon pan de montagne. Le besoin de fréquenté cette lagune ne s'était jamais fait trop sentir, de plus la louve noire se refusait toute nouvelles liaisons à l'Océan -il y avait des souvenirs à laisser au passé.
Aujourd'hui pourtant, il y eu comme quelque chose qui l'attira, tout comme à la plaie du monde ou à d'autres endroits, les résidus de quelque chose de plus mystique, des particules de magie oubliée qui demandaient à s'éveiller à nouveau. Emilitia n'aurait pu dire à quoi elles étaient liées au premier avant qu'une violente nausée lui retourna l'estomac une fois arrivée en haut de la failaise, rien de bien méchant mais une sensation connue, similaire à celle vécu à la bibliothèque aux abords du sceau tracé par le dieu Mido.

Emilitia retira le masque de son visage, le déplaçant sur le côté de sa tête pour profiter des vents offert par le vide de l'Océan et la hauteur des falaises, prenant volontiers cet air frais afin de mieux supporter le malaise qui la prenait au tripes. Le résultat d'une incompatibilité plus que certaine entre son être et la composante divine, la demi démone en eut la confirmation lorsqu'elle trouva tracé entre les herbes le dessin de ce qui semblait être les bases d'un rituel, d'un sort à effectué.

« Oh il est rare d'en trouver en si bon état. »
« Et il n'est certainement pas très bon pour ton intégrité, ne restons pas là. »
« Je trouve ce dieu particulièrement envahissant par rapport aux autres. Il en devient presque agaçant »

A marqué ainsi le monde de son influence divine. Si Emilitia pouvait comprendre la protection offerte sur la bibliothèque -les Nakhus avaient du prier pour l'obtenir bien qu'il soit étrange que ça ne soit pas à la déesse violette qu'ils aient demandé – trouver un tracé en pleine terres libres n'annonçait rien de bon pour les ombres.
Emilitia se rapprocha des tracés, cherchant à comprendre signification et but à leur existence. Si la louve noire s'intéressait à ce genre de chose, elle devait admettre cependant qu'elle n'était qu'une amateur, une sorte de touriste qui aimait surtout observer. Elle jalousa cependant ces résidus d'influence divine qui la rendaient malade, aurait voulu les obtenir pour les noircir de son sang, détruire ces cercles dont elle s'offusqua à cet instant de la présence.
Pourquoi y avait-il ces tracé ici en haut de ces falaises ? Quel était leur but ? Il suffisait de regarder l'horizon pour comprendre la position, cet endroit était propice pour profiter de l'alignement d'astres, le genre d’événement qui renforçait la magie.

Tournant autour des tracés, curiosité tournant à la frustration, la louve noire fut presque tenter de venir y poser une patte, curieuse de savoir s'il se passerait quelque chose ou non, si son sang était suffisamment puissant pour venir corrompre la pureté des tracés divins. Elle avança une patte, allant presque à l'effleurement avant de se raviser. Il pouvait ne strictement rien se passer, comme il se pouvait que quelque chose se produise. Mieux valait ne pas se blesser en étant seule, peut-être en parlerait-elle à la Demoiselle Rose ? Ensembles elles pourraient explorer la signification de la présence de ces cercles tracés.

626 mots

Réchauffée par les doux rayons du soleil, sa fourrure miteuse décolorée par les années et la chaleur de l’été se gonfle au gré d’un frisson agréable. Faible et infirme, Illidan n’était pas allé se réfugier bien loin depuis son surprenant retour sur Morne-Œil, bien qu’il n’ait pas pu envisager rester séjourner plus que nécessaire sur l’île. Tout là-bas le rendait malade. Les temps avaient changé, les malédictions étaient passées, et même lui semblait étrangement délié de ce qui l’avait rongé tant d’années, mais les souvenirs restent et il ne supportait pas de rester à nouveau enfermé quelque part. Il ne voulait plus ni grotte ni île, plus jamais. Désormais, il vivrait à l’air libre.

Il vivrait. Une aberration, sans aucun doute. Il avait cherché à mourir de nouveau, d’abord, mais s’était retrouvé devant la constatation qu’il n’avait plus autant de ressentiments que dans son souvenir. Illidan avait longtemps été un être de haine, de colère et de violence. Est-ce que tout ce temps, tout ce qui l’avait poussé dans les ombres était son allégeance aux démons ? Non, il était allé les chercher de lui-même, tout cela datait d’avant encore. Les souvenirs se mélangeaient encore dans sa tête, et y penser trop longtemps lui faisaient perdre patte avec la réalité physique, alors il essayait de vivoter simplement la plupart du temps.

Cela faisait un an et quelques qu’il errait dans la Lagune du Crépuscule, n’ayant pas la force de s’éloigner plus de Morne-Œil que ça. Il s’y trouvait plutôt bien, il n’y croisait personne, et l’atmosphère surréelle qui y régnait lui rappelait de doux souvenirs. Il sentait cette énergie déique le fuir, après tous même si son lien envers les engeances démoniaques s’était ténu, il resterait toujours teinté de fel, qui coulait probablement encore dans ses veines. Il ne voyait aucune autre possibilité à sa survie autrement, c’étaient eux qui l’avaient ramené à la vie, et eux qui lui permettaient de rester des jours sans manger. Se nourrir seul et sans force ni yeux était difficile, il trouvait par-ci par là fruits ou charogne à croquer, mais sa carcasse affamée n’avait pas vraiment repris de poids depuis le temps passé. Sa crinière avait repoussé, et il la gardait attachée en souvenir nostalgique, et sa fourrure était moins rachitique que lors de son retour, mais il n’était toujours pas un plaisir des yeux.

Aujourd’hui, il était d’humeur grimpette. Il avait escaladé, lentement mais sûrement, les flancs de la falaise, pour profiter des rochers chauds et de la brise marine. Il avait envisagé de s’éloigner un peu plus de la mer, mais au-delà de l’argument de la facilité de croquer des coquillages pour se nourrir, il s’était rendu compte qu’il n’en voulait pas à l’océan. Il en voulait à Morne-Œil, aux dieux, à toutes les créatures magiques qui avaient décidé de faire de leur vie un enfer. Mais la mer, non. Il était né fils pirate, sur la plage auprès d’un feu dans le sable, et s’y sentait finalement mieux que n’importe ailleurs.

Des grattis de griffes lui indiquaient qu’un autre être avait trouvé ce sentier littoral intéressant, et l’odeur lui fit parvenir la présence d’un compagnon loup. Il resta de pierre, immobile et calme, la peur ayant quitté son âme depuis un moment maintenant. Il en avait déjà croisé d’autres, sans leur parler pour autant. Il faisait le mort, et sans surprise vu son allure, ça fonctionnait très bien chaque fois. Un subtil son de vibration d’ailes l’accompagnait, et il fronça vaguement les sourcils. Il lui semblait que c’était une louve, plutôt légère et en bonne santé, accompagnée d’un insecte ? Installé sur le flanc, le dos contre la falaise, il l’entendit s’arrêter juste en contrebas de lui. Peut-être était-elle suffisamment proche pour le voir, il ne pouvait le savoir.

« Oh il est rare d'en trouver en si bon état. »

Une voix mature et féminine, pas désagréable.

« Et il n'est certainement pas très bon pour ton intégrité, ne restons pas là. »

Alors ça, par contre. Ses griffes se crispèrent sur la roche, tandis que son cœur loupait un battement. Ce type de chuchotis l’avait accompagné bien trop de temps pour qu’il ne le reconnaisse pas immédiatement…là, à ses pattes se trouvait un démon. Il semblait très inférieur cependant, rien à craindre ni à en tirer. Mais tout de même, un démon.

« Voilà bien longtemps que je n’ai pas entendu cette langue être parlée… » murmure Illidan de sa voix abîmée, à moitié à l’intention des deux inconnus, à moitié pour lui.

Ses yeux sont bandés depuis son retour à la vie, et son museau reste tourné vers l’océan face à eux, ses oreilles toutefois attentives à cette rencontre inattendue en ces lieux étranges.

Emilitia

C’est une voix qui détourna l’attention d’Emilitia du pentacle et lorsqu’elle se retourna, l’apparence atypique du propriétaire termina de l’en désintéresser complètement. L’inconnu semblait très âgé et s’il ne l’était pas, son corps complètement abîmé lui donnant l’impression d’être littéralement revenu de l’enfer le faisait croire. Des loups dans cet état, la solitaire n’en avait encore jamais croisé, les guerriers un peu abîmés portaient leurs cicatrices comme une fierté, moins comme un fardeau.
Les paroles de l’inconnu, Emilitia ne les prit pas pour Drippir, le petit démon non plus d’ailleurs, il n’y avait eu jusqu’ici jamais personne autre que la louve noire pour entendre sa voix.

« Oh, vous revenez d’un long voyage? »

Pour ne pas avoir entendu la langue parlée courante depuis longtemps.
Quittant définitivement le cercle tracé, Emilitia remonta un peu pour se rapprocher du loup, constatant un peu mieux à quel point son corps avait été abîmé, à quel point il donnait un aspect miséreux de sa propre existence.

« Tu es obligée de t’intéresser au moindre pouilleux qu’on croise? Au pire rend lui service, achèves le et on n’en parle plus. »
« Il semble s’en être remis, il tient pas trop mal sur ses pattes. »

Ce vieux loup n’avait pas encore l’air tout à fait mort et à cette réflexion, alors que les yeux derrière le masque ne se détachait pas du corps décharné  par une curiosité et une attirance morbide, les odeurs et impressions qui lui virent eurent quelque chose de familier, de connue et presque nostalgique.

« J’ai une amie qui porte une odeur presque similaire à la vôtre. Votre voyage semble vous avoir mené bien loin »

Au delà des frontières de ce monde. Vous en êtes hein n’est-ce pas? De revenu? Comme l’est la Demoiselle Rose.
Et puis il y avait cette autre odeur, pas forcément plus tenue mais inéluctablement plus ancienne, semblable à celle d’une certaine meute mais pourtant si différente.

« Vous portez l’odeur du sel marin également mais pas de la même façon que les Raeders, pas ceux d’aujourd’hui »

Mais comme ceux d’une époque révolue, mélangée à la cendre et au sang, celle de sa mère.

« Qui êtes-vous? »

Le museau de l’ancien maudit se fendit d’un sourire tordu, qui lui fit presque physiquement mal. Il ne lui semblait pas avoir beaucoup souri depuis son retour à la vie. Un long voyage…il n’avait effectivement aucune idée de combien de temps il était parti.

« On peut dire ça… » croassa-t-il.

Il l’entendit monter vers lui, ne bougeant rien de plus qu’une oreille pour suivre ses mouvements. Le vrombissement semblait provenir du démon, puisque le son se rapprocha avec sa voix à lui aussi. Il avait pu découvrir avec le temps qu’il y en avait de toutes formes, une allure insectoïde n’avait finalement rien d’étonnant. Illidan n’était pas sûr de sa propre réaction, se retrouvant ainsi de nouveau face l’une de ces horreurs qu’il avait tant chéries. Il ne s’attendait en tout cas pas à en revoir une de cette manière : comment cette louve s’était-elle retrouvée accompagnée de l’un d’entre eux ? Maintenant qu’elle était plus proche, il identifiait mieux son odeur. Cette demoiselle lui était parfaitement inconnue, et ne portait pas spécialement d’odeur de meute sur elle, même si quelque chose de vaguement familier y traînait. Seul quelque chose dans son aura sentait le démon à mille lieux, faisant s’agiter les flux déïques environnants de la même manière qu’il les stressait lui aussi.

Le misérable démon était tout aussi agaçant que les autres, il était de toute façon leur marque de fabrique de susurrer sans fin des remarques désagréables. Mais Illidan en avait entendu d’autres, bien plus longtemps, l’enivrant de commentaires bien plus profonds et personnels ; aujourd’hui, son détachement post-mortem semblait l’y rendre insensible.

Le nom Raeder le fit tiquer, et une idée folle se fraya un chemin dans sa tête. Elle connaissait les Raeders, semblait être naturellement liée aux démons, d’une manière cohérente et non destructive…du moins en apparence. Rien n’était jamais éternellement stable, avec eux. Serait-il fou d’envisager qu’elle soit l’un des fruits de ses expériences passées ? Voilà qui serait formidablement drôle.

« Je doute que mon nom ait marqué les esprits…tout du moins, pas positivement. »

Il pause, ramenant l’une de ses pattes sous lui.

« Je suis né au bord de l’océan, en effet, et ait été témoin de nombre d’évènements…de créations et de déclins, de la guerre et de la peur, » murmure-t-il distraitement, « De morts et de naissances. J’ai même assisté à ma propre mort. »

Il tourne sa tête sans regard vers elle, lascivement.

« J’aurais pu être l’Elu mais n’ai été que le Déchu, je suis né ange mais suis mort démon, » dit-il en remuant faiblement ses restes d’ailes, « Je suis né de Thyara et Hyozan, et me prénomme Illidan. »

Il pausa, avant d’ajouter à l’intention claire du démon :

« Quant à toi, je connais ton pedigree, créature inférieure. J’ai vu bien pire que toi. Prends garde à ce que tu dis, ou on pourrait voir qui achève l’autre » finit-il, la voix dépourvue de toute animosité.

Il n’exprimait ni peur ni colère, juste une profonde fatigue.

« Et toi, qui es-tu ? »

Emilitia

« Il se la pète un peu ton lépreux non? »
« Shhht »

D’un mouvement de patte, Emilitia envoya Drippir voleté plus loin, parce que si le petit démon ne se laissait pas impressionner par les belles phrases de l’inconnu, leur sens un peu prophétique, comme le récit d’une malédiction cité enivra presque la louve. Drippir avait beau dire, au fond de son être, Emilitia sentait que ce loup, à l’aspect aussi misérable soit-il, faisait vibrer quelque. Au récit narré, c’était peut-être le fait que se tenait devant elle une âme qui avait connu la déchéance la plus ultime, celle insupportable qui aurait emporté l’esprit. La mention du mot démon la fit frémir d’excitation soudaine, et si les premiers noms ne la firent pas réagir, pure méconnaissance, il en fut tout autre pour celui d’Illidan.

« Une fois, on m’a raconté d’une façon un peu amusante l’histoire d’une famille effacée par le temps:

Il Les appela, le Père. Avec la Bête vorace l'âme de la Nièce fut partagée, dans le corps de la Fille fut scellé le Seigneur haït, en présent fut offerte l'Enfant du Néant.

Vous l’entendez n’est-ce pas? La voix de Drippir. C’est vous également qui aviez ouvert le portail sur Morne-œil? Vous êtes le Père.”
“Super, c’est pas un simple pouilleux, c’est le jouet cassé des autres.”

D’ailleurs aux menaces du vieux loup, Drippir avait rejoint le pelage d’Emilitia, sur un malentendu, savait-on jamais. La louve noire ignora le petit démon.

“Je doute que le portail existe encore, beaucoup de chose se sont produites depuis.”

Les Raeders s’étaient libérés de leurs anciennes chaînes.

“Mais un dernier pacte y a été scellé et un souhait exaucé. Je suis l’Enfant du Néant, celle offerte à ce monde par les démons”

En échange d’une âme et d’un réceptacle, pour un sourire qui ne revint jamais véritablement.
Emilitia brisa son ton un peu sérieux qu’avait demandé ces révélations pour reprendre d’une voix plus enjouée.

“Je m’appelle Emilitia.”

Oh, cette petite créature était déjà agaçante. Il sourit en l’entendant se faire taper par quelque chose, et le bourdonnement d’ailes s’éloigner un peu.

Il haussa les sourcils (ce qu’il regretta, cela lui faisait toujours mal) à l’écoute de l’histoire de la jeune fille, qu’il ne se souvint pas l’avoir un jour narrée de cette manière, mais ressemblait point pour point à la sienne. Comme quoi, faites le con dans votre garage, peut-être un jour vous deviendrez une légende ? Le museau-à-oreille faisait des merveilles.

« En effet…je l’entends, et le comprends. J’ai eu le temps d’apprendre leur langue, » murmure Illidan.

Le jouet cassé ? Certes…il pouvait être appelé comme ça, d’un certain point de vue. Il avait toujours sur qu’avec les démons, c’était une valse constante d’entre qui menait ou se faisait mener. Les mortels étaient faibles sans eux, mais les démons manquaient d’un certain quelque chose des êtres vivants pour passer dans leur dimension. Ils étaient cupides, avides et ne connaissaient que la faim : il n’était pas si difficile de les attirer à vous, mais il fallait s’attendre à se faire manger le bras lorsqu’ils arrivaient là.

« Cela ne m’étonne pas, il a dû se refermer assez vite après que je sois parti. Sans personne pour le réalimenter, il s’est éteint comme un feu à court de braises. »

L’Enfant du Néant…un bien joli nom. Emilitia était charmant, cependant.

« Tu es donc pas tant plus jeune qu’Azzinoth, ma fille…il s’est peut-être écoulé moins de temps que je ne le pensais. Ravi de te rencontrer, Emilitia, » sourit-il avec son museau immonde, la saluant d’un hochement de tête poli. « Alors, que fais-tu de ce Don qui t’a été offert, dis-moi ? A part te promener avec un démon mineur, j'entends. »

Son ton est doucereux, comme un miel teinté de poison. Voilà une discussion surprenante, il n’aurait jamais pensé retrouver une autre de ses engeances en vie. Depuis qu’il était revenu, il suffisait d’un rien pour le lancer, vu l’obsession qu’il a pu avoir pour les démons, c’était le sujet sur lequel il était le plus facile de le relancer. La mort avait beau l’avoir calmé, il avait eu tout le temps de réapprendre à s’ennuyer : maintenant, ça avait été assez pour que n’importe quelle distraction l’emballe, même si ça signifiait retomber dans son ancienne addiction.

Emilitia

Il l’entend, son Drippir et si ça ne semble pas réjouir le petit démon, ce n’était pas le cas d’Emilitia, c’était  comme ouvrir son monde à un membre retrouvé de sa famille. Ce grand oncle allait au delà, c’était lui qui y entrait à pleines patte, car il en était après tout l’origine même,

« Il suffit parfois de simplement retracer quelques lignes abîmés pour en réanimer un. »

C’est ce qui rendait les portails si dangereux, ils ne disparaissaient pas toujours et n’attendaient qu’une âme folle pour être réhabilité, il ne fallait que quelques malheureux pour qu’ils se nourrissent d’eux même. La louve noire avait bien fait ses devoirs, elle connaissait un minimum le sujet, Drippir pouvait être fier.

Elle se rapprocha encore un peu, remontant la pente parce qu’elle voulait le voir se plus près, ce loup par qui le liens de sa famille avec les ombres avait commencé. Ce corps décharné avait quelque chose d’attirant, de fascinant lorsqu’on savait ou devinait pourquoi il était dans un tel état. Le prix à payer n’est-ce pas?

“Je n’ai pas connu Azzinoth” La fille au seigneur haït? Emilitia ne connaissait donc pas son âge. “Mais certaines vies ce sont écoulés et je sais que certains loups connaissant votre nom ont disparu”
Comme sa mère par exemple, par extension le frère de cette dernière également, tout deux avec une brutalité propre, Emilitia y avait à chaque assister.

Et elle s’approche encore, elle est en face de l’oncle, il lui aurait suffit de lever la patte pour le touché, pour que sa nécrose effrite un peu plus cette peau.

“Ce n’est pas un don, c’est la nature même qui compose à demi mon être. L’expérience menée n’est pas celle d’un réceptacle ou l’absorption d’un être mais la naissance d’un nouveau. Démon je le suis autant que je suis louve. Cependant, je devrais avouer que je chercherais à ce qu’une des deux moitiés prenne le pas sur l’autre, j’ai suffisamment exploré les possibilités de la louve.”

Il était temps d’éveiller le démon.

“Je possède déjà la nécrose, elle effrite le monde à chaque pas mais je sais qu’il a plus de possibilités encore à explorer”

Elle raconte sa vie, Emilitia, elle le faisait face à n’importe qui sans jamais véritablement cacher ses objectifs. Face à cet oncle qui forcément l’aurait compris au meme titre que la Demoiselle Rose, elle ne se serait pas restreint.

Il n’aurait pas imaginé que discuter portails avec l’une des descendantes de sa famille aurait pu être aussi distrayant, mais force était de constater qu’il ne s’était pas senti aussi impliqué depuis son retour à la vie.

« Il est vrai, mais il faut retrouver un tribut à payer régulièrement…les tracés restent, mais sans personne pour l’alimenter d’un peu de vie, il se ferme quand même. Ceci dit, quelques gouttes de sang peuvent suffire, pour réanimer un petit portail. »

Peut-être que finalement, suffisamment de temps s’était écoulé pour que ses filles rejoignent les limbes, elle aussi…il aurait adoré savoir ce qu’Azzinoth était devenue. Méluciole était celle de leur mère, il s’était majoritairement concentré sur sa sœur. Il se rappelait de sa naissance, et sa jeune enfance, mais les souvenirs se confondaient en se rapprochant de la fin de sa vie. Il était incapable de savoir ce qu’il en avait fait avant de mourir. Avait-elle seulement survécu ? Au vu de la puissance du démon qu’il avait réussi à sceller en elle, il en doutait largement : elle avait dû être une formidable créature démoniaque, puissante et destructrice.

Il se reconcentra sur Emilitia, la nouvelle génération ayant fait suite à ses expériences. Le cœur du vieux loup palpitait, et ses pattes fourmillaient d’excitation. “Démon je le suis autant que je suis louve.” Merveilleux : elle était encore plus réussie qu’Azzinoth. La véritable fusion, pas le raccommodage sans subtilité qu’avaient été la Nièce et la Fille. Emilitia ne partageait rien, elle avait pour elle tout le pouvoir qu’un loup pouvait contenir dans son corps mortel…il raclait le sol du bout de ses griffes, impatient de savoir ce que l’avenir leur réservait.

Il avait pensé laisser tout ça, abandonner ses sombres plans, après tout il avait tout perdu, famille, lieux de rite, puissance. Même son lien avec les démons s’était ténu, il ne les entendait plus à longueur de journée. Mais il savait qu’il n’y avait pas besoin de grand-chose pour renouer...
Car là, tomber nez-à-nez avec une créature si parfaite, lui redonnait espoir que ce qu’il avait fait n’avait pas servi à rien.

“Je possède déjà la nécrose, elle effrite le monde à chaque pas mais je sais qu’il a plus de possibilités encore à explorer”

Il redresse le torse, et tourne sa tête sans visage droit vers elle, comme s’il pouvait quand même la regarder dans les yeux.

« Excellent…je n’aurais pensé arriver à un tel aboutissement. Jeune fille, tu n’imagines pas à quel point je suis ravi de faire ta connaissance. Il est évident que des grandes choses te sont destinées…ainsi que de bien plus grands pouvoirs, » croasse-t-il avec un plaisir évident. « Ce serait un honneur que d’entendre tes avancées...puis-je même oser te proposer mon aide, au cas où un vieux fou comme moi pourrait te servir ? Si le cœur t’en dit, bien sûr... »

Il n’avait besoin de la voir pour savoir qu’elle était magnifique. L’Enfant du Néant était plus proche de la perfection que quelconque autre de ses expériences : aujourd’hui elle ne sonnait plus comme un louveteau. A ses yeux, elle serait la Princesse, héritière du Roi déchu qu’il était.

Emilitia

« C'est ce qu'il fait que sont bien inconscients ceux qui ne prennent pas soin de détruire leurs œuvres ou idiots ceux qui font l'erreur de mourir pendant leurs rituels. La frontière entre les mondes est bien plus fine qu'on ne pourrait le croire, pas que ça me déplaise, il est amusant d'observer les ombres envahir ce monde. »

Elle en était une, d'ombre, mais appartenait avant tout à ce plan où elle était née et des portails, des cercles tracés au sol, effacés par le temps et l'entretiens, elle en avait vu beaucoup durant le lointain voyage de son adolescence et si aujourd'hui elle en rencontrait bien moins, la demi louve constatait la présence de ces créatures diverses qui n'avaient supposément, pas grand chose à faire ici. Rencontrer celui qui avait œuvré involontairement à sa naissance était une des choses les plus enthousiasmante qu'elle avait vécu, c'était un peu comme rencontrer un des personnages clé des histoires de son enfance.

Les paroles du mâle eurent l'effet d'un vieil écho. Cette grande destinée promise, ces grandes choses qu'elle avait à accomplir, on les lui avait déjà promises durant son enfance. Elle avait eu le choix, par sa naissance double, de faire régner les ombres ou la lumière, elle avançait déjà sur l'un des deux chemins depuis longtemps maintenant. Et lui, ce loup qui en partie l'avait permis, demandait à rejoindre sa marche.
Emilitia était juste en face du mâle maintenant, pouvait voir de ses yeux bleus le moindre détails de son corps décharné. Elle aurait voulu initier le contact, celui un peu malsain de voir sa nécrose marqué sa peau, celui plus tendre aussi qui s'était perdu depuis la disparition des liens familiaux. La politesse prit le dessus, elle ne fit rien de cela.

« J'en serais ravie, il est si rare de croiser ceux qui sont à l'origine de nos propres histoires. »
« Évidemment... au moins vu son état, il devrait claquer rapidement. »
« Il est vrai que vous semblez un peu fragile, il serait regrettable que vous veniez à disparaître prématurément »
« Pas tant que ça. »

Illidan ne peut retenir un ricanement. Avait-il éteint la lumière en quittant la grotte où il vivait autrefois, avant de se jeter à la mer ? Hmmm...nah.

« Il se pourrait alors que je sois un idiot comme les autres… » répond-t-il avec un rictus.

Ce qui le séparait des autres était qu’il en était revenu juste pour voir le résultat.

Il l’entendait se rapprocher, ce qui ne le dérangeait pas plus que ça. Le vieux loup n’était pas spécialement friand de contacts, il n’en avait jamais vraiment eu et sa peau aujourd’hui était trop sensible pour lui permettre de vraiment les apprécier. De près, on pouvait voir ses membres et son visage parcourus de moult petites égratignures, écopées à force de trébucher à cause de sa cécité. Ayant toujours vécu avec son handicap, il se débrouillait très respectablement pour se balader sans trop s’esquinter, mais la force lui manquait dans les pattes par rapport à sa jeunesse, et l’empêchait de se rattraper aussi bien qu’autrefois.
Mais malgré sa sensibilité, sa notion d’espace personnel était inexistante, et il ne voyait aucun inconvénient à se rapprocher très près des autres, pour mieux analyser leur odeur voir les tâter de ses moustaches.

L’accord d’Emilitia fit bourdonner son cœur de bonheur. Il était un peu rouillé sur ses connaissances en démonologie, mais en discuter avec elle ferait sûrement avancer les choses bien plus vite. Qu’il était excitant de partager sa passion avec quelqu’un d’autre ! Pour lui qui avait toujours été seul sur ce sujet, c’était inédit. Il s’étira méticuleusement, ses articulations croustillant à chaque mouvement.

« Je survivrai, n’aies point de craintes. Je sais me faufiler et éviter les dangers, j’ai juste quelques difficultés à trouver pitance, mais je me débrouille avec ça aussi. »

Cependant je ne cracherais pas sur un steak juteux, je commence à avoir assez de me fendre les gencives sur des bulots.

Il avise un instant le bourdonnement du démon.

« Je me suis toujours demandé quel goût ils pourraient avoir… » ajoute-t-il d’une voix ronronnante, son ton n’indiquant pas clairement où s’arrêtait la blague dans son propos.

Emilitia

« Et c'est pourquoi votre négligence aura permis l'apparition d'une ombre supplémentaire, effritant un peu plus ce monde par son existence. »

C'était une bonne chose pour elle, Emilitia n'était pas de ceux qui regrettaient leur naissance, bien au contraire mais indéniablement, sa simple présence faisait pencher la balance vers la fin, ce qui de toute évidence ne devait pas beaucoup plaire à la lumière ou aux dieux.
Lorsque le vieux loups se mouva, les oreilles d'Emilitia se dressèrent vers l'avant, presque curieuse, presque intéressée. C'était toujours passionnant d'être spectacle de la déchéance. Chaque craquement de ce corps, chaque micro plaie qui s'ouvraient sur la peau sèche, chaque souffle un peu rauque face à l'effort étaient le témoin d'une chute à la finalité désastreuse.

« Oh, je peux au besoin m'arranger avec ceci. »

Ce n'était pas de la bienveillance, ni même de la charité mais si on voulait conserver les insectes qu'on avait capturé, il était préférable de s'en occuper. Cet oncle, l'intérêt qu'elle lui portait, par ses connaissances et sa symbolique, par la curiosité naissante pour ce corps en décrépitude, elle n'aurait pas voulu que la mort vienne le lui reprendre trop tôt. Ceci dit, le fait que le mâle pouvait encore se débrouiller était sans doute une bonne chose pour lui, Emilitia avait parfois tendance à se montrer négligente.
Lorsque Illidan vint s'intéresser d'un peu trop près de Drippir, par habitude, peut-être un peu par prudence, Emilitia vint l'attraper entre ses pattes pour aller le perdre dans ses cheveux, passant sa fourrure devant le nez de l'oncle pour se réapproprier son attention.

« Celui de la cendre et de la pourriture, il n'y a rien de plus écœurant que leur chair et pourtant on ne pourrait s'arrêter de la dévorer. Ceci dit, je doute que n'importe qui puisse le supporter sans que sa gorge et son estomac ne fondent au contact du sang noir. Mais moi, j'ai eu l'occasion de le faire un jour. »

Et il n'y avait rien eu de plus enivrant que ce sentiment de supériorité face à cela.

« Et c'est pourquoi votre négligence aura permis l'apparition d'une ombre supplémentaire, effritant un peu plus ce monde par son existence. »

Voilà une façon de tourner les choses qui lui plaisait. Décidément, Emilitia refaisait sa journée, et l’indice qu’elle lui proposait éventuellement de l’aider à se nourrir n’était clairement pas de refus. Il fut un peu déçu de la réaction de la louve quant au petit démon, le bourdonnement avait cessé, mais son affection pour cette créature impie la rendait d’autant plus attachante.

Il l’écoute attentivement, la tête légèrement penchée sur le côté, ce qu’elle lui raconte le rendant rêveur. Ça, il s’était brûlé maintes fois à leur contact...la Légion Ardente portait bien son nom. Mais il supposait qu’en manger une petite quantité était tout de même possible pour le commun des mortels : il avait pu goûter leur sang en de rares occasions, et à priori...n’était pas mort de ça.

« Intéressant, en effet. Cela m’a tout l’air d’une piste à creuser, » dit-il avec un sourire amusé.

Une part de lui, qui avait pensé se tourner vers un quotidien plus sain, s’était mise à trembler dans le fond de son esprit. Il avait eu la chance d’être sevré, par un tour de force du destin, et voilà qu’il envisageait de nouveau retourner du côté décadent de sa vie précédente...mais l’adrénaline qu’il ressentait actuellement, et ce sentiment si inconnu de partage, tout ça l’enivrait et lui donnait envie de voir, d’essayer. Tout l’accomplissement de sa vie précédente se tenait là, vivant, devant lui : finalement, tout avait eu un sens. Caché la plupart du temps...mais, ça avait eu un sens. Sa vie avait eu un sens.

« Cependant, je suis aujourd'hui fatigué. Que dirais-tu de nous retrouver prochainement, afin d'en rediscuter ? » dit-il en se relevant, craquelant. « J'erre sur la plage autour de la lagune, si tu viens me chercher je ne devrais pas être très difficile à trouver. »

Emilitia

Il fatigue l'Oncle retrouvé, Emilitia n'aurait su dire si cette faiblesse du corps venait d'un âge trop avancé, de sacrifices trop grands ou d'un retour à la vie chaotique, certainement un mélange de tout ça. La demi-démone ne lui en tiendrait pas rigueur, il était si proche de l'incarnation même de la déchéance qu'il en devenait un des individus les plus intéressants rencontrés.

« Bien, alors je saurais vous retrouver. »

Ainsi devenait-il un nouvelle âme que sa part démon n'aurait laissé s'échapper. Il était l'Oncle, celui qui avait permis sa naissance et dans cet instinct possessif, se développait celui qui ne l'aurait pas laissé partager ce morceaux de famille avec ces cousins chez les Nakhus. Cet Oncle appartenait à son monde, pas le leur.
Emilitia délaissa le mâle abîmé, lui laissant cette paix et ce repos demandé. Assurément, elle reviendrait dans les prochains jours.