Les maux de la nuit ○ Abysse

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
F A E I

Au coeur de la nuit, quelque chose chiffonna la sorcière vieillissante. Son sommeil semblait agité, son repos plutôt compromis. Les paupières d'Ann s'ouvrir et elle gronda, mécontente. Quelque chose n'allait pas, mais elle n'aurait pas su dire quoi. S'ébrouant vivement pour chasser cette mauvaise impression qui poissait encore son esprit embrumé de sommeil, elle entendit quelque chose. Comme une voix basse, lointaine. Et elle sût. C'était ce qui l'avait dérangé dans ses songes, c'était ce qui l'avait suffisamment interpellé pour l'éveiller : Abysse avait besoin d'elle. Elle se hâta alors, se secoua une nouvelle fois pour faire fuir les derniers morceaux de brouillards du sommeil pour attraper son sac et filer en vitesse hors de sa tanière. Elle n'avait ni besoin d'y voir dans la nuit, ni de chercher à l'odeur : son cœur la portait vers son âme-sœur au pas de course. Et elle avait raison, lorsqu’elle le trouva sur la plage, il n'était pas en forme. Abysse semblait vouloir faire les cents pas, ne tenant pas en place. Comme toujours il retenait toutes plaintes. par fierté ou par désir de ne pas inquiéter sans doute. La Maitresse des Rituels s'approcha du second et vint lui lécher la joue, essayant d'apporter du réconfort au vieux mâle.

« Mon amour, que t'arrives t-il ? Où as-tu mal ? »

Elle se rendait bien compte à sa façon de se tenir et de se tortiller, qu'il n'était pas au meilleur de sa forme et de son confort. Déjà, sur son dos, des pousses d'algues au caractère analgésiques qui pourraient faire du bien à Abysse et apaiser une partie de ses douleurs.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
F A E I

Le mâle sursauta à son contact. Elle se mordit la joue, réalisant qu’elle n’avait pas prit le temps de s'annoncer et de le rassurer avant d'être auprès de lui. Abysse était plus âgé qu'elle, aussi pouvait-elle imaginer que les quelques soucis articulaires qu’elle subissait de plus en plus fréquemment au réveil ou par jour de trop mauvais temps n'était qu'amplifiés chez son compagnon. La petite sorcière écouta les ressentis énoncés : poumons d'abord, dos ensuite, puis épaules et pattes. Toux. Douleurs. A la truffe, elle ne discerna aucune odeur désagréablement connu de maladie. Si c'en était une, elle n'était pas détectable simplement par inspection générale. Ann se redressa du mieux qu'elle pu et s'assit sur son postérieur les pattes avant levé et entourant les joues du loup abyssal. Elle posa son front contre le sien, ne remarqua pas de fièvre. Son cerveau se mit en route rapidement, faisant l'inventaire de ses connaissances en terme de maux de vieillesse. Malheureusement si les symptômes pouvaient parfois être apaisés, en partie ou totalité pour une durée indéterminée, la cause ne pouvait être soignée définitivement. Ça n'irait que de mal en pis. Les oreilles de la femelle pivotèrent et les breloques de ses cheveux teintèrent en tout sens alors qu'elle se pliait pour attraper quelques longues tiges d'algues rouges qui avaient poussées sur son flanc et les donner au Second à mâchonner : celles-ci auraient pour but d'aider pour l'arthrose pour ralentir au maximum la dégradation du cartilage et avaient des propriétés anti-inflammatoire intéressante en cas de douleurs de rhumatismes, d’arthrite, de troubles articulaires et musculaires. Ce ne serait pas un remède immédiat car nécessaire sur le long terme, mais ça pourrait déjà un peu diminué les souffrances du vert.

Elle en consommait elle-même depuis plusieurs semaines. Il faudrait qu'elle en concocte davantage afin d'en faire une cure pour Abysse également. Elle se rappela les avoir découvert pas très loin de Morne-Oeil, au niveau de la Crête du Leviathan : elles poussaient en colonies, en faible profondeur. Elles étaient donc faciles à trouver en grandes quantités. L'algue rouge avait de nombreuses autres vertus, la Maitresse des Rituels avaient remarqué une meilleure forme physique générale : en reminéralisant l’organisme, la consommation de cette algue aidait à se redynamiser et à diminuer la fatigue. D'ailleurs, cela lui donna une idée pour Nael. Puisqu'il semblait que consommer cette algue avait aussi un impact positif sur le système immunitaire et le bon fonctionnement cérébral et musculaire, tous ses minéraux pourraient également rendre les sols plus fertiles peut-être... ? Il fallait vraiment qu’elle garde cette pensée a proximité pour ne pas l'oublier ! Quand à la toux... A part le miel, elle n'avait pas de solutions efficaces pour l'instant. Et ses réserves étaient vides... Elle se morigéna pour n'avoir pas récupérer cet or liquide pour la santé des pirates plus tôt, elle avait cru avoir encore du temps avant l'hiver. Que pouvait-elle faire d'autre sinon ? Son regard s'éclaira en observant les vagues qui s'approchaient de leurs pattes. Abysse n'avait pas besoin de respirer sous l'eau, ses branchies pourraient prendre le relais et peut-être soulager un peu ses poumons ? Elle observa son compagnon tant aimé. En plus, l'eau soutiendrait une partie de son poids et aideraient peut-être aussi ses autres douleurs ?

« Crois-tu que nager te ferait du bien ? Pas trop loin, juste de quoi être complètement sous l'eau ? »

Elle attendit un signe d'Abysse pour la suite.


Algues rouges : Le lithothamne.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
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S'il n'avait pas envie, Abysse, d'aller nager, c'est que vraiment il n'était pas en forme. C'était un crève-cœur pour elle de le voir si atteint, si diminué par sa douleur, même en sachant que ce n'était que le cycle naturel de la vie des mortels. Il était toujours difficile de voir ses proches, les êtres qu'on aimait le plus, s'affaiblir de jour en jour.

« Alors on va rester là, tous les deux ensemble. »

Elle s'allongea à côté de lui, du côté de son dos. Elle était loin d'être aussi grande et épaisse que lui la sorcière, mais elle avait au moins l'avantage d'avoir le poil touffu et dense, une longue queue et une sacré tignasse. S'enroulant au mieux autour de son compagnon, elle se colla à son flanc d'un côté de sorte à ce que ses cheveux viennent couvrir les épaules d'Abysse et que sa queue puisse tenir un peu chaud l'autre côté du mâle hybride. A défaut d'avoir emmener une couverture sous laquelle ils auraient pu se blottir ensemble. Elle se demanda si elle parviendrait à l'éloigner un peu de ses douleurs en lui changeant les idées... Qui ne tente rien n'a rien, alors elle commença à raconter.


« Tu te rappelle, le soir où je t'avais fait un repas sur les côtes du continent ? Notre premier vrai soir juste tous les deux ? »

Pour elle ça avait été le début d'un bonheur sans nom. C'était son premier souvenir heureux qui n'appartenait qu'à elle, c'était l'instant où tout avait basculé et où elle avait enfin pu avouer les sentiments qu'elle retenait depuis des années.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
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Elle le sentit se détendre un poil et se serra davantage contre lui. Elle n'aimait pas être inutile, être impuissante. Même les sorcières ne pouvaient rien faire contre le cycle éternel, interrompu et immuable de l'existence des mortels. Son seul soulagement était que l'Océan récupèrerait leurs âmes un jour, et qu'ils vogueraient, un jour, tous ensembles, dénués de toute inquiétude. Apaisés dans les tréfonds du monde. Ann donna une lèche sur le museau d'Abysse quand il tourna la tête vers elle, rieuse.


« C'est le premier des plus beaux jours que la vie m'ai accordés. Grâce à toi. »

Parce qu'il ne l'avait pas repoussé, parce qu'il l'avait laissé entrer dans son coeur et y faire une place. Parce que suite à ça, pour elle la vie était devenue idyllique, peu importait le danger auquel il devait faire face. Parce qu'ensuite, Abysse lui avait offert le plus merveilleux des cadeaux au travers de quatre, cinq même, têtes de bois énergiques. Il lui avait offert la plus belles et fières de toutes les familles. La Maitresse des Rituels étaient juste peiné que son père n'ai jamais pu voir leurs petits monstres marins naître. Son attention revint sur le beau mâle abyssal. Malgré la fatigue et les douleurs, le Second n'avait rien perdu de son charme, de sa douceur, de sa bienveillance. Il était une lumière pour elle. Un phare au milieu de l'Océan, qui la guidait toujours du bon côté.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
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Elle ne voulait pas penser à la fin Ann. Elle ne voulait pas imaginer une vie sans lui. Elle le savait pourtant, parce qu'elle lui apportait des remèdes quand il en avait besoin, parce qu'elle le sentait souffrir et décliner petit à petit. Si elle avait pu, elle aurait prit toute sa souffrance, toutes ces années de trop pour que le mâle vert n'ai jamais à se soucier d'être le premier à partir. Elle lui sourit avec toute la tendresse du monde quand bien même il ne pouvait le voir, il l'entendait au travers de son ton de voix et frotta sa truffe contre l'encolure du Second.

< On restera ensemble pour toujours, ne t'inquiète pas. >

Parce que jusqu'au bout elle s'efforcera it de le faire se sentir bien, ou au moins, le mieux possible. Et que jamais elle ne l'abandonnerait. S'il fallait aller vivre sous la mer pour apaiser un peu de souffrance du loup abyssal, l'océan lui avait permis d'en être capable aussi. Et puis, la ville de Paquot était incroyable, idéale pour une retraite paisible. Elle garda l'idée au chaud pour plus tard, là n'était pas le moment de suggérer un départ quand il espérait rester auprès de leurs enfants adultes. Chacun d'entre eux forgeait son propre chemin maintenant -parfois Ann s'en arracha it les cheveux même !- mais elle leur faisait confiance pour réussir à trouver leur bonheur et remplir leurs besoins sans crainte. Ils étaient forts, vaillants, et à peu prêts tous équilibrés. Presque. De tous, en fin de compte et contre toute attente, c'est pour Susie qu'=e la sorcière se faisait le plus de soucis. Les autres sauraient s'entourer de bonnes personnes pour eux, mais Susie avait ce côté destructeur et auto-destructeur qui pourrait lui jouer des tours, plus encore que ce qu'il ne lui en avait déjà joué. Elle soupira. Probablement qu'elle ne cesserait jamais de sin'uiqèter pour eux, leurs adorables -affreux- et merveilleux rejetons. Fruits parfaits de leur amour à Abysse et elle.

< Nous devrierions faire un repas, toute la famille ensemble. >

Elle réalisa trop tard que toute la famille signifiait les 98% des Raeders... Bon. Autant faire un banquet festif pour tous alors.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
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Son esprit l'emmena à des années en arrière, lorsqu'elle était elle-même enfant et que les Raeders, qui n'avait de pirates que le mode de vie sans bateau pour voguer loin en mer, festoyait à chaque lune. Repas en gorupe, boissons, rires gras et chants grivois avait bercé son enfance. Elle réalisa que depuis le départ des trois frères forbans, son père et ses deux oncles, il manquait terriblement cette atmosphère légère et festive d'autrefois. Bien sûr, les habitants de Morne-Œil avait fait quelques banquets mais... Ils n'avaient pas le goût de la nostalgie comme ceux d'avant. Il y avait là quelque chose à remettre en place. Après tout, elle n'avait que de bons souvenirs de ces instants au clair de lune ! Entre chamailleries avec Mavis et plaisanteries embusquées avec Mary... Entre les histoires rocambolesques de son paternel et celles, plus sombres et effrayantes du Maître des Rituels... Ann en était presque triste que ses petits n'ai pas connu tout ça. Peut-être... Peut-être n'était-il pas trop tard pour recommencer ? Relancer des traditions pour les prochains ?

< Il nous faudra du rhum... Nos cales sont presque à sec. Et des fruits frais. >

C'était toujours meilleur frais. Pour la poiscaille, ils pêcheraient la veille, voir le jour même. La petite sorcière se laissa reposer contre son compagnon, son poids n'étant pas assez imposant pour gêner le loup abyssal ou lui faire mal. Au clair de lune, avec le ressac, elle s'en dormirait presque ici et maintenant, contre lui, si elle n'avait pas le besoin -l'envie surtout- de veiller sur Abysse et s'assurer de son confort.

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
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A la façon qu'Abysse eu de s'affaisse lentement contre elle, elle sentit qu'il s'apaisait. A son rythme cardiaque qui ralentit, elle comprit qu'il trouvait enfin le sommeil. Elle réalisa qu'il luttait pour l'écouter encore, et elle sourit. Il y avait chez ce mâle une bienveillance et un altruisme immense. Toujours il faisait passer les autres -quels qu'ils soient- avant son propre confort. Le monde n'était pas assez bon pour un loup pareil. C'était pour cette raison qu'elle était encore follement amoureuse après toutes ces années, mais aussi pourquoi elle avait juré de s'astreindre elle-même à éviter ses propres côtés sombres : pour le protéger, des autres et de lui-même. Tout comme il était là lumière dans ses profondeurs sombres, elle se devait d'être la roche solide et stable sur laquelle il pouvait se poser. Même s'il était deux fois plus grand qu'elle... Ann était une crevette en comparaison d'Abysse. Elle était née terrienne alors qu'il était né marin. Elle était aussi posée qu'il était jovial. Son regard était aussi mystérieux et suspicieux que celui d'Abysse était pure et innocent même au travers de sa cécité. Ils étaient de parfaits opposés, des êtres aussi éloignés l'un de l'autre que possible et pourtant tout à fait complémentaires. L'Océan avait permis cela. Pleine de gratitude elle pria les forces supérieures qui veillaient sur eux du fin fond des crevasses les plus obscures du monde sous-marin. Sa prière se mua bientôt en chant doux et heureux. Presque comme une berceuse pour accompagner le souffle régulier et serein de son compagnon de toute une vie.