Indépendance - Dysis

Père et mère sont absents, partis mener quelques aventures dans les terres.
Nour ne sait pas pourquoi elle devrait gentiment rester sur l’Atoll à les attendre, ah ! Elle n’est plus une petite fille docile qui se doit d’obéir, pour préserver sa vie.
Pourtant, son corps tremble et elle ne peut s’empêcher de rester exagérément sur ses gardes.

- Assez ! Tu m’ennuies.

Elle lutte, contre le paradoxe.
Sa nature même.

- Nous devons trouver un moyen de sauver nos yeux.

Car elle n’est pas seulement ici pour se promener : Nour réalise que, chaque jour, sa vue baisse un peu plus : Elle peine désormais à scruter les expressions de ses paires et la vue du soleil l’aveugle de plus en plus. Son regard est altéré par les fleurs, ou bien est-ce le sang noir, qui coule dans ses veines.
Elle ignore si mère souffre des même maux. Une chose est certaine : L’enfant ne souhaite pas du tout finir aveugle et, par conséquent, dépendante de la volonté des autres à vouloir l’aider.

Alors, elle marche d’un pas décidé, sur ce territoire inconnu.
Et tombe, faute d’avoir pu appréhender ce qu’il se passe devant elle.

C’est, justement, cette volonté des autres à vouloir l’aider, qui se présente.
Elle ne sait pas depuis combien de temps cette louve est là, mais ressent, bien vite, la honte de se retrouver dans une situation aussi gênante. Rapidement, Nour s’inspecte et constate quelques égratignures qui seront, à coup sûr, lentes à cicatriser. Le plus embarrassant est encore ce sang à l’odeur putride.
Elle est vulnérable, face à l’étrangère. Vulnérable, par ce qu’elle est au sol, loin de chez elle, par ce qu’elle est différente.

L’adolescente souffle.

- Ca devrait aller, merci.

Elle n’ose pas relever la tête vers son interlocutrice.
Ses fines pattes se regroupent sous son corps et elle se redresse, débarrasse son long pelage de la saleté qui a pu s’y loger.

- Je suis Nour. A qui ai-je l’honneur ?

Elle est bien obligée de la relever, pourtant, la tête, lorsque son interlocutrice tente de s’exprimer.
C’est un sourire amusé qui étire ses babines et plisse ses yeux : L’autre louve semble si embarrassée. Ce constat dissipe sa propre gêne.
Enfin ! Il n’est guère poli de se moquer et ce n’est pas ainsi que l’on l’a éduquée. Alors Nour incline la tête, en signe de salut et se reprend.

- Enchantée.

Drgns ne devait pas être son véritable prénom.
L’adolescente rouge l’observe : elle n’a pas bonne vue mais certains détails la frappent, comme ses beaux cheveux roux et…

- Ton pelage est vraiment joli. D’où viens tu ?

Elle éveille sa curiosité. Il est plaisant de rencontrer d’autres loups qui ont a peu près son âge. Peut-être pourront-elles devenir amies, si l’autre sait aligner quelques mots.

- Ta maman doit être vraiment belle, alors.

Nour ne prend pas vraiment de pinces, concernant ce genre de choses : Ses parents l’ont sensibilisée à ce qui est beau, et la jeune louve en profite tant que c’est encore possible.
C’est beau, d’avoir sur son pelage la splendeur d’un ciel nocturne. A défaut d’être très bavarde, sa rencontre du jour l’est également, très belle.

Elle sait cependant, qu’en tant que louve à la vue déclinante, c’est stupide de s’attarder sur ce genre de choses et qu’elle ferait mieux de s’attarder sur d’autres facultés.

- Tu chassais ?

Une chasseuse de monstres ? Je n’en ai jamais vu, de monstres, il me semble.
L’idée que de telles créatures habitent cet endroit la fait frémir : Elle, ne sait pas se battre. Et puisqu’elle est chasseuse, l’autre louve doit être bien plus efficace.
Doucement, Nour se rapproche, comme pour chercher protection.

- Oh ! Des monstres ? Y’en a t-il beaucoup par ici ?

Si tel est le cas, il vaut mieux s’assurer que cette louve l’escorte.

- Je suis la Princesse de l’Atoll tropical.

Père est Roi, Mère est sa Reine : La nuit, ils résident ensemble dans un palais somptueux.
Tout ceci lui semble naturel.

Elle se rapproche un peu, les yeux grands ouverts et battant de ses longs cils.
Son épaule vient délicatement au contact de celle de l’autre louve : Elle a l’air d’une biche effarouchée, craintive après avoir senti l’odeur d’un prédateur.

- Je te remercie de m’avoir prévenu de ce danger. Saurais tu m’escorter jusqu’à l’Atoll ? Je pourrai en profiter pour vous le faire visiter.

Un sourire (faussement) timide vient étirer les commissures de ses babines.

- L’Atoll est un endroit magnifique. Ce sont plusieurs petites iles, et une jungle verdoyante. L’on y trouve le plaisir de fouler un sable chaud et doux qui glisse entre les doigts…
Je serais réellement ravie de t’y accueillir.

Elle frémit, encore.
C’est amusant : Cela confirme qu’elle ne laisse pas la louve étoilée indifférente, et elle compte bien continuer dans ce sens là.
D’autant plus qu’elle semble prête à la protéger.

- La nuit, Père érige un chateau dans lequel nous résidons et nous mangeons. Les serviteurs nous servent des mets délicats. Lorsque le soleil inonde l’Atoll de sa lumière, le chateau disparait et, alors, nous attrapons quelques crabes et ramassons quelques coquillages.
Je ne suis pas très bonne chasseuse.
En tout cas, pas aussi talentueuse que ce que tu dois être.

Elle sourit, un peu taquine, et approche doucement son museau près de l’oreille de l’autre louve, charmeuse.

- Te fallait-il davantage d’arguments, pour te persuader de m’y accompagner ?
Je pense pouvoir ajouter être une hôtesse tout à fait honnête.

- Merci.

C’est bien, si elle est bonne conteuse, à défaut d’être bonne chasseuse.
Ses mots sont peut-être sa meilleure arme, finalement, puisque la suite ne laisse pas non plus la louve rousse de marbre.
Mais elle, a t-elle envie de parler de son regard qui se meurt ? Peut-être qu’elle peut, et souhaite, l’aider. Ma foi, si c’est le cas, elle ne s’en dispensera pas.
Son épaule vient doucement trouver le contact de sa nouvelle rencontre.

- Ils se meurent. Enfin, ma vue, plus qu’eux. Tu es peut-être l’une des dernières splendeurs qui me sera donné de voir.

Elle a un sourire un peu triste (et peut-être un peu exagéré).

- A moins de trouver de trouver une solution. Mais je ne peux pas lire le moindre ouvrage…

Sa situation semble inquiéter la louve rousse.
C’est une bonne chose si elle peut obtenir une aide extérieure : Elle aussi, s’inquiète de perdre la vue. Etre handicapée, et solitaire, c’est se condamner à mort. Par chance, Père et Mère l’entourent, mais si tout ceci n’était pas suffisant ?
Aussi, elle aimerait rester valide.

- Hélas non. Je vis seule, avec Père et Mère. Aucun d’eux ne savent soigner les yeux… Quelqu’un, chez toi, saurait-il le faire ?

- Ce serait formidable !

Son coeur s’accélère, quand l’espoir un peu fou de sauver sa vue lui vient.
Mais alors qu’elle s’apprête à acquiescer, une voix masculine retentit : Celle de Père qui, sans doute, s’est inquiété de son absence.

- Ce sera l’occasion de te revoir.

Elle effleure doucement ce museau que l’inconnue approche.
Père l’appelle de nouveau.
Elle lui adresse un dernier sourire et tourne les talons.