Pendant que nous sommes là | ft. Sakura

Quelque part dans les ombres de ses temps libres, Zen pensait à sa grande amie Sakura. Il avait remarqué ses rondeurs, les mêmes qu'il y a quelques années maintenant, et il s'en était voulu beaucoup. Donc, par réflexe, il avait pris ses distances avec tout ça, rajoutant encore de la matière pour nourrir son nuage noir.

Il profite d'un moment où ses songes ne le tannaient pas avec de mauvaises ondes, additionné à l'absence de Désastre et Olis pour rendre visite à la louve quelques minutes. Lors de leur dernier tête à tête, il lui avait avoué ses sentiments les plus sincères, et elle l'avait bien pris pour son plus grand bonheur. Bien que ce ne soit pas réciproque, et que du côté du mâle, ces émotions s'étaient taries, il en était content et surtout libéré.

Dans une petite sacoche, il transporte des petites peaux de rongeurs, un lapin et un castor, quelques fleurs perce-neige d'un blanc pur, et d'un pas lent mais décidé, il atteint enfin la tanière de la guerrière.

- Bonjour sucre d'orge.

Un fin sourire taquin, encore et toujours.

A sa grande surprise, la louve s'affichait vulnérable, ainsi couchée sur le dos, une vraie petite boule. Une attitude peu soignée, mais c'était du grand Sakura. Un naturel qui lui appartenait bien. Il entre sans attendre son accord car il se doutait qu'elle ne le lui refuserait pas, et dépose les cadeaux devant elle avant de s'assoir dans cette tanière qu'il connaissait bien, ayant été son styliste d'intérieur personnel.

Un bref regard sur les babioles par-ci par-là, avant de se reconcentrer sur elle, qui lui parlait de ses petits.

- Je ne serai sans doute pas présent demain, hélas.

Un sourire tendre avec une voix douce et toujours chantante. Sa queue remue deux fois, balayant un peu la poussière derrière lui.

- Combien de temps penses-tu pouvoir m'accorder avant que nous ne soyons dérangés ?

Plutôt, avant que lui-même ait l'impression de déranger, ici, dans la tanière d'une louve appartenant à une brute épaisse et primitive. Il n'était pas question de montrer les crocs et perdre des poils auprès d'un être aussi stupide et sale.

Elle se redresse enfin pour jeter un oeil aux truc ramenés pour l'occasion. Sans doute les petites peaux seraient utiles pour les nouveaux petits à venir, ou pour qu'elle s'en fasse un coussin. Après tout, elle en ferait bien ce qu'elle voulait à partir de maintenant.

C'était toujours agréable de la voir sourire.

- Oh, rien de spécial à vrai dire. Je voulais m'assurer que tu ne manques de rien.

Un bref sourire également, il avait pourtant beaucoup à dire, des démons qui le rongeait un peu plus chaque jour en suivant le cour de sa vie qui semblait décliner petit à petit. Il lui semblait avoir raté tant de choses que désormais, il regrettait.

Mais il n'était pas question d'en faire part. C'était se montrer faible et vulnérable, et la louve avait sûrement d'autres préoccupation. Il se redresse, le poil de son cou toujours aussi épais.

- Alors, comment tu te portes ?

Il rit à sa remarque. C'est vrai qu'elle lui semblait un peu plus large que lors de sa première grossesse qu'il avait pu suivre de loin, car Olis rôdait autour de sa nichée. Un comportement normal ... pour un sauvage. Zen l'avait difficilement accepté, lui qui suivait couremment Sakura à cette époque-ci, s'en voir séparé avait été source de bien des sautes d'humeur. Mais ça allait mieux, désormais, profitant des absences du Dire pour passer du temps avec sa meilleure amie.

Puis, un coup d'épée dans son coeur à la mention de Désiré. Un regard tétanisé et vide de toute autre émotion, il serre les dents et ne sourit plus. Son regard pastel fixe un point sur le sol. C'était encore trop récent. C'était encore trop douloureux à mentionner.

Il n'avait même pas entendu le retour de question de la louve qu'il se remit à trembler, retenant colère et déchirement. Il n'aura suffit que d'une fois, montrer les crocs face à son fils en tant que menace et avertissement, et il se sentait très sale.

- C'est ...

Il avale sa salive, peut-être aussi un peu de sang issu de sa langue qu'il mordait juste avant.

- ... compliqué, en ce moment.

Il n'y avait que Désiré et Astrid dans sa tête. Tant de questions, si peu de réponses, et pourtant une évidence qu'il ne pouvait pas éviter. Le bonheur de son fils prévalait sur tout. Et il était heureux, avec cette pirate de malheur. Son regard revient sur Sakura, larmoyant.

- Très compliqué.

Une petite sacade, prêt à s'écrouler de nouveau.

Il se passe un temps où tout semble s'arrêter. Il n'entendait plus que les battements de son coeur qui toquait contre son poitrail, ordinairement droit, et là plus avachi. Sakura parle, mais il peine à rester attentif.

Il lui semble entendre parler d'oreille et d'épaule, rendre quelque chose. Ses yeux verts humides glissent vers la louve ronde comme une barrique, elle sourit. Et le loup se raccroche à ce sourire, et ces quelques mots parlés. Et il se couche sans un bruit, sans un mot. Sa tête se place entre ses longues pattes, toujours secoué par des spasmes pour camoufler au mieux sa peine. Juste le bruit de ses petites chaînes qui touchent la roche froide.

Le trahissent quelques larmes qui roulent doucement sur son marquage blanc pour venir s'écraser au sol.

- Désiré est marié à une Raeder.

Et il ne savait pas comment passer par quatre chemins, de cette vérité encore source de bien des conflits à venir.

L'une de ses pattes se pose sur son long museau, tentant de faire taire les quelques soubresauts qui le faisait sursauter. Sa respiration se coupe, parfois, les émotions étant plus fortes que tout. Et ce lien de confiance avec la louve devait jouer pour qu'il mette ainsi à nue sa tristesse.

Zen se concentre sur les paroles de la louve, ce qui calme sa peine, bien que les questions restaient douloureuses et pénibles.

- Je- je lui ai dit que je ne pou- pouvait consentir à cette union.

Le grand mâle tente de se redresser, s'essuyant les yeux très humides, reniflant également. Il regarde le plafond, soupire un coup. Il fallait se ressaisir.

- Il a l'air, oui.

Et c'était bien là le problème, il était heureux, et ne reviendrait pas sur son choix. Pourtant ... Pourtant Zen avait toujours voulu que son fils ne manque de rien, ne connaisse pas la tristesse ou le malheur. C'était un paradoxe insupportable. Ses yeux se rivent dans ceux de Sakura, cherchant de quoi s'ancrer.

- Je ne peux plus le regarder ... dans les yeux.

Un lien, un pillier avait été brisé, et garderait à tout jamais des séquelles et cicatrices épaisses. Sans doute une histoire de confiance.

Sakura semble surprise et répond au tac-au-tac. Il l'écoute, tentant de se concentrer sur chaque mot et intonation. Le fond était vrai. Mais tout était encore trop récent, trop soudain. On lui retirait son fils, et craignait que la meute ne l'écarte également. Ce serait sans doute l'ultime coup de poignard dans le coeur. Le raisonnement de la louve avait tout de même un goût amer, et semblait prédire ce qu'il allait se passer.

Pour l'une des rares fois, Zen ne dit rien immédiatement, la colère brûlait dans son corps ainsi que l'acceptation. En parler avait fait un bien fou.

- Nous ne sommes pas en compétition.

Et le gain n'était pas simplement les enfants de leurs parents respectifs. D'une patte, il essuie l'humidité de ses yeux.

- Il a été mis en garde, maintenant ... Il est sans doute assez grand pour ... faire ses propres choix.

Un soupire, ses yeux se détournent de la louve.

- Je ne peux pas décider pour lui.

Hélas.

Il était agréable de parler de ce genre de sujet épineux avec d'autres parents. Il en aurait sans doute eu l'occasion plusieurs fois, oui ! Mais Sakura était la seule véritablement assez proche pour le voir aussi lamentable et pathétique. Elle parle, puis le silence. Il souffle par le nez en fermant les yeux, pensif, toujours le terrain de jeu de milles émotions.

Il rouvre son regard lorsque la louve ronde vient à son contact. Ca lui arrache un sourire tendre, heureux de lui avoir parlé, heureux d'avoir l'occasion de la voir encore, heureux d'avoir une amie sur qui compter. L'une de ses pattes se pose sur son ventre rond, ça bougeait beaucoup et ça changeait les idées du loup pendant quelques secondes.

- Merci d'être là, Sakura.

Elle se braque le temps de quelques secondes, puis la tension redescend. De sa patte, il fait des papouilles en cercle, du bout des griffes. Comme un petit massage pour la peau, ni griffer, ni chatouiller. Juste rendre les choses agréables, et le loup aimait ce genre de contact.

Il esquisse enfin un petit sourire, le regard un peu plus taquin quoi que toujours humide et fatigué.

- Bien évidemment, pourquoi refuserais-je ?

Zen avait été la nounou de ses deux premiers monstres, l'une semblant avoir absorbé l'énergie de l'autre, mais ils étaient très fusionnels et toujours prêts à faire des bêtises. Des enfants en somme, et les voir grandir de loin lui avait apporté un sentiment de bien-être, avoir le sentiment d'être utile et d'avoir l'occasion de revivre une sorte de parentalité.

Une acalmie, un moment doux sans rien attendre en retour, même pas de parole. Il profitait du moment, à son tour yeux clos. Ca allait lui faire du bien de garder deux nouveaux-nés, des pièges encore sans doute comme aurait dit ses propres parents en riant affectueusement. Un fin sourire en y pensant.

Se balader ? Il ralentit ses caresse petit à petit, il ne grinçait même plus des dents à la mention d'Olis. Lui aussi était devenu un vieux loup, et de toute façon, il avait accepté bien que difficilement que la louve grise ne serait jamais sienne. Ce n'était pas si grave, maintenant.

- Oui.

Il se lève sans brusquer la future maman, et l'attend à l'entrée de sa tanière pour ensuite la suivre.